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28/11/2017 | FRANCE | N°17PA00105

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 28 novembre 2017, 17PA00105


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Conseil national des barreaux, représenté par Me A..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2013 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a conféré à la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM) l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Par un jugement n° 1509844 du 8 novembre 2016, le Tribunal administrati

f de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Conseil national des barreaux, représenté par Me A..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 décembre 2013 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice, a conféré à la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM) l'agrément prévu par le 1° de l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.

Par un jugement n° 1509844 du 8 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 janvier 2017, et un mémoire enregistré le 27 juillet 2017, le Conseil national des barreaux, représenté par Me D...A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) à titre principal d'annuler l'arrêté ;

3°) à titre subsidiaire, d'annuler l'arrêté en tant qu'il n'a pas rappelé les dispositions pertinentes de la loi d'une part, et en tant qu'il a ajouté au texte en conférant l'agrément aux membres d'un " service de conseil juridique " de l'organisme en cause d'autre part ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de tout succombant la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement, qui a répondu de manière laconique au moyen tiré de ce que l'agrément ne pouvait pas être accordé à un service de conseil juridique mais seulement à des personnes, n'est pas suffisamment motivé ;

- en ne précisant pas dans leur intégralité les conditions restrictives auxquelles est soumise l'activité de conseil juridique, le garde des sceaux a entaché son arrêté d'incompétence négative ;

- l'arrêté ne pouvait conférer l'agrément à un " service de conseil juridique " au sein de la FEPEM dès lors qu'un tel service, permanent et autonome, exerce une activité de conseil juridique à titre principal ;

- la loi ignorant la notion de " service de conseil juridique ", la précision introduite dans l'agrément est dépourvue de base légale.

Par un mémoire enregistré le 2 juin 2017, la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM) représentée par Me C...B...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du Conseil national des barreaux de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 16 octobre 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 octobre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bernier, président assesseur,

- les conclusions de Mme Delamarre, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant le Conseil national des barreaux et de MeB..., représentant la FEPEM.

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant que si le Conseil national des barreaux fait grief aux premiers juges d'avoir dénaturé ses moyens, ces critiques doivent être regardées comme se rattachant au bien-fondé du jugement et non à sa régularité ;

2. Considérant qu'au point 5 de son jugement, le tribunal administratif de Paris a notamment considéré que la mention du " service juridique " figurant dans l'arrêté conférant l'agrément avait pour seul objet de désigner, conformément aux dispositions de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971, les personnes pratiquant le droit sous l'autorité de cet organisme et non de se rapporter à un service spécifique ; que ce faisant, les premiers juges ont présenté l'interprétation des dispositions qu'il citaient ; que cette interprétation explique la solution qu'ils ont retenue au cas d'espèce au point 7 du jugement ; que le tribunal administratif de Paris qui a ainsi répondu au moyen tiré de l'incompétence positive du garde des sceaux, ministre de la justice, qu'il a requalifié en erreur de droit, et qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments présentés devant lui par les parties, a suffisamment motivé son jugement ;

Sur le bien fondé du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques : " Nul ne peut, directement ou par personne interposée, à titre habituel et rémunéré, donner des consultations juridiques ou rédiger des actes sous seing privé, pour autrui : 1° S'il n'est titulaire d'une licence en droit ou s'il ne justifie, à défaut, d'une compétence juridique appropriée à la consultation et la rédaction d'actes en matière juridique qu'il est autorisé à pratiquer conformément aux articles 56 à 66. (...) Pour chacune des catégories d'organismes visées aux articles 61, 63, 64 et 65, elle résulte de l'agrément donné, pour la pratique du droit à titre accessoire, par un arrêté, pris après avis de la même commission, qui fixe, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes pratiquant le droit sous l'autorité de ces organismes.(...) " ; qu'aux termes de son article 64 : " Les syndicats et associations professionnels régis par le code du travail peuvent donner des consultations juridiques et rédiger des actes sous seing privé au profit des personnes dont la défense des intérêts est visée par leurs statuts, sur des questions se rapportant directement à leur objet " ;

