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09/11/2017 | FRANCE | N°15PA04171

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 09 novembre 2017, 15PA04171


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une demande enregistrée sous le n° 1402327 le 14 février 2014, la SARL F... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 2 309 euros résultant d'un titre de perception émis à son encontre le 4 décembre 2013 ou, à titre subsidiaire, de réduire à l'euro symbolique cette contribution.

II. Par une demande enregistrée sous le n° 1402329 le 14 février 2014, la SARL F... a dema

ndé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la contribution sp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Par une demande enregistrée sous le n° 1402327 le 14 février 2014, la SARL F... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement d'un montant de 2 309 euros résultant d'un titre de perception émis à son encontre le 4 décembre 2013 ou, à titre subsidiaire, de réduire à l'euro symbolique cette contribution.

II. Par une demande enregistrée sous le n° 1402329 le 14 février 2014, la SARL F... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de la contribution spéciale pour l'emploi d'un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France d'un montant de 17 450 euros résultant d'un titre de perception émis à son encontre le 4 décembre 2013 ou, à titre subsidiaire, de réduire à l'euro symbolique cette contribution.

III. Par des ordonnances n° 1404003 et n° 1412672 du 19 janvier 2015, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a transmis au Tribunal administratif de Paris territorialement compétent les demandes présentées par la SARL G... tendant aux mêmes fins que celles susmentionnées.

Par un jugement n°s 1402327, 1402329, 1500883 et 1500866 du 15 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a, après avoir joint les demandes de la SARL G..., déchargé la société de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement mises à sa charge à concurrence de la somme totale de 4 759 euros et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 novembre 2015, la SARL G..., représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n°s 1402327, 1402329, 1500883 et 1500866 du 15 septembre 2015 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a que partiellement accueilli sa demande en réduisant les contributions spéciale et forfaitaire à concurrence de la somme totale de 4 759 euros ;

2°) de prononcer la décharge des contributions spéciale et forfaitaire représentative des frais de réacheminement ;

3°) à titre subsidiaire, de réduire à l'euro symbolique le montant des contributions spéciale et forfaitaire représentative des frais de réacheminement mises à sa charge ;

4°) à titre infiniment subsidiaire, de réduire le montant des contributions spéciale et forfaitaire représentative des frais de réacheminement mises à sa charge à 1 000 fois le taux minimum garanti, soit 3 490 euros ;

5°) de dire que les titres de perceptions émis le 4 décembre 2013 ne lui sont pas opposables au-delà de la somme d'un euro symbolique ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 22 octobre 2013 de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est insuffisamment motivée ;

- le montant de la contribution spéciale retenu par l'OFII est disproportionné au regard de l'infraction commise et de sa situation ; la décision de l'OFII méconnaît ainsi le principe de proportionnalité des peines ; il appartient à la Cour de réduire son montant à un euro symbolique ou, à tout le moins, en application des dispositions de l'article R. 8253-2 du code du travail, le montant de la contribution spéciale doit être réduit à 1 000 fois le taux horaire minimum garanti, soit la somme de 3 490 euros, dès lors qu'elle a versé au salarié en cause le salaire qui lui était dû ;

- l'arrêté du 5 décembre 2006 qui fixe le montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine méconnaît le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ; la circonstance que le montant de cette contribution ne correspond pas aux frais effectivement engagés aboutit à un système discriminatoire ;

- il n'est pas établi que le salarié étranger ait été reconduit dans son pays d'origine et le détail des frais réellement engagés pour sa reconduite ne lui ont pas été fournis ;

- la contribution forfaitaire étant une sanction administrative au même titre que la contribution spéciale, son montant doit être pris en compte dans la limite prévue à l'alinéa 2 de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, soit dans la limite de 15 000 euros ;

- l'OFII a méconnu le principe constitutionnel de proportionnalité des peines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 avril 2017, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la SARL G... ;

2°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris en ce qu'il a déchargé la SARL G... des contributions spéciale et forfaitaire mises à sa charge à concurrence de la somme totale de 4 759 euros ;

3°) de mettre à la charge de la SARL G... la somme de 2 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les conclusions présentées à l'encontre des titres de perception émis le 4 décembre 2013 par le directeur régional des finances publiques Ile-de-France Paris sont mal dirigées ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- le cumul des sanctions de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire est possible, et, en tout état de cause s'agissant d'une société, le " bouclier pénal " est fixé à un montant de 75 000 euros par salarié.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution et, notamment, son préambule ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 ;

- la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier ;

