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31/12/2015 | FRANCE | N°14PA03914

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 31 décembre 2015, 14PA03914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 26 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de le licencier, ensemble la décision du 25 octobre 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 1210728/9 du 9 juillet 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une req

uête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 27 novembre 2014,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C...a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 26 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de le licencier, ensemble la décision du 25 octobre 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 1210728/9 du 9 juillet 2014, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 septembre et 27 novembre 2014, M. B... C..., représenté par Me Viegas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 9 juillet 2014 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 26 avril 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation de le licencier, ensemble la décision du 25 octobre 2012 par laquelle le ministre chargé du travail a rejeté son recours hiérarchique formé contre la décision de l'inspecteur du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de ce qu'il appartenait à l'employeur de donner au salarié des fonctions correspondant à celles prévues à son contrat ;

- la matérialité des retards qui lui sont reprochés n'est pas établie et le tribunal ne pouvait fonder sa décision sur des affirmations contenues dans des rapports rédigés par l'employeur et sur des échanges de courriels non produits ;

- en ce qui concerne le grief tiré d'une prétendue violation des règles relatives aux heures de délégation, le tribunal s'est mépris sur les dispositions de l'accord d'entreprise et a méconnu l'attitude d'obstruction de l'employeur qui ne rendait pas ses bons de délégation au salarié après son retour de délégation ;

- en ce qui concerne le grief tiré des demandes de congés le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le licenciement est lié avec les mandats et discriminatoire ;

- M. A...était incompétent pour signer la décision du ministre.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 novembre 2015, la Fondation des Orphelins et Apprentis d'Auteuil représentée par Me Sappin conclut à la confirmation du jugement attaqué, au rejet de la requête et à la condamnation de M. C...à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée au ministre chargé du travail, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Un mémoire, présenté pour M. C...par Me Viegas, a été enregistré le 11 décembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Viegas, avocat de M. C...et celles de Me Sappin, avocat de la Fondation des Orphelins et Apprentis d'Auteuil.

1. Considérant que M. C... a été engagé le 26 février 1981 par la Fondation des Orphelins et Apprentis d'Auteuil en qualité d'éducateur, fonctions qu'il a exercées pendant 19 ans ; qu'il a été nommé en 2000 responsable de la procédure des admissions et rattaché à la Maison du Sacré Coeur de Thiais ; que la Fondation a saisi l'inspecteur du travail le 24 février 2012 d'une demande d'autorisation de licenciement pour insuffisance professionnelle et faute de M. C... qui exerce les mandats de délégué syndical, représentant syndical au comité d'établissement et de conseiller du salarié, autorisation qui a été accordée par décision du 26 avril 2012 ; que saisi d'un recours hiérarchique, le ministre chargé du travail a, par décision du 25 octobre 2012, confirmé l'autorisation de licenciement sollicitée ; que M. C... relève appel du jugement du 9 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête tendant à l'annulation des décisions précitées autorisant son licenciement ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

En ce qui concerne la légalité de la décision de l'inspecteur du travail du 26 avril 2012 :

3. Considérant que pour accorder l'autorisation de licencier M. C..., l'inspecteur du travail s'est fondé, d'une part, sur l'insuffisance professionnelle du salarié, d'autre part sur le non-respect de la procédure de déclaration de ses heures de délégation ;

