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24/05/2017 | FRANCE | N°16PA03192,16PA03690

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 24 mai 2017, 16PA03192,16PA03690


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 3 juin 2015 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a rejeté sa demande d'effacement des données personnelles le concernant inscrites dans le fichier de traitement d'antécédents judiciaires et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de procéder à l'effacement desdites données.

Par une ordonnance n° 1512780 du 11 octobre 2016, le président de la 6ème

section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 3 juin 2015 par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a rejeté sa demande d'effacement des données personnelles le concernant inscrites dans le fichier de traitement d'antécédents judiciaires et, d'autre part, d'enjoindre à cette autorité de procéder à l'effacement desdites données.

Par une ordonnance n° 1512780 du 11 octobre 2016, le président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 2 novembre 2016 sous le n° 16PA03192, M. B... A..., représenté par Me Forest, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1512780 du 11 octobre 2016 du président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 3 juin 2015 par laquelle le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté sa demande d'effacement des données personnelles le concernant inscrites dans le fichier de traitement d'antécédents judiciaires ;

3°) d'enjoindre au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris de procéder à une appréciation effective de sa demande d'effacement, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la circulaire du 17 juin 2016 du garde des sceaux prévoit que le juge administratif demeure compétent pour les décisions du procureur de la République rendues avant le 3 juin 2016 ;

- la saisine du président de la chambre de l'instruction est suspendue à l'intervention d'un décret en Conseil d'État prévu à l'article 230-11 du code de procédure pénale ; le président de la chambre de l'instruction ne pourrait en tout état de cause, du fait de la circulaire précitée, que se déclarer incompétent s'il le saisissait ; cette situation méconnait son droit au recours ;

- la décision litigieuse est intervenue au-delà du délai d'un mois imparti à cette fin au procureur de la République ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors, d'une part, que le procureur de la République s'est abstenu de toute appréciation concrète, et d'autre part, que le refus d'effacement est entaché d'erreur d'appréciation, le maintien des mentions dans le fichier, pour une durée qui est excessive, n'étant justifié ni par les faits en cause, qui n'ont donné lieu qu'à un rappel à la loi, ni par sa personnalité ;

- elle méconnait le principe de la présomption d'innocence garanti par l'article 9-1 du code civil.

Par un mémoire enregistré le 21 avril 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler l'ordonnance n° 1517377 du 11 octobre 2016 du président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris en tant qu'elle a rejeté la demande comme portée devant une juridiction incompétente.

Il soutient que :

- par application de l'article 112-3 du code pénal, les lois supprimant ou modifiant les voies de recours sont inapplicables aux instances en cours et ne s'appliquent qu'aux recours formés contre les décisions intervenues postérieurement à leur entrée en vigueur ;

- en l'espèce, la circulaire du 17 juin 2016 précise que les dispositions de l'article 68 de la loi n° 2016-731 sont applicables aux décisions du procureur de la République ou du magistrat délégué rendues à compter de son entrée en vigueur, qui est immédiate.

II. Par un recours enregistré le 9 décembre 2016 sous le n° 16PA03690, et un mémoire enregistré le 21 avril 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1512780 du 11 octobre 2016 du président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...A...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- par application de l'article 112-3 du code pénal, les lois supprimant ou modifiant les voies de recours sont inapplicables aux instances en cours et ne s'appliquent qu'aux recours formés contre les décisions intervenues postérieurement à leur entrée en vigueur ; en l'espèce, la circulaire du 17 juin 2016 précise que les dispositions de l'article 68 de la loi n° 2016-731 sont applicables aux décisions du procureur de la République ou du magistrat délégué rendues à compter de son entrée en vigueur, qui est immédiate ;

- la demande de M. A...doit être rejetée pour les motifs présentés dans le cadre des écritures produites en première instance.

Le recours a été communiqué à M. A... qui n'a pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces des dossiers.

