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07/07/2017 | FRANCE | N°16PA02485

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 07 juillet 2017, 16PA02485


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 22 juin 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 28 juin 2016 ordonnant son placement en rétention administrative

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Par un jugement n° 1609993/8 du 30 juin 2016, le magistrat désigné par la prési...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 22 juin 2016 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel elle doit être éloignée et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans, ainsi que l'arrêté du 28 juin 2016 ordonnant son placement en rétention administrative.

Par un jugement n° 1609993/8 du 30 juin 2016, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris, auquel la demande avait été transmise par une ordonnance du 29 juin 2016 de la présidente du Tribunal administratif de Melun, a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 28 juillet 2016, MmeA..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1609993/8 du 30 juin 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du 22 juin 2016 et du 28 juin 2016 du préfet du Val-de-Marne ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé quant à la réponse aux moyens tirés de la violation des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions du III de l'article L. 511-1 du même code ;

- avant de l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Val-de-Marne n'a pas saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle a été notifiée sans mention de la possibilité d'un départ volontaire et du délai qui lui était imparti pour quitter le territoire français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle est titulaire d'une carte de séjour italienne et que son fils a la nationalité italienne ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire est illégale dès lors qu'il n'y avait aucun risque qu'elle se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu des risques pour sa vie que lui ferait courir son retour en République Dominicaine ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement prendre à son encontre une décision d'interdiction de retour sur le territoire français que si son comportement constituait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société au sens des dispositions de l'article L. 241-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale dès lors qu'elle ne représente pas une menace pour l'ordre public ;

- la décision de placement en rétention administrative méconnaît tous les droits essentiels de la personne placée en rétention.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 ;

- le règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Dalle a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeA..., ressortissante dominicaine, née le 14 mars 1990, est arrivée le 9 mars 2015 à l'aéroport d'Orly en provenance de la République dominicaine ; qu'elle a été signalée le 10 mars 2015 par la sous-direction de la lutte contre le crime organisé et la délinquance financière pour trafic et revente sans usage de stupéfiants ; que le 11 mars 2015, elle a été placée en détention provisoire au centre pénitentiaire de Fresnes pour acquisition, importation, transport, détention et trafic non autorisés de stupéfiants et importation en contrebande de stupéfiants ; que par un jugement en date du 9 avril 2015, le Tribunal correctionnel de Créteil l'a reconnue coupable de ces infractions et l'a condamnée à une peine de deux ans d'emprisonnement ; que, le 24 juin 2016, alors détenue au centre pénitentiaire de Fresnes, elle s'est vue notifier un arrêté en date du 22 juin 2016, par lequel le préfet du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de trois ans ; qu'à sa levée d'écrou, le 28 juin 2016, le préfet du Val-de-Marne a décidé son placement en rétention administrative ; que Mme A...relève appel du jugement du 30 juin 2016, par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que contrairement à ce que soutient la requérante, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a répondu de manière suffisamment motivée aux moyens tirés de la violation des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des dispositions du III de l'article L. 511-1 du même code ; que s'agissant du premier moyen, il a rappelé les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et affirmé que la requérante n'entrait pas dans le champ d'application de ces dispositions dès lors qu'elle ne pouvait justifier être entrée régulièrement sur le territoire français et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que s'agissant du second moyen, il a rappelé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et affirmé que la requérante représentait une menace pour l'ordre public compte tenu de la gravité des faits commis ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. " ; que l'article L. 511-2 du même code dispose : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : /1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen signée le 19 juin 1990 : " Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties Contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties Contractantes, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrée visées à l'article 5, paragraphe 1, points a), c) et e), et qu'ils ne figurent pas sur la liste de signalement nationale de la Partie Contractante concernée. (...) Les dispositions du présent article s'appliquent sans préjudice des dispositions de l'article 22. " ; enfin qu'aux termes de l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, qui s'est substitué à l'article 5 de la convention du 19 juin 1990 : " 1. Pour un séjour prévu sur le territoire des États membres, d'une durée n'excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, ce qui implique d'examiner la période de 180 jours précédant chaque jour de séjour, les conditions d'entrée pour les ressortissants de pays tiers sont les suivantes : a) être en possession d'un document ou de documents de voyage en cours de validité autorisant son titulaire à franchir la frontière qui remplisse les critères suivants : i) sa durée de validité est supérieure d'au moins trois mois à la date à laquelle le demandeur a prévu de quitter le territoire des États membres. Toutefois, en cas d'urgence dûment justifiée, il peut être dérogé à cette obligation; ii) il a été délivré depuis moins de dix ans ; (...) / c) justifier l'objet et les conditions du séjour envisagé, et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d'origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel leur admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens / e) ne pas être considéré comme constituant une menace pour l'ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales de l'un des États membres et, en particulier, ne pas avoir fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans les bases de données nationales des États membres pour ces mêmes motifs " ;

4.

Considérant qu'à son arrivée en France le 9 mars 2015 Mme A...était titulaire d'un passeport dominicain valable du 26 janvier 2014 au 26 janvier 2020 et d'un titre de séjour délivré par les autorités italiennes, valable du 15 juillet 2013 au 14 juillet 2018 ; que si les stipulations précitées de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen l'autorisaient par suite, en principe, à circuler librement en France pendant une période de trois mois, c'était seulement pour autant qu'elle remplisse les conditions d'entrée visées à l'article 5 de la convention, auquel s'est substitué l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006, et notamment la condition prévue par le e) de cet article, selon laquelle l'étranger ne doit pas être considéré comme constituant une menace pour l'ordre public, la sécurité intérieure ou la santé publique ; qu'ainsi qu'il a été dit, Mme A...a été interpellée à l'aéroport d'Orly pour trafic de stupéfiants et condamnée pour ce motif à une peine d'emprisonnement de deux ans ; que le préfet du Val-de-Marne n'a donc pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation en estimant que l'intéressée constituait une menace pour l'ordre public à la date de son entrée sur le territoire et en édictant à son encontre une obligation de quitter le territoire en raison de l'irrégularité de cette entrée ;

