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01/06/2015 | FRANCE | N°14PA00346

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 01 juin 2015, 14PA00346


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Quanta Médical a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 109 771, 61 euros en paiement des prestations effectuées dans le cadre du marché portant sur l'élaboration d'un outil de repérage et de détection des infections associées aux soins utilisable en routine dans les établissements de santé et au versement de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation résultant du rejet de ses prestations.

Par juge

ment n° 1219784/3-3 du 26 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Quanta Médical a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 109 771, 61 euros en paiement des prestations effectuées dans le cadre du marché portant sur l'élaboration d'un outil de repérage et de détection des infections associées aux soins utilisable en routine dans les établissements de santé et au versement de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation résultant du rejet de ses prestations.

Par jugement n° 1219784/3-3 du 26 novembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 janvier 2014 et 16 avril 2014, la SA Quanta Médical, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1219784/3-3 du 26 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 89 771, 61 euros TTC en règlement du solde du marché conclu le 30 novembre 2009, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors d'une part, qu'il est entaché d'une omission à statuer et d'autre part, qu'il est insuffisamment motivé ;

- le tribunal a inversé la charge de la preuve en estimant qu'elle ne démentait pas sérieusement les erreurs relevées par le ministère de la Santé ;

- il a commis une erreur dans son appréciation des conditions d'exécution du marché dès lors que c'est l'administration qui lui a imposé des contraintes d'exécution qui l'ont empêchée de réaliser les prestations dans les conditions prévues par le marché, parmi lesquelles le nombre minimal de patients ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le nombre minimal de 2 040 patients à inclure dans l'étude était " devenu contractuel au terme de la première étape d'exécution du marché " ;

La requête a été communiquée au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 22 décembre 2014, la clôture de l'instruction a été fixée à la date de son émission en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 78-1306 du 26 décembre 1978 approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles et la modification du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés industriels ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- et les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public.

1. Considérant que par un avis d'appel public à la concurrence publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics le 26 août 2009, le ministre chargé de la santé a lancé un appel d'offres en vue de la passation, suivant la procédure adaptée, d'un marché ayant pour objet l'élaboration d'un outil de repérage et de détection des infections associées aux soins utilisable en routine dans les établissements de santé ; que ce marché a été attribué à la société Quanta Médical pour un montant de 144 845, 17 euros TTC par acte d'engagement signé le 15 septembre 2009 ; que d'une durée de douze mois, ce marché prévoyait une exécution des prestations en trois étapes ; que, le 30 novembre 2011, la personne responsable de ce marché a décidé de rejeter les prestations de la société Quanta Médical correspondant aux deux dernières étapes du marché ; que la société Quanta Médical ayant formulé le 15 décembre 2011 des observations contre le rejet de ses prestations, la personne responsable du marché a, le 27 décembre 2011, confirmé leur rejet ; que la société Quanta Médical ayant présenté de nouvelles observations, le secrétaire général de la direction générale de la santé a de nouveau confirmé leur rejet par un courrier du 27 janvier 2012 puis par un courrier du 23 février 2012 ; que, devant ce différend persistant, la société Quanta Médical a, le 16 juillet 2012, présenté un mémoire en réclamation à la personne responsable de marché, qui l'a rejeté le

11 septembre 2012 ; que la société Quanta Médical fait appel du jugement du 26 novembre 2013 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 109 771, 61 euros en paiement des prestations effectuées dans le cadre du marché litigieux et au versement de dommages et intérêts au titre de l'atteinte à son image et à sa réputation résultant du rejet de ses prestations ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la requérante, ont répondu à tous les moyens soulevés par celle-ci ; qu'ainsi, le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer ;

