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25/06/2015 | FRANCE | N°13PA02214

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 25 juin 2015, 13PA02214


Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2013, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par Me A... ; Mme C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200214 du 8 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1214-2012/ARR/DRH du 29 mai 2012 par lequel le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie l'a suspendue de ses fonctions d'adjointe d'éducation stagiaire du cadre des personnels d'éducation et de surveillance de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annule

r, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la provinc...

Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2013, présentée pour Mme B...C..., demeurant..., par Me A... ; Mme C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200214 du 8 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° 1214-2012/ARR/DRH du 29 mai 2012 par lequel le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie l'a suspendue de ses fonctions d'adjointe d'éducation stagiaire du cadre des personnels d'éducation et de surveillance de Nouvelle-Calédonie ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de la province Sud de Nouvelle-Calédonie la somme de 250 000 francs CFP (2 095 euros) sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle n'a pas été mise en mesure de consulter son dossier administratif et n'a pas été entendue sur les faits qui lui étaient reprochés avant que ne soit pris l'arrêté du 29 mai 2012, en méconnaissance des droits de la défense ;

- la mesure de suspension est entachée d'illégalité en ce qu'elle n'a pas été prononcée de façon provisoire, alors que la situation du fonctionnaire suspendu doit être réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la suspension a pris effet ;

- elle est entachée d'illégalité en ce qu'elle n'a pas été limitée dans le temps ;

- la décision contestée se fonde sur des faits matériellement inexacts et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a fait l'objet de harcèlement de la part de sa hiérarchie ;

- l'arrêté contesté est entaché de détournement de pouvoir ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2014, présenté pour le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle Calédonie, par Me D..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requérante n'est fondé ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que, du fait du statut de la requérante, l'article 65 de l'arrêté n° 1065 du 22 août 1963 n'est pas susceptible de constituer la base légale de la décision contestée portant suspension ;

Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2015, présenté pour le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle Calédonie, qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que l'article 65 de l'arrêté du 22 août 1963 s'applique aux fonctionnaires stagiaires et que la jurisprudence reconnaît la possibilité aux collectivités territoriales de suspendre leurs fonctionnaires stagiaires ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 10 juin 2015, présenté pour Mme C..., qui conclut aux mêmes fins que la requête ; elle soutient en outre que l'article 65 de l'arrêté du 22 août 1963 ne s'applique pas aux fonctionnaires stagiaires ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 modifiée et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie ;

Vu l'arrêté n° 1065 du 22 août 1953 modifié portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux ;

Vu la délibération n° 81 du 24 juillet 1990 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires territoriaux ;

Vu la délibération n° 29/CP du 6 octobre 2006 portant statut particulier des corps de surveillants d'éducation et d'adjoints d'éducation du cadre des personnels d'éducation et vde surveillance de Nouvelle Calédonie ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2015 :

- le rapport de Mme Versol, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de Me Benoit, avocat du président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie ;

1. Considérant que, par arrêté du 22 septembre 2010, Mme C... a été nommée, à compter du 27 septembre 2010, adjointe d'éducation stagiaire du cadre des personnels d'éducation et de surveillance de Nouvelle-Calédonie ; qu'affectée à l'internat de Bourail à compter du 27 septembre 2010, elle a vu son stage probatoire renouvelé à compter du 27 septembre 2011 ; que, par arrêté du 29 mai 2012, le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie l'a suspendue de ses fonctions à compter de la réception de l'arrêté, en prévoyant qu'elle continuerait à percevoir l'intégralité de son traitement ; que Mme C... relève appel du jugement du 8 mars 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2012 ;

2. Considérant qu'il ressort de l'arrêté contesté du 29 mai 2012 que la décision de suspension prononcée à l'encontre de Mme C... a été prise sur le fondement des dispositions de l'article 65 de l'arrêté du 22 août 1953 modifié portant statut général des fonctionnaires des cadres territoriaux, aux termes duquel " En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être immédiatement suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. / La décision prononçant la suspension d'un fonctionnaire doit préciser si l'intéressé conserve pendant le temps où il est suspendu le bénéfice de son traitement ou déterminer la quotité de la retenue qu'il subit, qui ne peut être supérieure à la moitié du traitement. En tout état de cause, il continue à percevoir la totalité des suppléments pour charges de famille. / Dans le cas de suspension immédiate, le conseil de discipline est saisi de l'affaire sans délai. / Celui-ci émet un avis motivé sur la sanction applicable et le transmet au Chef du Territoire. / La situation du fonctionnaire suspendu en application de l'alinéa premier du présent article doit être définitivement réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision a pris effet. Lorsqu'aucune décision n'est intervenue au bout de quatre mois, l'intéressé reçoit à nouveau son traitement. Lorsque l'intéressé n'a subi aucune sanction ou n'a été l'objet que d'un avertissement, d'un blâme, d'une radiation du tableau d'avancement ou si, à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, il n'a pu être statué sur son cas, il a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement. / Toutefois, lorsque le fonctionnaire est l'objet de poursuites pénales, sa situation n'est définitivement réglée qu'après que la décision rendue par la juridiction saisie est devenue définitive. " ; que, toutefois, ces dispositions, qui ne visent que la situation de fonctionnaires titulaires, ne sont pas applicables à la situation de Mme C... qui avait la qualité de fonctionnaire stagiaire à la date de la décision contestée ; que, par suite, le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle Calédonie ne pouvait légalement fonder la décision contestée sur les dispositions précitées de l'article 65 de l'arrêté du 22 août 1953 ;

