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10/04/2015 | FRANCE | N°14PA02840

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 avril 2015, 14PA02840


Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2014, complétée par un dépôt de pièce enregistré le 25 août 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Baghouli; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1311153 du 14 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 2 juillet 2013 refusant de lui renouveler son titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°)

d'annuler l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui déli...

Vu la requête, enregistrée le 28 juin 2014, complétée par un dépôt de pièce enregistré le 25 août 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Baghouli; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1311153 du 14 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 2 juillet 2013 refusant de lui renouveler son titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de

30 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1800 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

M. B...soutient :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- que cette décision est insuffisamment motivée ;

- qu'elle est entachée d'un vice de procédure du fait du défaut d'établissement de l'avis médical dans des conditions régulières, de l'absence de transmission dudit avis et du défaut de consultation du directeur général de l'agence régionale de santé ;

- que le préfet de police a méconnu l'étendue de sa compétence en se bornant à adopter l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police, sans exercer son propre pouvoir d'appréciation ;

- que cette décision méconnaît les dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans la mesure où il a bénéficié depuis 2010 d'un titre de séjour en raison de son état de santé et que c'est grâce aux soins prodigués en France que son état psychique s'est stabilisé ;

- que cette décision méconnaît les dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la durée de son séjour en France où il réside depuis 2007, et de sa bonne insertion sociale et professionnelle ;

- que cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- que cette décision méconnaît les dispositions du 2° de l'article 7 de la directive 2008/115/Ce du Parlement et du conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et celles du premier alinéa du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation du fait de l'absence de délai supérieur à trente jours pour quitter le territoire, alors que son état de santé nécessite son maintien en France ;

- que la capacité à voyager n'est pas mentionnée dans l'avis médical ;

- que cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L 511-4 du CESEDA ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- que cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité des précédentes décisions ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense ;

Vu la décision du 22 mai 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mars 2015, le rapport de Mme Stahlberger, président ;

1. Considérant que M.B..., né le 9 octobre 1958, de nationalité colombienne, entré sur le territoire français selon ses déclarations en février 2007, a sollicité le bénéfice de l'asile politique qui lui a été refusé par décision en date du 10 novembre 2008 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides confirmée par décision du 13 avril 2010 de la Cour nationale du droit d'asile ; qu'à compter du 30 juin 2010, il a été mis en possession d'une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le dernier renouvellement lui a été refusé par l'arrêté attaqué du préfet de police en date du 2 juillet 2013 ; que par jugement du

14 février 2014, dont M. B...relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté attaqué et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (... ) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a obtenu plusieurs cartes de séjour temporaire, en qualité d'étranger malade, valables jusqu'au

5 octobre 2012, puis a été mis en possession d'un récépissé de demande de titre de séjour valable jusqu'au 21 mars 2013 ; que pour refuser le renouvellement de son titre de séjour le préfet de police s'est fondé sur l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police en date du 11 juin 2013, selon lequel, si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays, la Colombie ; qu'il ressort cependant des certificats médicaux produits par l'intéressé en date du 4 février 2013 et 9 août 2013 établis par le chef de service du centre hospitalier Saint-Anne qui suit l'intéressé que

" M. B...a été pris en charge très régulièrement en psychiatrie pour son trouble et bénéficie d'un traitement par Depakote et Ability, traitement qu'il ne pourrait pas se procurer dans son pays " ; que s'agissant de la spécialité Depakote, le laboratoire Sanofi a confirmé cette affirmation alors que le préfet de police n'a produit aucun élément concernant la disponibilité dudit traitement ou d'un traitement équivalent en Colombie ; que ce faisant, le préfet de police a, en refusant le renouvellement du titre de séjour de M.B..., fait une inexacte application des dispositions précitées ; qu'il s'ensuit que M. B...est fondé à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de police en date du 2 juillet 2013 refusant de lui renouveler son titre de séjour, portant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que la présente décision implique nécessairement d'enjoindre au préfet de police de délivrer à M. B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Baghouli, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Baghouli de la somme de 1500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1311153 du 14 février 2014 du Tribunal administratif de Paris et l'arrêté du préfet de police en date du 2 juillet 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A...B...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Baghouli, avocat de M.B..., la somme de

1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Mosser, président de la formation de jugement,

Mme Stahlberger, président,

M.Cheylan, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 avril 2015.

Le rapporteur,

E. STAHLBERGERLe président,

G. MOSSER

Le greffier,

J. BOUCLY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 14PA02840


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA02840
Date de la décision : 10/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MOSSER
Rapporteur ?: Mme Evelyne STAHLBERGER
Rapporteur public ?: M. BOISSY
Avocat(s) : BAGHOULI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-10;14pa02840 ?
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