Le 20 janvier 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de ce que les dispositions du troisième alinéa de l'article 230-8 du code de procédure pénale, issues du 1° de l'article 68 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, ne sont pas encore entrées en vigueur faute de publication du décret en Conseil d'État prévu au 3° de ce même article 68, qui a modifié sur ce point l'article 230-11 du même code.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 ;

- la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 et les décisions du Conseil constitutionnel n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 et n° 2011-625 DC du 10 mars 2011 ;

- la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 ;

- le décret n° 2012-652 du 4 mai 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,

- les observations de Me Forest, avocat de M.A....

1. Considérant que la requête de M. A... et le recours du garde des sceaux, ministre de la justice, sont dirigés contre la même décision juridictionnelle ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt ;

2. Considérant M. A... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 3 juin 2015 par laquelle le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté sa demande d'effacement des données personnelles le concernant inscrites dans le fichier dénommé " traitement des antécédents judiciaires " ; que, par une ordonnance en date du 11 octobre 2016, le président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; que M. A..., d'une part, et le garde des sceaux, ministre de la justice, d'autre part, relèvent respectivement appel de cette ordonnance devant la Cour ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. Considérant que si les données nominatives figurant dans le fichier "traitement des antécédents judiciaires" institué, en application des articles 230-6 et suivants du code de procédure pénale, par les articles R. 40-23 à R. 40-34 du même code, issus du décret du 4 mai 2012 relatif au traitement d'antécédents judiciaires, portent sur des informations recueillies au cours d'enquêtes préliminaires ou de flagrance ou d'investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que certaines contraventions de cinquième classe, les décisions en matière d'effacement ou de rectification prises, en application des articles 230-8 et 230-9 du code de procédure pénale, par le procureur de la République ou par le magistrat désigné à cet effet, qui ont pour objet la tenue à jour de ce fichier et sont détachables d'une procédure judiciaire, constituent non des mesures d'administration judiciaire, mais des actes de gestion administrative du fichier ; qu'elles peuvent, par suite, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif ;

4. Considérant, toutefois, que le 1° b) de l'article 68 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, publiée le 4 juin 2016 au Journal officiel de la République française, a modifié l'article 230-8 du code de procédure pénale en y ajoutant un troisième alinéa selon lequel " Les décisions du procureur de la République en matière d'effacement ou de rectification des données personnelles sont susceptibles de recours devant le président de la chambre de l'instruction " ; que le 3° du même article a complété l'article 230-11 du code de procédure pénale, lequel renvoie à un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la fixation des modalités d'application, notamment, des articles 230-8 et 230-9 du même code, pour y prévoir que ce décret précise, le cas échéant, les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent contester les décisions prises par le procureur de la République ou le magistrat désigné à cet effet ;

5. Considérant que si le droit de former, devant une juridiction administrative, un recours contre une décision est définitivement fixé au jour où cette décision est rendue, les règles qui régissent les formes dans lesquelles le recours doit être introduit et jugé, y compris celles relatives à la compétence des juridictions et aux pouvoirs des juges, ne sont pas, à la différence des voies selon lesquelles ce droit peut être exercé ainsi que des délais qui sont impartis à cet effet aux intéressés, des éléments constitutifs de ce droit au recours ; qu'ainsi, et à moins qu'une disposition expresse y fasse obstacle, un texte modifiant les règles qui déterminent la juridiction compétente s'applique, dès son entrée en vigueur, aux recours introduits avant cette date ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du code civil : " Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le lendemain de leur publication. Toutefois, l'entrée en vigueur de celles de leurs dispositions dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures. " ;

