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20/04/2015 | FRANCE | N°14PA03049

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 20 avril 2015, 14PA03049


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 juin 2013 du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1315201 du 19 février 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la C

our :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 11 juillet 2014...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 juin 2013 du préfet de police lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à la frontière à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1315201 du 19 février 2014, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 11 juillet 2014 et le 13 août 2014, M. B..., représenté par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1315201 du 19 février 2014 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de police du 3 juin 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat, Me A..., au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement, qui expose insuffisamment les motifs pour lesquels le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est écarté, est irrégulier ;

- l'arrêté est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation ;

- il apporte la preuve de sa présence en France depuis plus de dix ans et le préfet ne pouvait pas lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sans au préalable saisir la commission du titre de séjour, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il a démontré l'existence d'un motif justifiant son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée le 5 septembre 2014 au préfet de police, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 22 mai 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Dhiver a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant malien, a sollicité son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 3 juin 2013, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'issue de ce délai. M. B... fait appel du jugement du 19 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutient M.B..., les premiers juges ont exposé avec suffisamment de précision les motifs pour lesquels ils ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, à supposer même qu'il soit recevable, son moyen tiré d'une insuffisance de motivation du jugement attaqué doit être écarté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

3. En premier lieu, l'arrêté du préfet de police du 3 juin 2013 énonce avec suffisamment de précision les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour refuser à M. B...la délivrance du titre de séjour qu'il sollicitait. Dès lors, le moyen tiré de ce que cet arrêté ne serait pas suffisamment motivé doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police a procédé à un examen approfondi de la situation personnelle de M. B... avant de rejeter sa demande de titre de séjour.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article

L. 311-7. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

6. Pour établir sa résidence habituelle en France pendant les dix années précédant la décision contestée, M. B... produit, pour l'année 2006 contestée par le préfet de police, des documents dont la valeur probante est insuffisante. Tel est plus particulièrement le cas des bulletins de salaire à son nom émanant la société Presta'n, sur lesquels figure un numéro de sécurité sociale qui n'est pas celui de l'intéressé et que l'on ne retrouve sur aucun autre justificatif présenté. Si le requérant fait valoir qu'il a été employé à partir de 2009 par la société Sovitrat sous une fausse identité et que son employeur a établi une attestation de concordance, ces indications ne sont de nature à expliquer l'incohérence relevée par le préfet sur les bulletins de salaire de l'année 2006. Les autres documents présentés pour cette même année, consistant en un simple courrier de la caisse primaire d'assurance maladie en vue d'une immatriculation et en la déclaration préremplie des revenus de l'année 2005, sont insuffisants pour justifier d'une présence sur le territoire. Dès lors, faute d'établir qu'il avait sa résidence habituelle en France depuis plus de dix ans à la date de la décision de refus de titre de séjour, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande.

7. Outre la durée de sa présence en France, M. B...fait valoir qu'il a régulièrement travaillé à partir de l'année 2006 et que la société d'intérim Sovitrat qui lui confie depuis 2009 des missions de manoeuvre l'accompagne et le soutient dans sa démarche de régularisation. Toutefois, la durée de séjour, à la supposer même suffisamment établie, ne constitue pas à elle seule une considération humanitaire ou un motif exceptionnel d'admission au séjour. En outre, M. B...n'établit pas que ses qualifications et son expérience ainsi que la situation de l'emploi seraient de nature à lui ouvrir droit à l'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié. Par suite, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 et n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation de la situation de M. B...au regard de ces dispositions.

8. En cinquième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

9. M. B...soutient qu'il est très bien intégré socialement et professionnellement en France où il réside depuis plus de dix années, où il travaille et est soutenu par son employeur, où il a noué de nombreux liens amicaux et dont il maîtrise la langue. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident ses parents et dans lequel il a vécu au moins jusqu'à l'âge de 23 ans. Dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Il n'a ainsi méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Marino, président assesseur,

- Mme Dhiver, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 avril 2015.

Le rapporteur,

M. DHIVERLe président,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03049


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03049
Date de la décision : 20/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : LAMINE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-04-20;14pa03049 ?
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