3. Considérant que si la société Quanta Médical soutient que " les premiers juges n'ont absolument pas motivé leur jugement quant à la nature et/ou l'incidence réelle des erreurs prétendument commises (...) dans la conception de l'outil statistique ", il ressort du considérant 6 du jugement attaqué que les premiers juges, qui comme il a été dit précédemment ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par les parties, ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 33.5 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de prestations intellectuelles dans sa version alors en vigueur : " Lorsque la personne responsable du marché juge que les prestations appellent des réserves telles qu'il ne lui apparaît possible d'en prononcer ni l'ajournement ni la réception avec réfaction, elle notifie une décision motivée de rejet. / Il en est de même lorsque, en l'absence d'obligation de résultats, le titulaire n'a pas rempli les obligations mentionnées au troisième alinéa de l'article 32. / Le titulaire dispose de quinze jours pour présenter ses observations ; passé ce délai, il est réputé avoir accepté la décision de la personne responsable du marché. Si le titulaire formule des observations, celle-ci dispose ensuite de quinze jours pour notifier une nouvelle décision ; à défaut d'une telle notification, la personne responsable est réputée avoir accepté les observations du titulaire. / En cas de rejet, le titulaire est tenu de rembourser les avances et acomptes déjà perçus " ; qu'aux termes de l'article 2 du cahier des clauses particulières du marché, les prestations attendues du titulaire comprenaient " un algorithme d'aide à la décision, pour chaque patient, permettant le diagnostic rapide d'IAS à partir de données accessibles en routine " et " un outil d'analyse des fréquences des IAS qui aide l'équipe opérationnelle d'hygiène hospitalière à suivre l'évolution des IAS dans l'établissement " élaboré à partir, notamment, de " la collecte de données (...) dans un panel d'établissements volontaires respectant les contraintes exposés (infra) ; l'implémentation d'un algorithme d'aide à la décision de survenue des IAS à partir des paramètres précédemment recueillis ; des tests de robustesse de l'algorithme " ; qu'il est également précisé que : " la population cible sera celle des patients pour lesquels une prescription d'antibiotique ou d'antifongique a été initiée après 48 heures d'hospitalisation ou pour lesquels un prélèvement microbiologique prélevé après 48 heures d'hospitalisation est positif " ; qu'aux termes de l'article 3 de ce cahier des clauses particulières intitulé Modalités d'exécution de la prestation : " 1ère étape : planification. (...) c. planification de la collecte des données : Le prestataire mettra en place un protocole expérimental en vue de la phase suivante. Le nombre de patients nécessaires devra être justifié afin d'obtenir une sensibilité et une spécificité conformes à la définition de la prestation

(cf. supra). On estime que la borne inférieure du nombre de patients à inclure se situe aux environs de 5 000 patients. (...) / 2ème étape : collecte des données. Le prestataire collectera les données à partir de patients appartenant à la population cible identifiée supra et hospitalisés dans les établissements volontaires (...). / 3ème étape : conception de l'outil. Le prestataire analysera les données recueillies afin d'établir un modèle statistique prédictif de la survenue des IAS à partir des données accessibles en routine. Cette étape sera suivie d'une phase de validation de la robustesse de l'algorithme à partir des simulations reflétant la variabilité de la distribution des paramètres dans la population des patients hospitalisés (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 du même cahier des clauses particulières : " 4.1 Rapports intermédiaires et final : A la fin de chaque étape le prestataire transmet un rapport intermédiaire. (...) L'étape suivante ne débute qu'après validation de l'étape en cours par l'administration. / (...) / Le premier rapport intermédiaire comportera le protocole de l'étude avec la liste des données à recueillir, les critères de référence pour le diagnostic d'IAS ; le nombre, le type (...), et la localisation des centres participants, ainsi que le nombre de patients à inclure dans le protocole adopté pour la collecte des données. (...) ; Le second rapport intermédiaire comprendra une synthèse descriptive des données recueillies (...) : Le rapport final comprendra les résultats de l'analyse statistique des données, l'exposé détaillé de l'outils (détection et suivie), ses caractéristiques statistiques ainsi que tous les résultats prouvant sa robustesse et sa conformité aux objectifs attendus. / (...)/ Il incombe au prestataire dans tous ses rapports d'argumenter et de justifier ses choix " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Quanta Médical a remis le 28 juin 2010 un premier rapport intitulé " rapport phase faisabilité ", qui correspond comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges à l'étape de planification prévue par le cahier des clauses particulières du marché ; que ce rapport mentionnait que le " nombre de patients évaluables minimal devant participer à l'étude (...) doit être égal à 2040 ; cependant si nous faisons l'hypothèse que 20 % des patients n'auront pas l'ensemble des informations complètes et exploitables nous devrons disposer d'un minimum de 2 248 patients " ; que ce premier rapport et la première étape du marché ont été validés le 19 juin 2010 par la personne de l'administration chargée de la conduite du marché ; que le deuxième rapport intitulé " étude pour l'élaboration de l'outil " du 31 octobre 2011 correspondant, selon les écritures de la requérante, à la collecte de données ainsi qu'à la conception de l'outil, soit aux deux dernières étapes du marché en litige, se fonde quant à lui sur le nombre de 1 428 patients, soit un nombre bien inférieur à celui de 5 000 patients prévu à l'article 3 du cahier des clauses particulières ; qu'à supposer que les parties puissent être regardées comme ayant fixé contractuellement le nombre minimal de patients devant être inclus dans l'étude à au moins 2040, le chiffre du deuxième rapport lui est très inférieur ;

