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23/01/2018 | FRANCE | N°17PA00668

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 23 janvier 2018, 17PA00668


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner l'expulsion de la société Tapis Nice des locaux qu'elle occupe au sein de l'ensemble immobilier situé 11 rue Léon Jouhaux et 45/47 quai de Valmy dans le 10ème arrondissement de Paris, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la société Tapis Nice une somme de 4 000 euros sur le

fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France a demandé au Tribunal administratif de Paris d'ordonner l'expulsion de la société Tapis Nice des locaux qu'elle occupe au sein de l'ensemble immobilier situé 11 rue Léon Jouhaux et 45/47 quai de Valmy dans le 10ème arrondissement de Paris, dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement sous astreinte de 200 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la société Tapis Nice une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1604264 du 27 janvier 2017, le Tribunal administratif de Paris a ordonné à la société Tapis Nice et à tous occupants de son chef de libérer, sans délai, les dépendances du domaine public qu'elle occupe au sein de l'ensemble immobilier situé 11 rue Léon Jouhaux et 45/47 quai de Valmy, sous astreinte de 80 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de trois mois et a mis à la charge de cette société une somme de 200 euros à verser à la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 février 2017 sous le n°17PA00668, la société Tapis Nice demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 janvier 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France tendant à son expulsion ;

3°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le litige relevait des juridictions de l'ordre judiciaire dès lors que l'immeuble en cause, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ne faisait pas partie du domaine public ;

- la chambre de commerce et d'industrie ne disposait pas d'un intérêt pour agir pour demander son expulsion en justice dès lors qu'elle a été déchue de ses droits sur l'immeuble au terme de la convention du 28 août 1914 puisqu'elle ne l'utilise plus pour l'exercice d'un service public ;

- la société SCIEGE ne justifie pas d'un mandat pour refuser le renouvellement de la convention d'occupation de l'immeuble ; ce refus de renouvellement est donc illégal ; la requérante justifie ainsi toujours d'une autorisation d'occupation des locaux en cause et le juge ne pouvait prononcer son expulsion.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2017, la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France demande à la Cour :

1°) de rejeter cette requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, de porter à 200 euros par jour de retard le montant de l'astreinte que la société Tapis Nice devra verser si elle ne libère pas les locaux litigieux dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à venir ;

3°) de mettre à la charge de la société Tapis Nice une somme de 4 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juin 2017, la Ville de Paris demande à la Cour :

1°) de rejeter cette requête ;

2°) de faire droit aux conclusions incidentes de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France relatives au montant de l'astreinte ;

3°) de mettre à la charge de la société Tapis Nice une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 juin 2017, la clôture de l'instruction a été reportée au 17 juillet 2017.

II. Par une requête, enregistrée le 22 février 2017 sous le n° 17PA00695, la société Tapis Nice demande à la Cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 27 janvier 2017.

Elle soutient que l'exécution du jugement est susceptible d'avoir pour elle des conséquences difficilement réparables dès lors qu'elle ne pourra plus exercer son commerce ; les moyens invoqués sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2017, la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France demande à la Cour :

1°) de rejeter cette requête ;

2°) de mettre à la charge de la société Tapis Nice une somme de 2 000 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 29 juin 2017, la Ville de Paris demande à la Cour :

1°) de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur cette requête ;

2°) à titre subsidiaire de la rejeter.

Elle soutient que :

- si cette requête est examinée conjointement avec la requête de fond enregistrée sous le n° 17PA00668, il n'y aura pas lieu d'y statuer ;

- dans le cas contraire elle devra être rejetée, les moyens n'étant pas fondés.

Par ordonnance du 16 octobre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2017.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de MeB..., pour la société Tapis Nice,

- et les observations de MeA..., pour la ville de Paris.

Une note en délibéré, enregistrée le 10 janvier 2018, a été présentée pour la Ville de Paris.

