La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/12/2015 | FRANCE | N°14PA01379

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 31 décembre 2015, 14PA01379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 104 600 euros, en réparation des préjudices subis du fait d'un accident dont il a été victime dans un bâtiment du ministère de la défense.

Par un jugement n° 1205033/5-1 en date du 18 avril 2013, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. A...la somme de 13 950 euros en réparation des ses préjudices, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai

2012, mis à la charge de l'Etat les dépens, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 104 600 euros, en réparation des préjudices subis du fait d'un accident dont il a été victime dans un bâtiment du ministère de la défense.

Par un jugement n° 1205033/5-1 en date du 18 avril 2013, le Tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à M. A...la somme de 13 950 euros en réparation des ses préjudices, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2012, mis à la charge de l'Etat les dépens, ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions de la demande.

M. A...a fait appel de ce jugement.

Par une ordonnance n° 13PA02236 du 10 juillet 2013, le président de la 6ème chambre de la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté la requête de M. A...au motif qu'elle était irrecevable.

Par une décision n° 372334 du 7 mars 2014, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la même Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juin 2013, et un mémoire en réplique enregistré le 30 mars 2015, M.A..., représenté par Me Beraud, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205033/5-1 en date du 18 avril 2013, en tant que le Tribunal administratif de Paris a limité le montant de l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 13 950 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser, d'une part, une indemnité d'un montant total de 71 680 euros au titre d'une incapacité totale de travail d'une durée de 11 mois, d'une incapacité partielle de travail d'une durée de 7 mois, d'un déficit fonctionnel permanent de 23 %, du pretium doloris, des préjudices esthétique et d'agrément, et d'autre part, une indemnité d'un montant de 117 723 euros correspondant à une perte de revenus subie depuis le 14 mai 2014 jusqu'en 2039, année à laquelle il pourra prétendre à être mis à la retraite, avec les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- sa demande, qui n'était pas prématurée, est recevable, dès lors qu'il a formé un recours administratif préalable avant de saisir le tribunal administratif ;

- l'Etat est seul responsable de son accident, qui est dû à un dysfonctionnement de l'ascenseur d'un bâtiment du ministère de la défense ; il ne peut lui être reproché aucune imprudence ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute de l'Etat est engagée à son égard, dès lors que son accident est dû au dysfonctionnement d'un ascenseur dont l'Etat a la garde ;

- l'indemnisation accordée par les premiers juges ne correspond pas à la gravité des préjudices subis ; il est atteint d'une incapacité permanente, évaluée à 23 %, pour laquelle il demande une indemnité d'un montant de 46 460 euros ; il a subi une incapacité totale de travail et une incapacité partielle de travail dont il est fondé à demander la réparation de manière distincte du déficit fonctionnel permanent ; il a subi des troubles dans les conditions d'existence, lesquels n'ont pas été indemnisés par la pension militaire d'invalidité qui lui est versée ; son préjudice esthétique et le pretium doloris ont été sous-estimés ;

- depuis le 14 mai 2014, il ne perçoit plus qu'une demi-solde ; la somme versée par le ministère de la défense ne suffit pas à couvrir la perte de revenus qu'il supporte, ni à réparer l'incidence professionnelle de son incapacité physique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2014, le ministre de la défense conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par M. A...n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Blanc,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Beraud, avocat de M.A....

1. Considérant que M.A..., quartier-maitre de deuxième classe dans la Marine nationale, a été victime, le 23 septembre 2005, d'un accident dans un bâtiment relevant du ministère de la défense, où il exerçait ses fonctions ; qu'il a fait une chute d'une hauteur de dix mètres environ dans la cage d'un ascenseur dont la cabine, en raison d'un dysfonctionnement, ne se trouvait pas à l'étage où il l'avait appelée, mais au rez-de-chaussée ; qu'il a subi de multiples fractures et traumatismes dans l'accident ; que par un jugement du 18 avril 2013, le Tribunal administratif de Paris a estimé que la responsabilité de l'Etat était engagée à hauteur de 90 % et a condamné l'Etat à lui verser une somme de 13 950 euros en réparation de ses différents préjudices, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2012 ; que M. A...fait appel de ce jugement en tant que le Tribunal administratif de Paris a limité le montant de l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 13 950 euros ;