6. Considérant qu'il n'est pas établi par la requérante que la méthode dite du " jour donné " du protocole de l'enquête nationale de prévoyance qui lui a été préconisée par le docteur Garnier chargé de la conduite du marché le 17 février 2011, laquelle ne consiste pas à collecter toutes les données en une seule journée au sein d'un même établissement hospitalier mais au sein d'un même service, aurait rendu impossible la collecte de données auprès d'au moins 2040 patients ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le nombre et la nature des établissements à retenir dans l'étude auraient été modifiés par la personne publique entre les différentes étapes du marché ; qu'en outre, le nombre de 1 428 patients finalement retenu ne comprend que les patients ayant subi une antibiothérapie ou une prescription d'antifongique et un prélèvement microbiologique positif après 48 heures d'hospitalisation alors que l'article 2 du cahier des clauses particulières du marché exigeait une " population cible " constituée de patients pour lesquels une prescription d'antibiotique ou d'antifongique a été initiée après 48 heures d'hospitalisation ou pour lesquels un prélèvement microbiologique prélevé après 48 heures d'hospitalisation est positif " ; que, dès lors, la requérante ne peut reprocher à la personne publique de lui avoir demandé à plusieurs reprises d'inclure dans l'étude les patients ayant bénéficié d'une prescription d'antibiotique ou d'antifongique après 48 heures d'hospitalisation sans qu'un prélèvement microbiologique ait été effectué ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration lui a imposé un changement de méthodologie rendant impossible l'exécution de prestations prévues par le contrat, ni la réalisation de prestations supplémentaires en cours d'exécution du contrat ;

7. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, il lui appartenait en vertu de l'article 3 du cahier des clauses particulières du marché en cause de justifier le nombre de patients retenus dans l'étude afin d'obtenir une sensibilité et une spécificité conformes à la définition de la prestation exigée, et plus généralement d'argumenter et de justifier ses choix en application de l'article 4 de ce même cahier ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que le nombre de patients inclus dans l'étude limité à seulement 1428 serait particulièrement fiable alors que la personne publique a estimé dans le cahier des clauses particulières du marché que " la borne inférieure du nombre de patients à inclure se situe aux environs de 5 000 patients " et que la décision du secrétaire général de la direction générale de la santé du 30 novembre 2011 rejetant les prestations de la requérante se fonde notamment sur le caractère déficient du plan d'assurance qualité, soulignant toute une série d'erreurs contenues dans ce rapport ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, le tribunal n'a pas inversé la charge de la preuve en estimant qu'il lui appartenait d'établir qu'elle n'avait pas commis ces erreurs, qui affectaient la qualité et la fiabilité des données de l'étude ;

8. Considérant, enfin, qu'il ne résulte pas de l'instruction, alors notamment que la société Quanta Médical a obtenu par un avenant n° 2 conclu le 1er juin 2011 que la durée du marché soit prolongée de 6 mois et que la personne publique a encadré les travaux de la société comme l'attestent les courriels échangés jusqu'au mois d'avril 2011 versés aux débats, que l'administration aurait agi de manière déloyale envers son cocontractant ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Quanta Médical n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Quanta Médical demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Quanta Médical est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Quanta Médical et au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Auvray, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er juin 2015.

Le rapporteur,

V. LARSONNIERLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAULe greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA00346


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA00346
Date de la décision : 01/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution technique du contrat - Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas - Marchés - Mauvaise exécution.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme VRIGNON-VILLALBA
Avocat(s) : GUILLEMIN FLICHY

Origine de la décision
Date de l'import : 20/06/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-01;14pa00346 ?
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