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08/07/2016 | FRANCE | N°16PA00305

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 08 juillet 2016, 16PA00305


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

29 mai 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre une interdiction de sortie du territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1513004/3-1 du 7 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 25 janvier 2016 et le 21 avril 2016, M. B...C...,

représenté par Me F...et MeE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du

29 mai 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre une interdiction de sortie du territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1513004/3-1 du 7 décembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés respectivement le 25 janvier 2016 et le 21 avril 2016, M. B...C..., représenté par Me F...et MeE..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1513004/3-1 du 7 décembre 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur du 29 mai 2015 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer un passeport valide ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente ;

- la décision est insuffisamment motivée ;

- sa situation et son comportement ne sont pas de nature à justifier une interdiction de sortie du territoire français ;

- aucun des faits retenus par la décision contestée ne sont établis ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle porte une atteinte grave et disproportionnée à sa liberté d'aller et venir.

Un mémoire en défense, présenté par le ministre de l'intérieur, a été enregistré le 18 avril 2016, tendant au rejet de la requête. Il soutient que les moyens de M. C...ne sont pas fondés.

Par une lettre du 20 mai 2016, le président de la formation du jugement a informé les parties, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité du moyen tiré de l'atteinte à la liberté d'aller et de venir en l'absence de mémoire distinct et motivé, comme le prescrivent les dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et notamment la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. X,

- les conclusions de M. W, rapporteur public,

- et les observations de MmeA..., représentant le ministre de l'intérieur.

1. Considérant que M. C...fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 mai 2015 par lequel le ministre de l'intérieur a prononcé à son encontre, en application des dispositions de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure, une interdiction de sortie du territoire pour une durée de six mois ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure : " Tout Français peut faire l'objet d'une interdiction de sortie du territoire lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'il projette : / 1° Des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes ; / 2° Ou des déplacements à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de le conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français. / L'interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre de l'intérieur pour une durée maximale de six mois à compter de sa notification. La décision est écrite et motivée. (...) ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il ressort des termes du jugement contesté que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés, ont suffisamment motivé leur décision ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de ce jugement doit être écarté ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

4. Considérant, en premier lieu, que les moyens tirés de l'incompétence du signataire de la décision attaquée et de son insuffisante motivation doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des éléments précis et circonstanciés contenus dans les " notes blanches " établies par les services de renseignement, que, d'une part, la salle de prière dite " Mosquée de Lagny-sur-Marne ", gérée depuis 2010 par l'association " Retour aux sources ", a servi à M. D...son fondateur pour ses activités de prêche et d'enseignement en faveur d'un islamisme radical, prônant le rejet des valeurs de la République et de l'Occident, l'hostilité aux chrétiens et aux chiites et faisant l'apologie du djihad armé, ainsi que de la mort en martyr ; que cette salle de prière a également servi de lieu d'endoctrinement et de recrutement de combattants volontaires, dont plusieurs ont rejoint les rangs de Daech et ont combattu en Irak et en Syrie, où certains sont décédés ; qu'à la suite du départ de M. D... pour l'Egypte, en décembre 2014, afin d'y rejoindre une vingtaine de disciples qu'il avait formés à Lagny-sur-Marne et auxquels il continue d'enseigner une vision radicale de l'islam et de prôner l'engagement dans le djihad armé, la salle de prière a été gérée, en fait ou en droit, par trois associations étroitement imbriquées, " Retour aux sources ", " Retour aux sources musulmanes " créée en 2013 et l'" Association des musulmans de Lagny-sur-Marne " créée en 2015, comprenant les mêmes dirigeants, proches du fondateur de cette mosquée, qui ont continué à propager son idéologie ; qu'en outre, plusieurs des prédicateurs ayant officié dans cette salle de prière et des fidèles ont fait l'objet de mesures d'interdiction de sortie du territoire français ; que certaines des personnes fréquentant ce lieu ont été interpellées, mises en examen ou incarcérées en raison de leur participation à des filières terroristes ; que, d'autre part, M. C...fréquente assidûment cette salle de prière dite " mosquée de Lagny-sur-Marne ", a participé à l'organisation de l'école coranique qu'elle abrite, et a entretenu des liens étroits avec son ancien imam, jusqu'à son départ en décembre 2014 pour l'Egypte, ainsi qu'avec certains fidèles qui l'ont rejoint ; que le frère de M. C...a rejoint des organisations terroristes en Syrie ; qu'en fondant sa décision sur l'ensemble de ces éléments, qui ne sont entachés d'aucune inexactitude matérielle, et en considérant qu'ils étaient de nature à établir qu'il existe des raisons sérieuses de penser que M. C...projette des déplacements à l'étranger au nombre de ceux que l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure a vocation à prévenir, le ministre de l'intérieur n'a entaché sa décision d'aucune erreur de fait, de droit ou d'appréciation ;

6. Considérant, enfin, que le moyen tiré de l'atteinte à la liberté d'aller et de venir doit être interprété comme étant dirigé contre la base légale de la décision administrative attaquée ; que ce moyen n'ayant pas été présenté par un mémoire distinct et motivé, comme le prescrivent les dispositions de l'article R. 771-3 du code de justice administrative, n'est pas recevable ; qu'en tout état de cause, le conseil constitutionnel a jugé par sa décision n° 2015-490 QPC du 14 octobre 2015, qu'une mesure d'interdiction de sortie du territoire ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir, composante de la liberté personnelle, protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors qu'elle est justifiée par la nécessité de prévenir les atteintes à l'ordre public visées par l'article L. 224-1 du code de la sécurité intérieure et limitée à une durée de six mois ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. X, président de chambre,

- M. Y, premier conseiller,

- Mme T, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 juillet 2016.

Le président rapporteur,

X L'assesseur le plus ancien,

Y

Le greffier,

Z

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA00305


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA00305
Date de la décision : 08/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05 Police. Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Bernard EVEN
Rapporteur public ?: M. CANTIE
Avocat(s) : CHILLAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2016-07-08;16pa00305 ?
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