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18/04/2017 | FRANCE | N°15PA02961

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 18 avril 2017, 15PA02961


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association l'Union Saint-Martin a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 14 février 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Paris (section 6) a refusé d'autoriser le licenciement de M. A...et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique, ainsi que la décision du 28 août 2014 par laquelle il a confirmé cette décision implicite.

Par un jugement n° 1422031/3-1 du 2 juin 2015, le Tribunal administratif de Pari...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association l'Union Saint-Martin a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler, d'une part, la décision du 14 février 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité territoriale de Paris (section 6) a refusé d'autoriser le licenciement de M. A...et, d'autre part, la décision implicite par laquelle le ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social a rejeté son recours hiérarchique, ainsi que la décision du 28 août 2014 par laquelle il a confirmé cette décision implicite.

Par un jugement n° 1422031/3-1 du 2 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 14 février 2014 et les décisions par lesquelles le ministre a rejeté le recours hiérarchique de l'association l'Union Saint-Martin.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 27 juillet et 22 octobre 2015 et 1er février, 4 mai et 11 mai 2016, M.A..., représenté par Me Mignon-Louvet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1422031/3-1 du 2 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter les demandes présentées par l'association l'Union Saint-Martin devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'association l'Union Saint-Martin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du ministre du travail est fondée dès lors que le recours hiérarchique de l'Union Saint-Martin a été introduit par une personne incompétente ;

- le tribunal a annulé la décision de l'inspectrice du travail sans s'être prononcé sur les deux motifs de licenciement examinés par celle-ci, l'imputabilité à M. A...des défaillances du système informatique et de l'accès non autorisé aux messageries de membres de la direction ;

- l'Union Saint-Martin n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de la première faute qui lui est reprochée tirée de la vulnérabilité de la sécurité du réseau informatique ;

- les éléments produits par l'Union Saint-Martin pour justifier un accès frauduleux à des documents et aux messageries des membres de la direction ont été obtenus de façon irrégulière et portent atteinte à ses droits et, notamment, à ceux garantis par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les moyens utilisés par l'Union Saint-Martin pour rapporter la preuve d'une faute ne garantit pas la sécurité des preuves ;

- son licenciement est en lien avec son mandat de salarié protégé et le climat social dégradé au sein de l'association.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés les 25 septembre et 19 novembre 2015 et 17 mars et 6 mai 2016, l'association l'Union Saint-Martin, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. A...le versement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée le 11 août 2015 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bonneau-Mathelot,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations présentées par MeH..., substituant Me Mignon-Louvet, avocat de M. A... ;

- et les observations présentées par Me Fougerel, avocat de l'association l'Union Saint-Martin.

Considérant ce qui suit :

1. M. A...a été recruté le 24 février 1986 par l'association l'Union Saint-Martin (USM) en qualité de garçon de bureau puis de programmeur à compter du 15 janvier 2001, d'administrateur réseau à compter du 1er janvier 2002 et, enfin, de responsable informatique et d'administrateur réseau à compter du 1er janvier 2009. Il était par ailleurs investi, depuis le 14 juin 2011, du mandat de délégué du personnel et, depuis le 25 octobre 2011, du mandat de délégué syndical. Il a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement pour faute le 13 décembre 2013. L'association USM a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour faute le même jour. Par une décision du 14 février 2014, l'inspectrice du travail a rejeté sa demande aux motifs que les deux griefs invoqués par l'USM et tirés de l'imputabilité à M. A...des défaillances du système informatique et de l'accès non autorisé aux messageries de membres de la direction n'étaient pas établis et que le lien avec le mandat n'était pas à exclure. L'association l'USM a formé un recours hiérarchique le 7 avril 2014. Une décision implicite de rejet est née du silence gardée par l'administration. Par une décision du 28 août 2014, le ministre chargé du travail a rejeté expressément le recours hiérarchique. Par un jugement du 2 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du ministre chargé du travail et estimé que le second grief examiné par l'inspectrice du travail, l'accès non autorisé aux messageries des membres de la direction, était établi et a annulé la décision de l'inspectrice du travail. M. A... relève appel du jugement du 2 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du ministre chargé du travail du 28 août 2014 :

2. M. A...soutient que la décision du ministre du travail est fondée dès lors que le recours hiérarchique formé par l'Union Saint-Martin a été introduit par une personne incompétente.

3. Aux termes de l'article 17 des statuts de l'USM : " Le président représente l'association dans tous les actes de la vie civile " et aux termes de l'article 19 de ces mêmes statuts : " Le président peut donner mandat à un autre membre du conseil d'administration, au directeur général de l'association, ou sur proposition du directeur général à un cadre de l'association pour exercer certaines de ses fonctions ou leur déléguer sa signature pour des objets déterminés ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 20 décembre 2013, dont M. A... n'établit pas qu'il serait, en réalité, postérieur à l'introduction du recours hiérarchique du 7 avril 2014, le président de l'USM, M.B..., a consenti à M. G...I..., directeur général, une délégation pour " traiter, pour le compte de l'USM, la procédure disciplinaire concernant Monsieur A...dans son intégralité, y compris devant les services de l'inspection du travail ". De sorte que M. G...I...était habilité à former un recours hiérarchique au nom de l'USM à l'encontre la décision de l'inspectrice du travail du 14 février 2014. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont, pour ce motif, annulé la décision du ministre chargé du travail du 28 août 2014.