1. Considérant que, par convention du 28 août 1914, des locaux à usage d'entrepôt situés au 11 rue Léon Jouhaux dans le 10ème arrondissement de Paris, dont la ville de Paris est propriétaire, ont été concédés à la chambre de commerce de Paris, devenue chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France ; que, par convention du 29 novembre 2005, prenant effet le 1er décembre 2005 et tacitement renouvelable pour une durée d'une année, la société consulaire d'implantation d'entreprise et de gestion d'entrepôts (SCIEGE) a mis à la disposition de la société Tapis Nice l'entrepôt n° 308/9/10, d'une surface de 131 mètres carrés, au 3ème étage d'un bâtiment situé 11 rue Léon Jouhaux ; que par lettre du 3 janvier 2013, la SCIEGE, agissant pour le compte de la chambre de commerce et d'industrie, a informé la société Tapis Nice de son intention de ne pas renouveler cette convention à son échéance du 31 décembre 2013 ; qu'en raison d'un report du projet de fermeture du site, une nouvelle convention a néanmoins été conclue le 20 décembre 2013, autorisant la société requérante à occuper le local du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015 ; que cette société s'est vu ensuite proposer une nouvelle prorogation de son autorisation d'occupation de ce local pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 30 septembre 2015, à laquelle elle n'a pas donné suite tout en se maintenant dans les lieux ; que la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France a alors sollicité du Tribunal administratif de Paris l'expulsion de cette société ; que par un jugement du 27 janvier 2017 le tribunal a fait droit à cette demande et a ordonné à la société Tapis Nice et à tous occupants de son chef de libérer sans délai les lieux, sous astreinte de 80 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de la notification du jugement ; que la société Tapis Nice interjette appel de ce jugement par la requête n° 17PA00668 et en sollicite par ailleurs le sursis à exécution par la requête n° 17PA00695 ;

Sur la requête n° 17PA00668 :

Sur la compétence du juge administratif :

2. Considérant qu'avant l'entrée en vigueur le 1er juillet 2006, du code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance au domaine public d'un bien appartenant à une personne publique, était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ;

3. Considérant, d'une part, que les locaux en cause appartiennent à la ville de Paris, qui est une personne publique ; que d'autre part, il ressort de la convention du 28 août 1914 que, antérieurement à la date de signature de la convention d'occupation passée entre la chambre de commerce et d'industrie et la société Tapis Nice, l'immeuble était affecté au service public des douances et au service public de promotion et de soutien de l'activité économique assuré par la chambre de commerce ; que la société requérante ne conteste pas sérieusement que, comme l'a à juste titre relevé le tribunal, ce local faisait l'objet d'aménagements spéciaux sous forme de quais de déchargement et de locaux de stockage ; que, dans ces conditions il s'est trouvé incorporé au domaine public ;

4. Considérant que si ce local a été ensuite occupé, en vertu d'une convention, par une personne privée qui y exerce une activité commerciale, cette circonstance n'a pu avoir pour effet, à elle seule, en l'absence de toute mesure de déclassement, de faire sortir ce bien du domaine public ; que le tribunal a dès lors, à juste titre, considéré que l'immeuble en cause appartenait au domaine public de la ville de Paris et estimé en conséquence que le juge administratif était bien compétent pour connaitre du litige ;

Sur la qualité pour agir de la chambre de commerce devant le tribunal :

5. Considérant que s'il ressort des stipulations de la convention du 28 août 1914 que la chambre de commerce et d'industrie serait déchue de ses droits sur l'immeuble dans le cas où elle cesserait de l'utiliser pour les destinations prévues, et que la ville de Paris en reprendrait alors la libre disposition, rien ne s'opposait à ce que la ville renonce à exercer ce droit et décide, en dépit du changement d'affectation des lieux, de laisser la chambre de commerce disposer de l'immeuble en cause ; qu'il est constant que la ville de Paris n'a, à aucun moment, entendu remettre en cause les droits de la chambre de commerce et d'industrie sur l'immeuble ; que la requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que la chambre de commerce et d'industrie aurait été déchue de ses droits sur cette dépendance du domaine public ; que c'est donc à bon droit que le tribunal a écarté la fin de non-recevoir soulevée en défense, tirée du défaut d'intérêt à agir de cet établissement pour solliciter son expulsion de l'immeuble ;