4. Considérant qu'en ce qui concerne le grief tiré des carences multiples reprochées à M. C..., il est constant que ces dernières se rattachaient toutes à l'exercice de nouvelles responsabilités confiées au salarié au sein du service Insertion dans le cadre d'un avenant à son contrat de travail négocié en novembre 2010 avec son employeur sous l'égide de l'inspection du travail, avenant qu'il a refusé de signer ; que, par suite, faute de relever d'obligations contractuelles, ces carences ne peuvent constituer une insuffisance professionnelle, comme l'a relevé le ministre qui n'a pas retenu ce grief dans la seconde décision contestée ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les bons de délégation remplis par M. C..., souvent sans respecter le délai de prévenance de l'employeur, ne permettaient à ce dernier de connaître ni le mandat au titre duquel s'exerçaient les heures de délégation, ni le lieu d'exercice dudit mandat, ni la durée totale de l'absence du salarié de son poste de travail ; que, toutefois, il n'est ni établi ni même allégué que ces irrégularités auraient jamais fait l'objet de la part de la Fondation des Orphelins et Apprentis d'Auteuil d'un rappel à l'ordre du salarié ; qu'aucun de ces bons ne comporte au demeurant le visa du supérieur hiérarchique du salarié dont il n'est pas allégué qu'il aurait détourné de leur objet les heures de délégation prises ; que dans ces conditions, la faute entachant l'établissement des bons de délégation n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M.C... ;

En ce qui concerne la légalité de la décision du ministre du 25 octobre 2012 :

6. Considérant que pour accorder l'autorisation de licencier M. C..., le ministre chargé du travail s'est fondé, outre le non-respect de la procédure de déclaration des heures de délégation retenu par l'inspecteur du travail évoqué au point 3, sur l'absence de respect des règles relatives au dépôt des dates de congés et des journées au titre de la réduction du temps de travail et sur les retards et absences non justifiées du salarié ;

7. Considérant que si la Fondation reproche à M. C...d'avoir pour habitude de ne pas respecter un délai suffisant pour prévenir son employeur de son départ en congés, cette faute à la supposer établie de façon récurrente, n'est pas d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement en l'absence de répercussions constatées sur le fonctionnement de l'organisation ; qu'en ce qui concerne la prise des jours au titre de la réduction du temps de travail, ainsi que l'a estimé le tribunal, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'employeur aurait informé M. C... qu'il ne pouvait prétendre à ce dispositif ; qu'ainsi l'intentionnalité de la faute du salarié ne peut être considérée comme établie en ce qui concerne ce dernier grief ;

8. Considérant que le ministre a retenu que faute pour M. C... de contester avec précision, dans son recours hiérarchique, les retards et absences qui lui ont été imputées et estimées par le ministre à " 1 heure à 2 heures sur une vingtaine de jours ", la matérialité des faits reprochés au salarié devait être considérée comme établie ; que toutefois, M. C... conteste la valeur probante du tableau établi par son employeur et retraçant des retards ou absences non justifiés entre novembre 2011 et début avril 2012 ; qu'en l'absence d'un système de pointage au sein de l'établissement, la preuve certaine de la présence ou de l'absence du salarié ne peut être rapportée ; qu'à cet égard, les témoignages imprécis des personnes disposant d'un bureau proche de celui de M. C... produits par la Fondation ne permettent pas d'apporter la preuve des absence alléguées ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C..., employé depuis 31 ans par la Fondation à la date de la décision litigieuse, aurait fait l'objet d'un précédent disciplinaire lié à son absentéisme ou à tout autre motif ;

9. Considérant que les griefs tirés du non-respect de la procédure de déclaration des heures de délégation et des règles relatives au dépôt des dates de congés, qui seuls peuvent être considérés comme matériellement établis, ne sont pas, eu égard à leur nature, à l'ancienneté du salarié dans l'entreprise et à la carence de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement de M.C... ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de l'inspecteur du travail et du ministre autorisant son licenciement ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. C..., qui n'est pas, dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à la Fondation des Orphelins et Apprentis d'Auteuil la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Fondation des Orphelins et Apprentis d'Auteuil une somme de 1 500 euros à verser à M. C... sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 9 juillet 2014 du Tribunal administratif de Melun, les décisions du 26 avril 2012 de l'inspecteur du travail et du 25 octobre 2012 du ministre chargé du travail autorisant le licenciement de M. C..., sont annulés.

Article 2 : La Fondation des Orphelins et Apprentis d'Auteuil versera à M. C...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la Fondation Orphelins et Apprentis d'Auteuil.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- Mme Julliard, première conseillère,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 14PA03914


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA03914
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : VIEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;14pa03914 ?
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