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31/12/2015 | FRANCE | N°14PA04450

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 31 décembre 2015, 14PA04450


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision implicite née du silence du président de la Nouvelle-Calédonie rejetant son recours administratif préalable sollicitant l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 54 500 000 francs CFP du fait de l'illégalité des décisions du comité technique de gestion du risque refusant l'ouverture d'un conventionnement en pneumologie au sein du Grand Nouméa et la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui payer la somm

e de 54 500 000 francs CFP au titre de la réparation des préjudices subis.

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision implicite née du silence du président de la Nouvelle-Calédonie rejetant son recours administratif préalable sollicitant l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 54 500 000 francs CFP du fait de l'illégalité des décisions du comité technique de gestion du risque refusant l'ouverture d'un conventionnement en pneumologie au sein du Grand Nouméa et la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui payer la somme de 54 500 000 francs CFP au titre de la réparation des préjudices subis.

Par un jugement n° 1400043 du 7 juillet 2014, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 novembre 2014 et le 10 novembre 2015, M. A... B..., demeurant... :

1°) d'annuler le jugement n° 1400043 du 7 juillet 2014 par lequel le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née du silence du président de la Nouvelle-Calédonie rejetant son recours administratif préalable en date du 22 août 2013, réceptionné le 28 août suivant, sollicitant l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 54 500 000 francs CFP du fait de l'illégalité des décisions du comité technique de gestion du risque refusant l'ouverture d'un conventionnement en pneumologie au sein du Grand Nouméa et à la condamnation de la Nouvelle-Calédonie à lui payer la somme de 54 500 000 francs CFP au titre de la réparation des préjudices subis ainsi que 300 000 francs CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner la Nouvelle-Calédonie à lui verser la somme de 44 500 000 F CFP au titre du préjudice matériel et 10 000 000 F CFP en réparation du préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a intérêt à agir contre la décision du comité technique de la gestion du risque lui refusant sa demande de conventionnement ; sa requête, introduite dans le délai d'appel, est parfaitement recevable ;

- en application de l'article 22 alinéa 4 de la loi organique modifiée du 19 mars 1999, la Nouvelle-Calédonie est notamment compétente en matière de " protection sociale, hygiène publique et santé, contrôle sanitaire aux frontières " ;

- le comité de gestion du risque a, depuis 2004, décidé qu'il n'y avait pas lieu à ouvrir de nouveaux conventionnements de médecin spécialiste en pneumologie et pathologies du sommeil sur la zone régulée de Nouméa et du Grand Nouméa ; de telles décisions révèlent une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles méconnaissent le principe constitutionnel de protection de la santé publique consacré à l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946 ;

- il résulte des rapports de la commission territoriale ainsi que des rapports du médecin inspecteur dont notamment celui du docteur Lore pour l'année 2009 que l'offre de soins dans le secteur de la pneumologie est manifestement insuffisante ; pourtant, la commission territoriale a conclu à la majorité des voix de ne pas renforcer l'effectif des médecins conventionnés en pneumologie dans l'une des communes du Grand Nouméa ;

- entre 2004 et 2008, le nombre de praticiens en pneumologie n'a pas varié alors même que le nombre de patients est passé de 2353 à 3867, dont de plus en plus sont placés en longue maladie, particulièrement à Dumbéa ; que du fait du départ de deux pneumologues au CHT Gaston Bourret, il faut plus de 6 mois pour y obtenir un rendez-vous ;

- au lieu de créer un poste à Païta, compte tenu de ses demandes réitérées, il aurait dû obtenir un conventionnement en pneumologie au sein de la commune de Dumbéa ou de Nouméa ; que des postes y ont été créés dans d'autres spécialités telles que la cancérologie générale ;

- le refus d'ouverture de conventionnement est donc entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; que ce refus illégal engage donc la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie ; que dans ces conditions, il sera déclaré bien-fondé à solliciter la réparation de son préjudice tant matériel que moral du fait de cette éviction illégale ;

- compte tenu du défaut d'exercice libéral de son activité à Nouméa ou Dumbéa, depuis 2005, il exerce son activité professionnelle en pneumologie à Bourail, où il a dû s'installer compte tenu de son âge, en y consacrant 60 % de son temps, et, par rapport à son activité passée dans son cabinet Nouméa, il a subi un manque à gagner d'un montant de 10 000 000 francs CFP par an, soit 40 000 000 francs CFP ; il a en outre été privé de la revente d'un cabinet en pneumologie au sein d'une de ces deux communes, laquelle compte tenu du marché actuel est évaluée à un montant de 4 500 000 francs CFP ; son préjudice matériel s'élève donc à 44 500 000 francs CFP ;