2. Considérant que M. A...demande la condamnation de l'Etat à lui verser, d'une part, une indemnité d'un montant total de 71 680 euros, au titre d'une incapacité totale de travail d'une durée de 11 mois, d'une incapacité partielle de travail d'une durée de 7 mois, d'un déficit fonctionnel permanent de 23 %, d'un pretium doloris et de préjudices esthétique et d'agrément, et d'autre part, une indemnité d'un montant de 117 723 euros correspondant à une perte de revenus pour la période comprise entre le 14 mai 2014 et l'année 2039, à laquelle il pourrait prétendre être mis à la retraite ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Ouvrent droit à pension : / 1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; / 2° Les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l'occasion du service ; / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service (...) " ;

4. Considérant qu'eu égard à la finalité qui lui est assignée par les dispositions de l'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et aux éléments entrant dans la détermination de son montant, tels qu'ils résultent des dispositions des articles L. 8 bis à L. 40 du même code, la pension militaire d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet de réparer, d'une part, les pertes de revenus et l'incidence professionnelle de l'incapacité physique et, d'autre part, le déficit fonctionnel, entendu comme l'ensemble des préjudices à caractère personnel liés à la perte de la qualité de la vie, aux douleurs permanentes et aux troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales, à l'exclusion des souffrances éprouvées avant la consolidation, du préjudice esthétique, du préjudice sexuel, du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité spécifique, sportive ou de loisirs, et du préjudice d'établissement lié à l'impossibilité de fonder une famille ; que lorsqu'elle est assortie de la majoration prévue à l'article L. 18 du code, la pension a également pour objet la prise en charge des frais afférents à l'assistance par une tierce personne ;

5. Considérant qu'en instituant la pension militaire d'invalidité, le législateur a entendu déterminer forfaitairement la réparation à laquelle les militaires peuvent prétendre, au titre des préjudices mentionnés ci-dessus, dans le cadre de l'obligation qui incombe à l'Etat de les garantir contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission ; que, cependant, si le titulaire d'une pension a subi, du fait de l'infirmité imputable au service, d'autres préjudices que ceux que cette prestation a pour objet de réparer, il peut prétendre à une indemnité complémentaire égale au montant de ces préjudices ; qu'en outre, dans l'hypothèse où le dommage engage la responsabilité de l'Etat à un autre titre que la garantie contre les risques courus dans l'exercice des fonctions, et notamment lorsqu'il trouve sa cause dans des soins défectueux dispensés dans un hôpital militaire, l'intéressé peut prétendre à une indemnité complémentaire au titre des préjudices que la pension a pour objet de réparer, si elle n'en assure pas une réparation intégrale ; que, lorsqu'il est saisi de conclusions en ce sens, il incombe au juge administratif de déterminer le montant total des préjudices que la pension a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, d'en déduire le capital représentatif de la pension et d'accorder à l'intéressé une indemnité égale au solde, s'il est positif ;

6. Considérant que le ministre de la défense ne conteste pas que la responsabilité de l'Etat soit engagée à l'égard de M. A...pour les préjudices subis par celui-ci lors de son accident, au titre de l'obligation qui incombe à l'Etat de garantir ces agents contre les risques qu'ils courent dans l'exercice de leur mission ;

Sur les préjudices que la pension militaire a pour objet de réparer :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a bénéficié à partir du 29 novembre 2005 d'une pension militaire d'invalidité au taux de 55 %, portée au taux de 85 % du 21 septembre 2007 au 21 septembre 2010, puis ramenée, à nouveau, au taux de 55 % à partir du 21 septembre 2010 ; que les arrérages de cette pension versés à l'intéressé pour la période du 29 novembre 2005 au 30 juin 2014 s'élèvent à un montant total de 40 130,81 euros ; que le capital de cette pension restant dû au 30 juin 2014 s'élève à 110 816,98 euros, en tenant compte d'un montant annuel de 3 680,16 euros et un prix de l'euro de rente de 30,112, eu égard à l'âge de l'intéressé en 2014 ; qu'ainsi, le montant des arrérages versés et du capital représentant la pension militaire restant dû s'élève à la somme totale de 150 947,79 euros ;

