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09/11/2017 | FRANCE | N°16PA03361

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 09 novembre 2017, 16PA03361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 juillet 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 22 janvier 2015, a annulé cette dernière décision et a déclaré Mme A...apte à un poste d'assistante de caisse à la station-serv

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 17 juillet 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 22 janvier 2015, a annulé cette dernière décision et a déclaré Mme A...apte à un poste d'assistante de caisse à la station-service à temps partiel (16 heures par semaine réparties en 4 heures par jour, si possible en fin de matinée), sans manutention répétée de charge.

Par un jugement n° 1507905 du 21 septembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 18 novembre 2016 et le 30 janvier 2017, la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés, représentée par Me Thiery, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1507905 du 21 septembre 2016 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme A...devant le Tribunal administratif de Melun.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'état de Mme A...est stable mais l'intéressée n'est pas guérie, son état psychique présentant toujours, pour elle-même et pour les autres, un risque considérable ; le médecin du travail, seul compétent pour se prononcer sur l'aptitude médicale au poste de travail de la salariée, l'avait ainsi déclarée inapte au poste de travail en une seule visite, ce qui aurait dû conduire le médecin inspecteur régional du travail à confirmer cet avis ;

- l'application du principe de précaution oblige l'employeur, en application des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2017, Mme C...A..., représentée par MeD..., conclut au rejet de la requête, à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à ce que la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés soit condamnée à verser à Mme A...la somme de 5 000 euros au titre d'une procédure abusive.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés ne sont pas fondés.

Une mise en demeure a été adressée le 19 juin 2017 à la ministre du travail en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative.

Un moyen relevé d'office, tiré de ce qu'en raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, les conclusions reconventionnelles de Mme A...tendant à la condamnation de la société Carrefour Hypermarchés à lui verser la somme de 5 000 euros au titre d'une procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir, a été communiqué aux parties le 10 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Luben,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., substituant Me Thiery, avocat de la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. Il peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi./ (...) En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. ".

2. Il ressort des pièces du dossier que MmeA..., engagée par la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés par un contrat de travail signé le 12 août 2002 et qui exerçait les fonctions d'assistante de caisse à la station essence située au sein du magasin de Carré Sénart, a bénéficié d'un aménagement de poste à partir du 17 janvier 2011 (16 heures par semaine) ; en pratique, elle travaillait avec un maximum de 4 heures par jour et dans une tranche horaire de 12 heures à 16 heures. Elle a été examinée, le 31 juillet 2014, lors de la visite de reprise après un arrêt maladie, par le médecin du travail, qui a émis un avis d'" aptitude avec aménagement de poste. Conclusions : temps partiel 16 heures par semaine ; aménagement d'horaires : maximum 4 heures par jour dans la tranche horaire 12-18 heures ; travail assis sans port de charges ni postures contraignantes ". Elle a, à nouveau, été examinée, à la demande de son employeur, le 24 novembre 2014 par le médecin du travail, qui émis l'avis suivant : " Inapte ; en un seul examen (article R. 4624-31 du code du travail), danger immédiat " ; " Apte autre poste avec les restrictions suivantes : - Temps partiel : 16 heures par semaine. Maximum 4 heures par jour. - Travail assis sans port de charges ni postures contraignantes. - Pas de poste de travail isolé. - Pas de contact direct avec la clientèle ". Ce dernier avis ayant été contesté par MmeA..., le médecin-inspecteur régional du travail a rendu le 21 janvier 2015 son avis selon lequel, " à la date de la consultation à l'inspection médicale, [il] considère Mme A...inapte à la manutention répétée de charges et aux postes exposant à la poussière, aux denrées alimentaires et aux produits de nettoyage. Elle est donc inapte à la mise en rayon et à la caisse magasin. Elle est apte avec aménagement de poste : poste en caisse station-service, temps partiel (actuellement 16 heures par semaine, réparties en 4 heures par jour, si possible à partir de la fin de matinée). ". Par une décision du 22 janvier 2015, l'inspecteur du travail a infirmé l'avis rendu par le médecin du travail le 24 novembre 2014 constatant l'inaptitude de Mme A... en un seul examen à son poste et a reconnu l'aptitude de la salariée avec aménagement de poste : " poste en caisse à la station-service, à temps partiel (16 heures par semaine réparties en 4 heures par jour, si possible en fin de matinée), pas de manutention répétée de charge, ni de postes exposant à la poussière, aux denrées alimentaires et produits de nettoyage ". Par la décision attaquée du 17 juillet 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a, d'une part, retiré la décision implicite de rejet du recours hiérarchique née le 19 mai 2015, d'autre part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 22 janvier 2015, et, enfin, a déclaré Mme A..." apte à un poste d'assistante de caisse à la station-service à temps partiel (16 heures par semaine réparties en 4 heures par jour, si possible en fin de matinée), sans manutention répétée de charge ".