- contraint à de nombreux déplacements dans la commune de Bourail pour y exercer son activité professionnelle, sa vie tant familiale que sociale en a été bouleversée ; pour ces raisons, la Nouvelle-Calédonie sera condamnée à lui verser 10 000 000 francs CFP en réparation de son préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 juin 2015, la Nouvelle-Calédonie demande le rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. B...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- il n'est pas porté atteinte au principe constitutionnel de protection de la santé dès lors que les usagers ont accès à des soins en pneumologie dans ces communes ; que, par ailleurs, l'équilibre financier de la sécurité sociale constitue un objectif à valeur constitutionnelle ;

- la loi de pays fixe le principe d'une régulation des conventionnements selon trois critères : les besoins de santé de chacune des quatre communes du Grand Nouméa, l'équilibre financier des organismes de protection sociale et la meilleure répartition géographique de l'offre ;

- le refus d'ouverture d'un conventionnement n'est pas fautif dès lors notamment que les délais d'obtention de rendez-vous sont brefs, soit le jour même ou le lendemain en urgence et une semaine pour les consultations non urgentes ;

- la demande indemnitaire ne saurait prospérer : le requérant a choisi d'exercer à 60 % à Bourail et de sortir en conséquence du dispositif conventionnel dont il bénéficiait à Nouméa ; son déplacement hors du Grand Nouméa n'est pas imputable aux décisions contestées ; la matérialité des déplacements n'est d'ailleurs pas même établie ; les sommes réclamées ne sont pas justifiées.

Vu les autres pièces du dossier.

Les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'incompétence de la juridiction administrative. Par des mémoires, enregistrés le 19 novembre et le 4 décembre 2015, M. B...et la Nouvelle-Calédonie ont répondu à cette communication.

Vu :

- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2001-016 du 11 janvier 2002 relative à la sécurité sociale en Nouvelle-Calédonie ;

- la loi du pays n° 2001-012 du 7 novembre 2001 relative au dispositif conventionnel entre certains professionnels de santé et les organismes de protection sociale ;

- la délibération modifiée n° 490 du 11 août 1994 du congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie portant adoption d'un plan de promotion de la santé et de maîtrise des dépenses de soins sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie ;

- l'arrêté n° 2006-3139/GNC du 17 août 2006 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie portant approbation de la convention médicale conclue le 3 juillet 2006 entre les médecins libéraux de Nouvelle-Calédonie et les organismes de protection sociale ;

- la convention médicale conclue le 3 juillet 2006 entre les médecins libéraux de Nouvelle-Calédonie et les organismes de protection sociale ;

- la délibération modifiée n° 255 du 19 octobre 2001 relative à la régulation des conventionnements des professionnels de santé entre les communes de Nouméa, Dumbéa, Païta et Mont-Dore ;

- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Polizzi,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la Nouvelle-Calédonie.

1. Considérant que M. B..., médecin spécialisé en pneumologie et pathologie du sommeil, demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie qui a refusé d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le président de la Nouvelle-Calédonie sur sa demande préalable sollicitant l'indemnisation de ses préjudices à hauteur de 54 500 000 francs CFP subis du fait de l'illégalité des décisions du comité technique de gestion du risque lui refusant l'ouverture d'un conventionnement en pneumologie au sein du Grand Nouméa ; qu'il demande en conséquence à la Cour de faire droit à sa demande d'indemnisation ;

Sur les conclusions principales :