5. Considérant qu'en vertu du 11° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ainsi que les membres de sa famille, qui bénéficient du droit au séjour permanent prévu par l'article L. 122-1 ; que Mme A...n'est ni la ressortissante d'un Etat membre de l'Union européenne, ni celle d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ni membre de la famille d'un tel ressortissant au sens de ces dispositions ; qu'elle ne peut dès lors se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 511-4 ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le fils, la soeur et la mère de Mme A...vivent en Italie ; que le centre des intérêts familiaux de l'intéressé n'étant pas en France, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles L. 511-1, L. 511-2, L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre ; que, toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ;

8. Considérant que Mme A...soutient que le préfet du Val-de-Marne n'a pas saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission, bien qu'elle était susceptible de faire l'objet d'une telle mesure ; que, cependant, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la circonstance qu'elle entrait dans le champ d'application des mesures de réadmission prévues aux articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne faisait à elle seule pas légalement obstacle à ce qu'une obligation de quitter le territoire fût prise à son encontre sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, il n'est pas établi ni allégué que Mme A...ait demandé à être éloignée vers l'Italie ;

9. Considérant, enfin, que la circonstance que la décision portant obligation de quitter le territoire français ait été notifiée sans mention de la possibilité d'un départ volontaire et du délai imparti pour quitter le territoire n'a aucune incidence sur la légalité de cette décision ;

Sur la légalité de la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :

10. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 511-2 du même code, ces dispositions du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union Européenne, s'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 ; que Mme A...ne remplit pas ces conditions d'entrée, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus ; qu'elle ne fait état d'aucune circonstance particulière d'où résulterait qu'elle ne risquait pas de se soustraire à son obligation de quitter le territoire français ; que si elle soutient qu'elle a gagné une somme d'argent par son travail en prison et qu'elle s'est bien comportée en détention, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'elle se serait conformée à son obligation de quitter le territoire si un délai de départ lui avait été accordé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi (...) " ; que l'article 3 de cette convention dispose : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des risques qu'elle dit encourir notamment pour sa vie en cas de retour en République dominicaine ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté préfectoral du 22 juin 2016 est contraire à ces stipulations, en tant qu'il prévoit qu'elle peut être éloignée à destination du pays dont elle a la nationalité, doit dès lors être écarté ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...)/ 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que si la reconduite de Mme A...à destination de la République dominicaine porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale dès lors qu'elle aurait pour effet de la séparer de sa soeur et de sa mère qui résident en Italie, cette atteinte ne serait pas disproportionnée en l'espèce, compte tenu notamment de la gravité de l'infraction commise par l'intéressé ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. 2. Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents (...) " ; que la requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que son fils, né en Italie le 25 août 2010 et ayant la citoyenneté italienne ne serait pas légalement admissible en République dominicaine et qu'il ne pourrait l'accompagner si elle retournait dans ce pays ; que le moyen tiré de la violation des stipulations précitées de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit, dès lors, être écarté ;

14.Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : /1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; /2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; /3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. /Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ;

15. Considérant que le préfet du Val-de-Marne s'est conformé à ces dispositions en prévoyant dans l'arrêté contesté que Mme A...pourra être éloignée " à destination du pays dont elle a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou dans lequel elle prouve être légalement admissible " ; que, par ailleurs, ainsi qu'il a été dit au point 11, elle n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées en cas de retour en République dominicaine ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

16 .Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. - L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. /L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 (...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) " ;

17. Considérant que le préfet du Val-de-Marne a assorti l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de Mme A...d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans ;

18. Considérant que MmeA..., qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et dont la présence sur le territoire représente une menace pour l'ordre public, eu égard à l'infraction qu'elle a commise, entre dans le champ des dispositions précitées du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la circonstance qu'elle était titulaire d'un titre de séjour italien ne faisait pas obstacle à ce que le préfet prît à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français dès lors qu'une telle décision, même si elle s'accompagne d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, n'implique pas nécessairement qu'elle aurait été empêchée d'accéder au territoire italien et qu'elle n'aurait pu être admise sur ce territoire ;

19. Considérant que l'arrêté préfectoral du 22 juin 2016 précise les motifs de droit et de fait pour lesquels une interdiction de retour a été prise à l'encontre de l'intéressée ; qu'il est par suite suffisamment motivé sur ce point ;

20. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard notamment à la gravité de l'infraction commise par MmeA..., le préfet du Val-de-Marne n'a pas commis d'erreur d'appréciation en assortissant l'obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans, quand bien même la requérante n'aurait pas été récidiviste et se serait bien comportée en détention ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention :

21. Considérant que pour contester la décision de placement en rétention administrative du 28 juin 2016, Mme A...fait valoir que ses droits, notamment la possibilité d'utiliser un téléphone, n'ont pas été respectés le 21 juillet 2016 lors de son transfert du centre de rétention administratif vers l'aéroport en vue de l'exécution de la mesure d'éloignement et que par une ordonnance du 23 juillet 2016, le juge des libertés et de la détention a refusé de prolonger sa rétention ; qu'un tel moyen est inopérant à l'encontre de la décision de placement en date du 28 juin 2016 ;

22. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 28 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- M. Dalle, président assesseur,

- Mme Notarianni, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 7 juillet 2017.

Le rapporteur,

D. DALLELe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA02485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA02485
Date de la décision : 07/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: M. David DALLE
Rapporteur public ?: M. BLANC
Avocat(s) : VALLEJO-FARGUES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-07-07;16pa02485 ?
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