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail, lors de son examen de MmeA..., à la demande de l'employeur, le 24 novembre 2014, a noté dans le dossier médical de l'intéressée : " comportement de type souffrance au travail / à noter un suivi psy (...) avec prescription de Depakote 250 dont l'indication est le traitement des accès maniaques de la maladie bipolaire et de Parkinane LP 5 mg dont l'indication est le traitement du syndrome parkinsonien induit par les neuroleptiques (Tercian également prescrit). Probable psychose maniaco-dépressive ". Ni cette seule mention, par laquelle le médecin du travail tentait de déduire empiriquement de l'existence d'un suivi psychiatrique mentionnée par l'intéressée et des médicaments pris par elle la pathologie psychique dont elle pouvait souffrir, ni la contradiction dans ses termes de l'avis rendu le 24 novembre 2014 par le médecin du travail, qui estimait en même temps que Mme A...était inapte à son poste en un seul examen, en application de l'article R. 4624-31 du code du travail, qui disposait que " lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers (...), l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen " mais qui l'estimait apte, avec certaines restrictions, sur un autre poste, ni le fait que Mme A...fasse l'objet d'un suivi psychiatrique, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il serait lié à des circonstances autres que l'agression qu'elle a subie le 4 novembre 2013 sur son lieu de travail, ni la circonstance que MmeA..., dans un contexte de relations de travail conflictuelles, ait adressé à son employeur de nombreux courriers revendicatifs, ne sauraient établir, à eux seuls, que Mme A...serait inapte à son poste de travail, avec les aménagements de ce poste indiqués par la décision attaquée du 17 juillet 2015, alors notamment que l'intéressée a versé au dossier, comme il lui était loisible de le faire afin d'éclairer le tribunal administratif quant à la réalité de son état psychique, un certificat médical du 26 novembre 2014 du médecin psychiatre qui la suit, selon lequel son état psychologique est bien stabilisé, normo thymique malgré l'arrêt du traitement depuis le mois de juillet 2014, et qu'elle n'a pas besoin de prise en charge psychiatrique à ce jour. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social n'avait pas entaché la décision attaquée du 17 juillet 2015 d'une erreur d'appréciation.

4. En second lieu, aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. ".

5. La société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés ne saurait utilement soutenir, pour contester la décision attaquée du 17 juillet 2015 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social prise sur le fondement des dispositions susrappelées de l'article L. 4624-1 du code du travail, qu'elle méconnaîtrait les dispositions précitées de l'article L. 4121-1 du code du travail. Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que, comme il a été dit ci-dessus, l'état de santé de MmeA..., dans les conditions dans lesquelles elle exerce son activité aux termes de la décision contestée, présenterait un danger pour elle-même ou pour son environnement professionnel.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 21 septembre 2016, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 juillet 2015 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique dirigé contre la décision de l'inspecteur du travail en date du 22 janvier 2015, a annulé cette dernière décision et a déclaré Mme A...apte à un poste d'assistante de caisse à la station-service à temps partiel (16 heures par semaine réparties en 4 heures par jour, si possible en fin de matinée), sans manutention répétée de charge.

Sur les conclusions reconventionnelles présentées par Mme A...tendant à ce que la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés soit condamnée au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre d'une procédure abusive :

7. En raison de la nature particulière du recours pour excès de pouvoir, des conclusions reconventionnelles tendant à ce que le demandeur soit condamné à verser à une personne mise en cause des dommages intérêts pour procédure abusive ne peuvent être utilement présentées dans une instance en annulation pour excès de pouvoir.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés le paiement à Mme A...de la somme de 2 000 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés est rejetée.

Article 2 : La société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés versera à Mme A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions reconventionnelles présentées par Mme A...tendant à ce que la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés soit condamnée au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre d'une procédure abusive sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Carrefour Hypermarchés, à Mme C...A...et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 novembre 2017.

Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 16PA03361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 16PA03361
Date de la décision : 09/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. SORIN
Avocat(s) : THIERY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-09;16pa03361 ?
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