3. Considérant, toutefois, que toute autorité administrative responsable du bon fonctionnement d'un service ou détentrice d'un pouvoir disciplinaire possède, même sans qu'aucun texte ne l'y ait habilité expressément, le pouvoir de décider la suspension provisoire de l'activité d'une personne lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde du service ou de la mission dont elle a la responsabilité ; qu'il y a lieu, dès lors, de substituer à la base légale erronée de la décision contestée celle tirée du pouvoir que détient le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie de prendre toute mesure conservatoire, et notamment une mesure de suspension, dictée par l'intérêt du service dont il a la charge ;

4. Considérant que la décision de suspension contestée, ne constituant pas une sanction disciplinaire, n'exige pas que l'agent concerné soit mis à même de présenter au préalable sa défense ; que, dès lors, la requérante ne peut utilement soutenir que l'arrêté contesté du 29 mai 2012 est illégal au motif qu'elle n'a pas, en vertu du principe du respect des droits de la défense, été mise à même de consulter son dossier administratif, ni n'a été entendue préalablement à l'intervention de cette décision ; que ce moyen ne peut par suite qu'être écarté ;

5. Considérant qu'aucun texte, ni aucun principe n'impose qu'une décision de suspension précise la durée de ses effets ; que, dès lors, la requérante ne peut utilement soutenir que la décision contestée est entachée d'illégalité en ce qu'elle n'a pas été prononcée à titre provisoire, ni n'a été limitée dans le temps ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2 ci-dessus, les dispositions précitées de l'article 65 de l'arrêté du 22 août 1953 ne sont applicables qu'aux mesures de suspension prises à l'encontre de fonctionnaires titulaires du territoire de Nouvelle-Calédonie ; que, dès lors, la requérante ne peut utilement faire valoir que sa situation aurait dû être réglée dans un délai de quatre mois à compter du jour où la suspension a pris effet, en se fondant sur les dispositions de l'article 65 de l'arrêté du 22 août 1953 ; que, par ailleurs, si le licenciement pour insuffisance professionnelle doit être prononcé à l'issue du stage, la date à laquelle cette décision est intervenue, postérieurement à la décision de suspension contestée, est sans incidence sur la légalité de cette décision, qui s'apprécie au seul vu des circonstances de fait et de droit existant à la date de son édiction ;

7. Considérant que, pour justifier la suspension prononcée à l'encontre de Mme C... le 29 mai 2012, le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie se prévaut notamment des termes d'un rapport et d'une note, établis les 11 et 14 mai 2012, respectivement par le directeur de l'internat de Bourail et le directeur de l'éducation de la province Sud, aux termes desquels l'intéressée a eu des difficultés récurrentes à respecter l'organisation du travail et l'emploi du temps préétabli de l'internat, notamment en ne prenant pas son service ou en le quittant avant l'heure prévue et en manquant de vigilance dans la surveillance des élèves qui lui ont été confiées ; qu'il relève également, sans être sérieusement contredit, que l'intéressée n'a pas respecté les consignes qui lui ont été données concernant des soins à prodiguer à une élève, en empêchant cette dernière de prendre le traitement médical prescrit ; que ces faits, suffisamment établis par les pièces du dossier et dont il ne ressort pas qu'ils seraient matériellement inexacts, contrairement à ce qu'allègue la requérante, sont d'une gravité suffisante pour justifier la mesure de suspension prise à titre conservatoire ; que, par voie de conséquence, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant que si Mme C... soutient qu'elle a fait l'objet d'un harcèlement moral, en alléguant qu'elle s'est vue confier plus de soixante élèves du fait de l'absence de collègues, que tous les projets qu'elle a présentés ont été systématiquement rejetés, sans véritable motif, qu'elle a dû être suivie par une psychologue à raison de la pression dont elle a fait l'objet de la part du directeur de l'internat, les faits allégués, qui ne sont établis par aucune des pièces du dossier, ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; que le moyen ne peut, par suite, qu'être écarté ;

9. Considérant enfin que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme C... le versement de la somme que le président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C...et au président de l'assemblée de la province Sud de Nouvelle-Calédonie.

Copie en sera adressée au haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- Mme Monchambert, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Versol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2015.

Le rapporteur,

F. VERSOLLe président,

S. MONCHAMBERT Le greffier,

C. BUOT

La République mande et ordonne au haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13PA02214


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 13PA02214
Date de la décision : 25/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Stage.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Françoise VERSOL
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : CLL AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-06-25;13pa02214 ?
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