7. Considérant que les dispositions législatives mentionnées au point 4, qui ont pour effet de modifier la répartition des compétences entre l'ordre de juridiction administratif et l'ordre de juridiction judiciaire, ne peuvent, conformément aux principes rappelés ci-dessus, s'appliquer qu'à la condition qu'aucune disposition ne fasse obstacle à leur entrée en vigueur immédiate ; qu'il résulte clairement du 3° de l'article 68 de la loi du 3 juin 2016 que le législateur a entendu subordonner l'entrée en vigueur de la modification de la répartition des compétences entre l'ordre de juridiction administratif et l'ordre de juridiction judiciaire, qu'il a décidée, à l'intervention d'un décret pris dans les formes prévues par l'article 230-11 du code de procédure pénale ; qu'en l'absence d'un tel décret en Conseil d'État, il est constant que ne sont déterminés ni les conditions, notamment de forme et de délai, dans lesquelles la chambre de l'instruction de la cour d'appel territorialement compétente peut être saisie par les personnes intéressées, ni les modalités de communication de cette requête au ministère public, ni les voies et délais de recours susceptibles d'être exercés à l'encontre de la décision rendue par la chambre de l'instruction ; que, dans ces conditions, l'application des modifications apportées par l'article 68 de la loi du 3 juin 2016 se révèle manifestement impossible et que, par suite, ces dispositions ne sont pas entrées en vigueur ; que, dès lors, la juridiction administrative est demeurée compétente pour statuer sur les demandes tendant à l'annulation des décisions de refus d'effacement de données personnelles du fichier " traitement des antécédents judiciaires " prises en application des articles 230-8 et 230-9 du code de procédure pénale ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A... et le garde des sceaux, ministre de la justice sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de M. A... présentée devant ce tribunal au motif qu'elle a été portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; qu'il y a donc lieu d'annuler cette ordonnance et, l'affaire étant en état, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de première instance présentée par M. A... ;

Sur la légalité de la décision litigieuse du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 230-6 du code de procédure pénale qui autorise sa mise en oeuvre, le traitement des antécédents judiciaires a pour finalité de " faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement de preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs " ; qu'il a également pour finalité, en application des articles L. 234-1 à L. 234-4 du code de la sécurité intérieure, " dans la stricte mesure exigée par la protection de la sécurité des personnes et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation ", de contribuer à mettre en oeuvre des mesures de protection ou recueillir des renseignements pour la prise de décisions administratives relatives à des emplois ou activités mentionnés à l'article L. 114-1 du même code, par l'intermédiaire de consultations autorisées, ainsi que, en application de l'article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995, de faciliter l'instruction des demandes en matière de nationalité ou de titres de séjour et des propositions de nomination ou de promotion dans les ordres nationaux ;

11. Considérant qu'en vertu de l'article 230-7 du code de procédure pénale, ce traitement peut contenir des informations sur les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteurs ou complices, à la commission de certaines infractions mentionnées au 1° de l'article 230-6, sur les victimes de ces infractions et sur les personnes faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 230-8 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent qui demande qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire. La rectification pour requalification judiciaire est de droit. Le procureur de la République se prononce sur les suites qu'il convient de donner aux demandes d'effacement ou de rectification dans un délai d'un mois. En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données personnelles concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du fichier, auquel cas elle fait l'objet d'une mention. Lorsque le procureur de la République prescrit le maintien des données personnelles relatives à une personne ayant bénéficié d'une décision d'acquittement ou de relaxe devenue définitive, il en avise la personne concernée. Les décisions de non-lieu et, lorsqu'elles sont motivées par une insuffisance de charges, de classement sans suite font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données personnelles. Les autres décisions de classement sans suite font l'objet d'une mention. Lorsqu'une décision fait l'objet d'une mention, les données relatives à la personne concernée ne peuvent faire l'objet d'une consultation dans le cadre des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1, L. 234-1 à L. 234-3 du code de la sécurité intérieure et à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité " ; que le décret n° 2012-652 du 4 mai 2012, pris sur le fondement de ces dispositions, encadre la mise en oeuvre du traitement des antécédents judiciaires ; que l'article R. 40-27 du code de procédure pénale qui en est issu fixe la durée de conservation des données concernant les personnes mises en cause dans le cadre des procédures établies par les services chargés des opérations de police judiciaire ; que cette durée est modulée en fonction de l'âge de la personne mise en cause, de la gravité des infractions et de l'inscription de nouveaux faits dans le fichier ;