Sur les conclusions dirigées contre la décision de l'inspectrice du travail du 14 février 2014 :

5. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspectrice du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et, plus particulièrement, de l'audit réalisé par la société Provadys, les 13 novembre et 2 décembre 2013, ainsi que du rapport d'expertise du 21 novembre suivant et du procès verbal de constat d'huissier du même jour que, sur la période du 21 octobre 2012 au 22 novembre 2013, une personne s'est connectée à plusieurs boîtes de messagerie électronique professionnelle de certains personnels de l'USM et, notamment, celles de M. G... I..., directeur général, et de M.E..., directeur adjoint, à partir de l'ordinateur mis à disposition de M. A...en utilisant son profil d'utilisateur personnel et son mot de passe.

7. D'une part, M. A...soutient, notamment, eu égard aux failles révélées par l'audit de sécurité concernant les mots de passe protégeant les utilisateurs au sein de l'USM, qu'il ne peut être établi avec certitude qu'il est l'auteur des intrusions.

8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que les connections aux boîtes de messagerie professionnelle l'ont été à partir d'un ordinateur disposant d'une adresse internet fixe identifiée comme étant celle de l'ordinateur de M. A..., à partir duquel des courriels des directeurs de l'USM ont été téléchargés puis transférés vers son adresse de messagerie personnelle. L'audit du

13 novembre 2013 précise que " la méthode employée laisse à penser que ces accès frauduleux sont réalisés sur une base régulière afin d'espionner le contenu de la messagerie des victimes ". Les conclusions dudit audit ont été confirmées par l'expertise réalisée le 21 novembre 2013 depuis l'ordinateur de M. A... et les constatations opérées par l'huissier ce même jour. Contrairement à ce que soutient l'intéressé, il ressort des pièces du dossier que les intrusions litigieuses ont été réalisées à des dates où celui-ci était présent au sein des locaux de l'USM. La circonstance alléguée que l'accès à son ordinateur ait été protégé par un mot de passe est sans incidence dès lors qu'en sa qualité d'administrateur réseau, M. A...avait accès à l'intégralité des mots de passe nécessaires afin de se connecter aux messageries électroniques en cause. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'USM aurait eu une intention malveillante à l'égard de M. A... en lui imputant les faits en litige.

9. D'autre part, si M. A...soutient que la procédure au terme de laquelle l'USM a recueilli des preuves aurait été déloyale et de nature à altérer leur sécurité et leur sincérité, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Il ressort des pièces du dossier, ainsi que cela a été dit plus haut, que les informations dont a eu connaissance l'USM ont été collectées à partir du serveur informatique et de l'ordinateur de M.A..., ont été révélées à l'occasion d'un audit de sécurité réalisé hors des locaux de l'USM, et confirmées par une expertise et un constat d'huissier. Par ailleurs, et ainsi que cela ressort d'une note de l'expert du 12 décembre 2013, toute manipulation de l'USM ou de la société Provadys était " techniquement hautement improbable " compte tenu d'une mise en oeuvre excessivement difficile. La circonstance que l'USM ait sollicité son avocat au cours de la procédure n'est pas de nature à jeter un doute sur l'authenticité ou la sincérité des constatations opérées, la saisine d'un avocat se justifiant par la découverte des agissements suspects de M.A.... M. A...n'apporte aucun élément de nature à établir que la société Provadys ou l'expert mandaté par l'USM auraient fait preuve de partialité. Enfin, et contrairement à que soutient M.A..., les informations réunies étaient en rapport avec son activité professionnelle, et il n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il aurait été porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et au secret des correspondances tels que garantis par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui précède que la réalité des faits reprochés à M. A...doit être regardée comme établie, au-delà de tout doute raisonnable.

11. En deuxième lieu, M. A...soutient que la demande de licenciement présentée par l'USM serait en lien avec ses mandats de délégué du personnel et de délégué syndical. A l'appui de ses allégations, M. A...produit, d'une part, un courrier du 30 octobre 2013 signé de M.D..., délégué du personnel, et lui-même demandant une " réunion extraordinaire dans le cadre des missions dévolues au CHSCT " concernant une " situation de risques graves pour la santé et la sécurité des salariés " et, d'autre part, un jugement du 29 septembre 2015 par lequel le conseil de prud'hommes de Paris a annulé pour discrimination syndicale une sanction, notifiée le 5 février 2014, infligée à M.D.... Il ressort également d'une enquête portant sur le climat social au sein de l'association, que l'ambiance était dégradée au sein de l'USM et que des tensions existaient entre les membres du conseil d'administration et les représentants du personnel. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les fonctions représentatives et l'activité syndicale exercées par M. A...serait en lien avec son licenciement, lequel se fonde sur la gravité de la faute qu'il a commise. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la demande de licenciement aurait un lien avec son mandat.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions attaquées, les premiers juges, contrairement à ce que soutient M.A..., n'étant pas tenus de se prononcer sur le bien fondé des deux griefs examinés par l'inspectrice du travail, l'imputabilité à M. A...des défaillances du système informatique et l'accès non autorisé aux messageries de membres de la direction.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'USM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme de 1 000 euros demandées par l'USM sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : M. A...versera à l'association USM la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A..., à l'association l'Union Saint-Martin et à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 27 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de la formation de jugement,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2017.

Le rapporteur,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

A. CLEMENT La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

3

N° 15PA02961


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA02961
Date de la décision : 18/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Aurélie BERNARD
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : CABINET BOURGEOIS REZAC MIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-04-18;15pa02961 ?
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