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté d'agrément :

4. Considérant que l'arrêté contesté n'a pas pour objet de définir les obligations qui incombent à l'organisme auquel l'agrément est accordé ; que l'activité de conseil juridique autorisée par cet agrément est nécessairement soumise aux conditions d'exercice posées par des dispositions de nature législative et réglementaire qu'il n'y avait pas lieu pour le garde des sceaux de rappeler dans le corps même de l'arrêté d'agrément ; que si les dispositions précitées de l'article 54 permettent au garde des sceaux de fixer, le cas échéant, les conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes pratiquant le droit sous l'autorité de ces organismes, elles ne l'habilitent pas à assortir chaque arrêté d'agrément de prescriptions spéciales ; qu'en tout état de cause, une méconnaissance par l'organisme titulaire de l'agrément des conditions auxquelles est subordonnée la pratique du droit à titre accessoire l'exposerait à un retrait de l'autorisation sans que cela ait lieu d'être précisé dans l'arrêté d'autorisation lui-même ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence négative du garde de sceaux doit être écarté ;

5. Considérant que l'arrêté contesté " confère l'agrément à la FEPEM au bénéfice des membres de son service de conseil juridique qui possèdent, s'ils ne sont pas titulaires de la licence en droit, soit un diplôme de maîtrise en droit, soit un diplôme d'études approfondies ou d'études supérieures spécialisées dans les disciplines juridiques, soit un master en droit " ; que cet agrément est conféré au visa du 1° de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques ; que ces mentions suffisent en l'espèce à déterminer le sens et la portée de cet agrément qui est dépourvu d'ambigüité ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Conseil national des barreaux n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation totale de l'arrêté ;

En ce qui concerne la légalité de l'agrément, en ce qu'il en confère le bénéfice aux seuls " membres du service de conseil juridique " de l'organisme titulaire :

7. Considérant qu'en précisant que l'agrément conféré à la FEPEM au bénéfice des personnes justifiant des conditions de qualification ou d'expérience juridique exigées des personnes pratiquant le droit sous l'autorité de ces organismes, l'était au bénéfice des seuls membres de son service de conseil juridique, le garde des sceaux a restreint le champ de l'agrément, certaines personnes étant susceptibles de pratiquer le droit sous l'autorité de l'organisme sans le faire au sein d'un service de conseil juridique ; qu'il implique en outre nécessairement que l'organisme titulaire de l'agrément se dote d'un service de conseil juridique ; que la mention figurant à l'article 1er de l'arrêté des " membres de son service de son conseil juridique ", dont la portée est restrictive et qui impose implicitement une obligation en matière d'organisation interne, est dès lors dépourvue de base légale ;

8. Considérant qu'il en résulte, et sans qu'il soit besoin pour la cour de statuer sur les autres moyens, que le Conseil national des barreaux est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de l'agrément en tant qu'il en confère le bénéfice aux seuls membres du service de conseil juridique de la FEPEM ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 200 euros à verser au Conseil national des barreaux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la FEPEM tendant à ce que soit mise à la charge du Conseil national des barreaux, qui n'est pas la partie qui succombe, la somme qu'elle demande à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1509844 du tribunal administratif de Paris du 8 novembre 2016 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'agrément conféré le 26 décembre 2013 à la FEPEM en tant qu'il en réserve le bénéfice aux membres du service de conseil juridique de cet organisme.

Article 2 : L'arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, du 26 décembre 2013 est annulé en tant qu'il accorde l'agrément prévu par le 1º de l'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 aux seuls membres du service de conseil juridique de la FEPEM.

Article 3 : L'Etat versera au Conseil national des barreaux la somme de 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la FEPEM sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Conseil national des barreaux, au garde des sceaux, ministre de la justice et à la Fédération des particuliers employeurs de France.

Délibéré après l'audience du 7 novembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 28 novembre 2017.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA00105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00105
Date de la décision : 28/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : ISRAEL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2017-11-28;17pa00105 ?
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