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant qu'à la suite du contrôle effectué le 15 janvier 2013 par les services de l'URSSAF et de la police dans le restaurant exploité sous l'enseigne Aoyama par la SARL F..., le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a, au vu du procès-verbal établi lors de cette opération de contrôle mentionnant l'emploi d'un ressortissant étranger démuni d'autorisation de travail et de titre de séjour, par ailleurs transmis au procureur de la République, informé la SARL G... par un courrier en date du 6 septembre 2013, qu'indépendamment des poursuites pénales susceptibles d'être engagées, elle était redevable, sur le fondement de l'article L. 8253-1 du code du travail, de la contribution spéciale et, sur le fondement de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement ; que le pli recommandé contenant ce courrier a été présenté à l'employeur le 11 septembre 2013 avant d'être retourné à l'OFII avec la mention " pli avisé et non réclamé " ; que l'OFII a, par une décision du 22 octobre 2013, notifiée à la SARL G... le 29 octobre suivant, mis à sa charge la contribution spéciale pour un montant de 17 450 euros et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement pour un montant de 2 309 euros ; que le recours gracieux formé par la SARL G... le 19 décembre 2013 a été implicitement rejeté ; que des titres de perception ont été émis le 4 décembre 2013 par le directeur régional des finances publiques d'Ile-de-France Paris pour le recouvrement de ces contributions ; que, par un jugement en date du 15 septembre 2015, le Tribunal administratif de Paris a réduit le montant total de la contribution spéciale et de la contribution forfaitaire mises à la charge de la SARL G... à concurrence de la somme de 4 759 euros et a rejeté le surplus des conclusions de ses demandes ; que la SARL G... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande ; que, par la voie de l'appel incident, l'Office français de l'immigration et de l'intégration demande à la Cour de réformer ce jugement en tant qu'il a prononcé la décharge des sommes en litige à hauteur de 4 759 euros ;

Sur la légalité externe de la décision du 22 octobre 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, aujourd'hui codifié à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

3. Considérant que la décision du 22 octobre 2013 du directeur général de l'OFII indique les textes applicables, en particulier les articles L. 8251-1, L. 8253-1, R. 8253-2 du code du travail et l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les arrêtés du 5 décembre 2006 ; qu'elle mentionne le procès-verbal du 15 janvier 2013 établi à l'encontre de la SARL G... et constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail, et, renvoie à une annexe comportant le nom du ressortissant étranger démuni de titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ; qu'elle précise que le montant de la contribution spéciale est fixé, sur la base du montant précisé à l'article R. 8253-2 du code du travail, à la somme de 17 450 euros, et que celui de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine s'élève à 2 309 euros conformément aux barèmes fixés par les arrêtés du 5 décembre 2006 ; que, dès lors, la décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent son fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de cette décision doit être écarté ;

Sur la contribution spéciale :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / [...] " ; qu'aux termes de l'article R. 8253-2 du même code dans sa rédaction issue du décret n° 2013-467 du 4 juin 2013 : " I.-Le montant de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 est égal à 5 000 fois le taux horaire, à la date de la constatation de l'infraction, du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. / II.- Ce montant est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti dans l'un ou l'autre des cas suivants : / 1° Lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ; / 2° Lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7. / III.- Dans l'hypothèse mentionnée au 2° du II, le montant de la contribution spéciale est réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. / IV.- Le montant de la contribution spéciale est porté à 15 000 fois le

taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction " ; qu'aux termes de l'article R. 8252-6 de ce code : " L'employeur d'un étranger non autorisé à travailler s'acquitte par tout moyen, dans le délai mentionné à l'article L. 8252-4, des salaires et indemnités déterminés à l'article L. 8252-2. Il remet au salarié étranger sans titre les bulletins de paie correspondants, un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte. Il justifie, auprès de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, par tout moyen, de l'accomplissement de ses obligations légales. " ;

5. Considérant que le régime de la sanction prévue à l'article R. 8253-2 du code du travail, qui institue un mécanisme de sanction administrative dont le taux peut varier selon le comportement de l'employeur et les circonstances dans lesquelles est constatée l'infraction, n'interdit pas, dans les conditions qui viennent d'être rappelées et sous le contrôle du juge administratif, la modulation de cette sanction en fonction de la gravité des comportements réprimés ; qu'en effet, le juge administratif, qui dispose d'un pouvoir de pleine juridiction, peut décider, dans chaque cas, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, soit de maintenir la sanction prononcée, soit d'en diminuer le montant jusqu'au minimum prévu par les dispositions sus-rappelées de l'article R. 8253-2 du code du travail, soit d'en décharger l'employeur ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité tel qu'il est consacré à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens de 1789 ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

6. Considérant que pour déterminer le montant de la contribution spéciale mise à la charge de la SARL G... en raison de l'emploi le 15 janvier 2013 d'un étranger non muni d'une autorisation de travail, faits dont la matérialité n'est pas contestée par la société requérante, le directeur général de l'OFII a retenu un taux horaire du minimum garanti multiplié par 5 000 sur le fondement du I de l'article R. 8253-2 du code du travail ; que si la société requérante verse au dossier une copie d'un bordereau d'envoi par le service de transfert d'argent Western Union de la somme de 1 500 euros au salarié en cause demeurant en Chineen date du 10 juillet 2013, cette pièce ne permet pas d'attester que la SARL G... a acquitté les salaires et indemnités mentionnés à l'article L. 8252-2 du code du travail dans les conditions prévues notamment par l'article R. 8252-6 de ce code, et, en particulier, avoir remis au salarié un certificat de travail ainsi que le solde de tout compte et en avoir justifié par tout moyen auprès de l'OFII ; que, par suite, le montant de la contribution spéciale ne peut être réduit, comme la société requérante le demande, à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti en application des dispositions du III de l'article R. 8253-2 du code du travail ;