12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu décrire entièrement les possibilités de radiation, correction ou maintien de données dans le fichier "traitement des antécédents judiciaires", offertes à l'autorité à laquelle il a confié la responsabilité de contrôler sa mise en oeuvre et qu'il doit être regardé comme n'ayant entendu ouvrir la possibilité d'effacement que dans les cas où les poursuites pénales sont, pour quelque motif que ce soit, demeurées sans suite ; que lorsque les faits à l'origine de l'enregistrement des données dont l'effacement est demandé ont fait l'objet d'un classement sans suite pour un autre motif que l'insuffisance de charges, les données sont assorties d'une mention et les dispositions précitées de l'article 230-8 du code de procédure pénale, si elles ne le prévoient pas expressément, ne font pas obstacle à ce que le procureur de la République ou le magistrat référent décide d'accueillir une demande d'effacement ;

13. Considérant que, dans l'hypothèse mentionnée au point précédent, les magistrats compétents pour décider de l'effacement des données prennent en considération la nature et la gravité des faits constatés, les motifs de la relaxe ou du classement sans suite, le temps écoulé depuis les faits et la durée légale de conservation restant à courir, au regard de la situation personnelle de l'intéressé, protégée par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ils peuvent prendre ainsi en considération l'âge auquel l'intéressé a commis les faits, son comportement depuis lors et son attitude vis-à-vis des éventuelles victimes ou son insertion sociale ; que l'application des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose également au juge de l'excès de pouvoir d'exercer un entier contrôle sur la décision prise par les autorités désignées par la loi pour statuer sur les demandes d'effacement des données ;

14. Considérant que M. A..., informaticien, a fait l'objet d'un rappel à loi pour des faits, commis le 18 août 2013, de port ou de transport d'armes de sixième catégorie, après avoir, lors d'un contrôle opéré par les forces de l'ordre dans les transports en commun alors qu'il se rendait à son travail, déclaré être en la possession de deux couteaux à cran d'arrêt, qu'il a indiqué lui être utiles dans ses activités professionnelles ; que ce rappel à la loi a été suivi d'un classement sans suite de la procédure par le procureur de la République ; que M. A... ayant demandé, par courrier reçu le 25 avril 2014, que les données le concernant soient effacées du fichier " traitement des antécédents judiciaires ", le procureur de la République a refusé, par la décision litigieuse du 3 juin 2015, de procéder à cet effacement et a informé M. A...que les données le concernant seraient assorties d'une mention interdisant leur consultation dans le cadre d'enquêtes administratives, conformément à l'article 230-8 du code de procédure pénale ;

15. Considérant qu'au égard à la faible gravité, en l'espèce, des faits en cause, et de leur caractère non-intentionnel, à l'absence au dossier de tout élément indiquant leur réitération ou pouvant la laisser craindre et aux potentielles conséquences de la mention du traitement des antécédents judiciaires sur la vie professionnelle de M.A..., qui est chargé de la sécurité informatique d'une entreprise, la décision de ne pas procéder à l'effacement des données personnelles y afférentes est, en l'espèce, disproportionnée au regard de la finalité poursuivie par le traitement des antécédents judiciaires et porte ainsi aux droits de l'intéressé, garantis par les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte excessive ; qu'il y a donc lieu d'en prononcer l'annulation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

17. Considérant que l'annulation de la décision par laquelle le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande d'effacement des données personnelles concernant M. A..., inscrites dans le fichier de traitement d'antécédents judiciaires, implique nécessairement, comme celui-ci le demande, qu'il soit procédé au réexamen de sa demande ; qu'il y a lieu pour la Cour d'ordonner cette mesure, qui devra être mise en oeuvre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais de procédure :

18. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État (ministère de la justice) le versement d'une somme de 1 500 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1517377 du 11 octobre 2016 du président de la 6ème section du Tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La décision du 3 juin 2015 par laquelle le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté la demande de M. B...A..., tendant à l'effacement des données personnelles le concernant inscrites dans le fichier de traitement d'antécédents judiciaires, est annulée.

Article 3 : Il est enjoint au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris de procéder, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à un nouvel examen de la demande d'effacement, dans le traitement des antécédents judiciaires, des données personnelles concernant M. B...A...qui sont relatives aux faits survenus le 18 août 2013.

Article 4 : L'État (ministère de la justice) versera à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du garde des sceaux, ministre de la justice est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Paris.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2017, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Amat, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 mai 2017.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

A. LOUNISLa République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 16PA03192, 16PA03690


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