Sur le bien-fondé de la demande d'expulsion :

6. Considérant que par la lettre du 3 janvier 2013 la société SCIEGE agissant pour le compte de la chambre de commerce et d'industrie s'est bornée à informer la société requérante de ce que, en application de la délibération en date du 13 décembre 2012 de l'assemblée générale de cet établissement, il serait mis fin à l'activité d'entreposage exercée dans l'immeuble en cause, afin de l'affecter à une mission de service public d'enseignement et qu'il devrait dès lors être libéré le 31 décembre 2013 ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, cette lettre du 3 janvier 2013, qui n'a eu pour objet que de l'informer de cette délibération du 13 décembre 2012 de l'assemblée générale, ne peut être regardée comme constituant par elle-même une décision de non-renouvellement de la convention d'occupation dont la société Tapis Nice était bénéficiaire ; qu'en tout état de cause, une nouvelle convention a été conclue par la suite, le 20 décembre 2013, entre la chambre de commerce et d'industrie et la société Tapis Nice, l'autorisant à occuper les lieux du 1er janvier 2014 au 30 juin 2015 ; que cette société ne s'est retrouvée dépourvue de titre d'occupation qu'à compter de cette date, en l'absence de clause de tacite reconduction dans cette dernière convention, et du fait de son refus de signer une nouvelle convention d'occupation pour une durée de trois mois, comme cela lui avait été proposé ; qu'elle n'est dés lors pas fondée à soutenir que le non-renouvellement de l'autorisation d'occupation de cette dépendance du domaine public résulterait de la décision du 3 janvier 2013 ou de toute autre décision de la société SCIEGE et serait irrégulier du fait que celle-ci ne justifierait pas du mandat qui lui aurait été confié à cet effet par la chambre de commerce et d'industrie ; que le tribunal a dès lors, à juste titre, jugé que l'absence alléguée de mandat de la société SCIEGE pour représenter la chambre de commerce et d'industrie n'était pas de nature à faire regarder la société requérante comme disposant d'un titre pour occuper le domaine public ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Tapis Nice n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris lui a ordonné de libérer, sans délai, les dépendances du domaine public qu'elle occupe sans droit ni titre depuis le 30 juin 2015, au sein de l'ensemble immobilier situé 11 rue Léon Jouhaux et 45/47 quai de Valmy, sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;

Sur les conclusions à fins d'appel incident de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France :

8. Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de porter à 200 euros par jour de retard, le montant de l'astreinte prononcée par le tribunal administratif à l'encontre de la société Tapis Nice jusqu'à ce qu'elle libère les lieux ;

Sur la requête n° 17PA00695 :

9. Considérant que le présent arrêt rejette les conclusions de la requête n° 17PA00668 tendant à l'annulation du jugement n° 1604264 du Tribunal administratif de Paris ; que les conclusions de la requête n° 17PA00668 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont dès lors devenues sans objet ; qu'il n'y a plus lieu d'y statuer ;

Sur les conclusions présentées dans les deux requêtes et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la société Tapis Nice demande dans l'instance n° 17PA00668 au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de la société Tapis Nice les sommes que la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France demande dans les deux instances ni celle demandée par la ville de Paris dans l'instance n° 17PA00668 sur le même fondement ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 17PA00695.

Article 2 : La requête n° 17PA00668 de la société à responsabilité limitée Tapis Nice est rejetée.

Article 3 : L'appel incident de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France et la Ville de Paris sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les deux instances sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Tapis Nice, à la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France et à la ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 23 janvier 2018.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLELe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au préfet de région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N°s 17PA00668-17PA00695


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00668
Date de la décision : 23/01/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation - Domaine public artificiel - Biens faisant partie du domaine public artificiel.

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine - Autorisations unilatérales.

Procédure - Incidents - Non-lieu.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : NIZOU-LESAFFRE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-01-23;17pa00668 ?
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