7. Considérant, enfin, que la SARL G... ne peut utilement soutenir, compte tenu de ce qui précède, que le montant de la contribution spéciale mise à sa charge est disproportionné du fait de la fermeture administrative de l'établissement en cause pour la période courant du 6 mars 2013 au 21 mars 2013, du retrait de titre de séjour de son gérant par un arrêté du préfet de police du 15 mai 2013 et de la composition pénale dont celui-ci a fait l'objet le 31 mai 2013, dès lors que ces circonstances sont sans incidence sur le montant de la contribution spéciale mise à sa charge ;

Sur la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine :

8. Considérant qu'il convient d'appliquer au présent litige, qui a le caractère d'un litige de plein contentieux, la loi postérieure dès lors qu'elle est plus douce ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine. / Le montant total des sanctions pécuniaires prévues, pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler, au premier alinéa du présent article et à l'article L. 8253-1 du code du travail ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues par le chapitre II du présent titre. / [...] " ;

9. Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne subordonnent pas la mise à la charge de l'employeur de la contribution représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine à la justification par l'administration du caractère effectif de ce réacheminement ; que, par suite, la Sarl G... n'est pas fondée à soutenir que, faute d'établir le retour de M. A...en Chine, l'OFII ne pouvait lui appliquer ladite contribution ;

10. Considérant, en second lieu, que la SARL G... soutient que l'arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement méconnaît le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ; que, toutefois, même si l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'exige pas que soit établie l'effectivité du réacheminement de l'étranger vers son pays d'origine comme il vient d'être dit, la circonstance, résultant de cet article et de l'arrêté du 5 décembre 2006, qui prévoient que le montant des frais de réacheminement est fonction de la zone géographique dans laquelle se situe le pays d'origine de l'étranger concerné, que le montant de ces frais varie en fonction de la zone géographique dans laquelle se situe le pays d'origine de l'étranger devant faire l'objet du réacheminement n'est pas de nature à introduire une rupture d'égalité entre les employeurs auxquels est infligée la sanction ; qu'en effet, la distinction opérée repose sur un critère objectif et les employeurs concernés se trouvent, compte tenu de la nationalité de l'étranger en séjour irrégulier qu'ils emploient, dans des situations différentes ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les dispositions règlementaires applicables au litige méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques doit être écarté ;

Sur le cumul des contributions spéciale et forfaitaire représentative des frais de réacheminement :

11. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 8256-2 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016, de l'article L. 8256-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014, et de l'article 131-38 du code pénal que le cumul des contributions spéciale et forfaitaire représentative des frais de réacheminement mises à la charge d'une personne morale pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler ne peut excéder le montant maximal mentionné à l'article 131-38 du code pénal, soit la somme de 75 000 euros ;

12. Considérant qu'eu égard au montant global des sanctions éventuellement prononcées, qui n'est pas manifestement disproportionnée par rapport à la gravité des faits susceptibles d'être commis, la SARL G... n'est pas fondée, en tout état de cause, à soutenir que le cumul des contributions spéciale et forfaitaire représentative des frais de réacheminement mises à sa charge méconnait le principe de proportionnalité des peines découlant de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 11 que l'OFII est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a déchargé la SARL G... de la somme de 4 759 euros, le plafond de 15 000 euros prévu par les dispositions précitées s'appliquant aux seules personnes physiques ; qu'en conséquence, il y a lieu, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il procède à la décharge des contributions spéciale et forfaitaire de réacheminement à hauteur de la somme de 4 759 euros ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par l'OFII, que la SARL G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris ne l'a déchargée que partiellement des contributions litigieuses mises à sa charge ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFII, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, la somme demandée par la SARL G... au titre des frais qu'elle a exposés ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, par application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SARL G... le versement de la somme de 1 500 euros à l'OFII ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°s 1402327, 1402329, 1500866, 1500883 du Tribunal administratif de Paris du 15 septembre 2015 est annulé, en tant qu'il a partiellement accueilli la demande de la SARL G... en la déchargeant de la somme de 4 759 euros au titre des contributions spéciale et forfaitaire.

Article 2 : La requête de la SARL G... est rejetée.

Article 3 : La SARL G... versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL G... et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques de Paris.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Larsonnier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2017.

Le rapporteur,

V. LARSONNIER Le président,

S.-L. FORMERY Le greffier,

N. ADOUANELa République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°15PA04171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 15PA04171
Date de la décision : 09/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET SHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-09;15pa04171 ?
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