8. Considérant que M. A...ne peut prétendre, au titre de la réparation de son déficit fonctionnel évalué à 23 %, indépendamment même d'un éventuel partage de responsabilité, qu'à une indemnisation à hauteur d'un montant de 45 000 euros ; que le requérant demande, par ailleurs, au titre d'une incapacité temporaire de travail d'une durée de 11 mois et demi, une somme de 25 000 euros, ainsi qu'au titre d'une incapacité partielle de travail d'une durée de 6 mois, une somme de 13 600 euros ; que le montant total des préjudices que la pension militaire a pour objet de réparer, avant toute compensation par cette prestation, s'établit donc à 85 600 euros, soit un montant inférieur à celui du capital représentatif de la pension, qui est de 150 947,79 euros ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la pension militaire dont il bénéficie ne permettrait pas d'indemniser intégralement les préjudices que cette pension a pour objet de réparer ; qu'ainsi, M. A... n'est pas fondé à demander une indemnité complémentaire à ce titre ;

9. Considérant que si M. A...soutient, en outre, subir une perte de rémunération depuis le 14 mai 2014, en faisant valoir que, depuis cette date, il ne perçoit qu'une demi-solde d'un montant de 887,66 euros et qu'il doit verser une pension à son ex-compagne pour participer à l'éducation et à l'entretien de son fils, il ne fournit aucune précision sur la baisse de sa rémunération et n'établit ni qu'elle serait imputable à l'accident dont il a été victime, ni qu'elle se prolongera, comme il l'affirme, jusqu'en 2039, date prévisible de son départ à la retraite ;

Sur les préjudices que la pension militaire n'a pas pour objet de réparer :

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, M. A...peut prétendre de la part de l'Etat qui l'emploie à une indemnité complémentaire égale au montant des préjudices subis, qui sont d'une autre nature que ceux que la pension militaire a pour objet de réparer ; qu'il est ainsi fondé à demander une somme de 10 000 euros au titre des souffrances éprouvées avant la consolidation de son état, une somme de 500 euros au titre de son préjudice esthétique, qui a été évalué par l'expert judiciaire à un niveau de 0,5/7, ainsi qu'une somme de 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément lié à l'impossibilité de continuer à pratiquer une activité sportive ou de loisirs ; qu'ainsi, à supposer même que la responsabilité de l'Etat soit seule engagée, M. A...ne peut prétendre à une indemnisation des préjudices que la pension miliaire n'a pas pour objet de réparer qu'à hauteur d'une somme de 12 500 euros ; qu'ainsi, il n'est pas fondé, en tout état de cause, à solliciter, en appel, le versement d'une indemnité supérieure à celle que lui a allouée le Tribunal administratif ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le Tribunal administratif de Paris a limité le montant de l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 13 950 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 mai 2012 ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

12. Considérant que les conclusions présentées par M. A...tendant à obtenir le paiement d'intérêts au taux légal sur le montant de l'indemnité accordée par les premiers juges ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que le tribunal administratif a déjà fait droit à cette demande ;

13. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; que, dans ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée par M. A...dans sa requête de première instance, le 22 mai 2012 ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts présentée par l'intéressé à compter du 22 mai 2013, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, sous réserve toutefois qu'à cette date, l'Etat ne se soit pas déjà acquitté de l'intégralité du montant de sa dette en principal et des intérêts qui y sont attachés ;

Sur les dépens :

14. Considérant que les conclusions présentées par M. A...tendant à obtenir la condamnation de l'Etat aux dépens ne peuvent qu'être rejetées, dès lors que le tribunal administratif a déjà fait droit à cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. A...sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les intérêts sur la somme allouée à M. A...par le Tribunal administratif de Paris, qui sont échus à la date du 22 mai 2013, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts, sous réserve toutefois qu'à cette date, l'Etat ne se soit pas déjà acquitté de l'intégralité du montant de sa dette en principal et des intérêts qui y sont attachés.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 18 avril 2013 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de la défense.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Dalle, président,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

- M. Blanc, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

P. BLANCLe président,

D. DALLELe greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne au ministre de la défense en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

''

''

''

''

5

N° 14PA01379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA01379
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-10-09 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres.


Composition du Tribunal
Président : M. DALLE
Rapporteur ?: M. Philippe BLANC
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : BERAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;14pa01379 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award