2. Considérant, qu'aux termes de l'article 1er de la délibération n° 34 du 22 août 1996 du congrès du territoire de la Nouvelle-Calédonie, portant plan de redressement du régime prévoyance de la Cafat : " Afin de permettre d'accroître le partenariat entre les organismes de protection sociale associés au dispositif conventionnel de la maîtrise médicalisée des dépenses institué par la délibération modifiée n° 490 du 11 août 1994, il est créé un comité de la gestion du risque composé des représentants de chaque organisme. / Ce comité se réunit : / - en formation plénière (...) ; / - en formation technique, sur convocation du directeur de la Cafat ou sur demande des deux organismes de protection sociale ou du directeur territorial des affaires sanitaires et sociales. Cette formation est composée des directeurs des organismes de protection sociale et des services de santé provinciaux ou de leur représentant dûment mandaté. / Conformément à l'article 20 de la délibération n° 490 du 11 août 1994, la Cafat est chargée de la conduite de ce dispositif et préside, de droit, les réunions des formations du comité de gestion du risque. " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8.2.2 de la convention médicale conclue le 3 juillet 2006 entre les médecins libéraux de Nouvelle-Calédonie et les organismes de protection sociale, approuvée par l'arrêté n° 2006-3139/GNC du 17 août 2006 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie : " Accès au conventionnement dans les communes de Nouméa, Mont-Dore, Dumbéa et Païta. Au vu des conclusions de la commission territoriale visée à l'article 29 de la présente convention et après avis conforme du comité technique de gestion du risque, les organismes décident de l'attribution des nouveaux conventionnements dans chacune des communes de Nouméa, Mont-Dore, Dumbéa et Païta selon la priorité et/ou l'antériorité de la demande du praticien. Les demandes de conventionnement non satisfaites sont conservées à la Cafat selon leur date d'enregistrement. Elles doivent impérativement être renouvelées par le praticien avant le 31 octobre de chaque année à l'exception des demandes enregistrées durant les trois mois précédant cette échéance. Elles doivent être renouvelées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par courrier remis en mains propres au service gestion du risque contre récépissé. Les listes d'attente des demandes de conventionnement peuvent être consultées par les intéressés au service gestion du risque. Elles sont communiquées à leur demande aux syndicats de médecins libéraux et à l'organe de l'ordre des médecins de Nouvelle-Calédonie. " ; qu'aux termes de l'article 29 de la même convention : " La régulation des conventionnements. Les partenaires conventionnels conçoivent la régulation de l'offre de soins comme un moyen de maîtrise et de rationalisation des soins offerts aux assurés. En application de la loi du pays n° 2001-012 du 7 novembre 2001, l'accès au conventionnement dans les communes de Nouméa, Mont-Dore, Dumbéa et Païta est subordonné au respect des critères suivants : / - les besoins de santé des habitants de chacune des quatre communes, / - l'équilibre financier des organismes, / - une meilleure répartition géographique de l'offre de soins en Nouvelle-Calédonie, afin de favoriser l'accès aux soins. / Les conditions de mise en oeuvre de ces critères sont étudiées par la commission territoriale prévue par l'article 3 de la délibération modifiée n° 121/CP du 18 octobre 1996. " ;

4. Considérant que le requérant soutient que le refus d'ouvrir de nouveaux conventionnements de médecin spécialiste en pneumologie et pathologies du sommeil sur la zone régulée de Nouméa et du Grand Nouméa est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il fait valoir que le nombre de praticiens en pneumologie n'y a pas varié alors que le nombre de patients a au contraire fortement augmenté et que, du fait du départ de deux pneumologues au centre hospitalier territorial Gaston Bourret de Nouméa, il faut plus de 6 mois pour y obtenir un rendez-vous ; que toutefois la Nouvelle-Calédonie, après avoir rappelé que la loi de pays fixe le principe d'une régulation des conventionnements selon les critères susmentionnés, notamment de meilleure répartition géographique de l'offre de soins et d'équilibre financier des organismes, rétorque sans être à son tour contredite que les délais d'obtention de rendez-vous dans cette région sont brefs, soit le jour même ou le lendemain pour les urgences, et une semaine pour les consultations non urgentes ; que dès lors, le moyen tiré de ce que l'offre de soins dans le secteur de la pneumologie au sein des communes de Nouméa et de Dumbéa serait insuffisante ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision prise sur avis conforme du comité technique de gestion du risque refusant l'ouverture d'un conventionnement en pneumologie au sein du Grand Nouméa est illégale et engage la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie et que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa requête ;

Sur les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par M. B...doivent dès lors être rejetées ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au profit de la Nouvelle-Calédonie ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la Nouvelle-Calédonie une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.

Délibéré après l'audience du 15 décembre 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Polizzi, président assesseur,

- MmeD..., première conseillère,

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.

Le rapporteur,

F. POLIZZILe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 14PA04450


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 14PA04450
Date de la décision : 31/12/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Francis POLIZZI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL RAPHAELE CHARLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/01/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2015-12-31;14pa04450 ?
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