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21/03/2018 | FRANCE | N°17PA02819

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 21 mars 2018, 17PA02819


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2016 par lequel le préfet de police lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1700246/6-3 du 13 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2017, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

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°) d'annuler le jugement n° 1700246/6-3 du 13 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2016 par lequel le préfet de police lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1700246/6-3 du 13 juillet 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 11 août 2017, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700246/6-3 du 13 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2016 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) de faire droit à ses conclusions présentées en première instance ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie pour avis alors que M. B...justifiait d'une présence en France supérieure à dix années ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le préfet de police a fondé sa décision sur la circonstance que M. B...n'était pas en mesure d'attester de façon probante une ancienneté de résidence en France depuis plus de dix ans alors qu'il fait état de motifs exceptionnels eu égard à sa durée de résidence significative en France depuis 2006 ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et du citoyen dès lors que, eu égard à la durée de son séjour, celui-ci a développé des liens amicaux et atteste de son intégration sociale et professionnelle à la société française ;

- l'éloignement vers son pays d'origine l'exposerait à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que celui-ci justifie avoir quitté le territoire tunisien en raison des pressions et violences physiques exercées à son encontre par les membres de sa famille et de son voisinage en raison de son homosexualité ; que son éloignement vers la Tunisie l'exposerait à un peine privative de liberté et des fouilles disciplinaires assimilables à des actes de torture ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mars 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B...n'est fondé.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Pena a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né le 17 novembre 1968, entré en France, selon ses déclarations, le 6 janvier 2006, a sollicité le 3 novembre 2016 son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 29 novembre 2016, le préfet de police a opposé un refus à sa demande de titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que M. B...relève appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 / (...). L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans " ;

3. Considérant que M. B...fait valoir qu'il résidait habituellement en France depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté du 29 novembre 2016 ; que, toutefois, les pièces qu'il produit, notamment celles relatives à la période allant de 2006 au premier semestre 2008, ne permettent pas de s'assurer de sa présence habituelle sur le territoire métropolitain pendant la période concernée ; qu'il en est ainsi d'une facture manuscrite en date du 10 février 2006, d'une déclaration de revenus n'en comportant aucun, d'une facture d'opticien du 31 août 2007, d'un courrier du STIF concernant la délivrance d'un passe Navigo du 16 novembre 2007 adressé à deux adresses différentes, d'un récépissé d'opération financière de la Banque Postale du 15 avril 2008 faisant état d'un crédit de 100 euros, de son avis d'imposition sur les revenus de 2007 mentionnant une troisième adresse, ainsi que des attestations de tiers rédigées postérieurement à la date de la décision contestée ; que les pièces versées au dossier ne sont donc pas suffisantes, tant par leur nombre que par leur caractère probant pour établir le caractère continu et habituel du séjour du requérant durant les dix années précédant l'arrêté contesté ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police était tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; qu'il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une telle activité ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour en qualité de salarié, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour en cette qualité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point traité par l'accord franco-tunisien ; qu'ainsi, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont applicables aux ressortissants tunisiens qu'en matière de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

5. Considérant, au demeurant, que si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas de modalités d'admission exceptionnelle au séjour, à la différence de l'article L. 313-14 du code précité, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit ; qu'il appartient par suite au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ;

6. Considérant, d'une part, qu'il est constant que M. B...ne disposait pas d'un contrat de travail visé favorablement par les autorités françaises au jour de sa demande de régularisation pour bénéficier de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien modifié précité ;

7. Considérant, d'autre part, que M. B...soutient qu'il réside en France depuis 2006 ; que, cette seule circonstance, au demeurant non établie, ne peut toutefois être regardée comme une considération humanitaire ou un motif exceptionnel justifiant qu'il soit délivré à M. B...un titre de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-14 précité ; qu'ainsi, le préfet de police a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ces dispositions, opposer un refus à sa demande de titre de séjour ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que M. B...soutient qu'il est présent de façon ininterrompue sur le territoire français depuis plus de dix ans, qu'il travaille régulièrement dans un salon de coiffure, qu'il parle parfaitement français, qu'il a développé un fort réseau amical et qu'il est parfaitement intégré à la société française ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans charge de famille en France et n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses enfants, sa mère ainsi que ses frères et soeurs ; que, par suite, la décision de refus de titre de séjour du 29 novembre 2016 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, l'arrêté attaqué n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'appui de ses conclusions à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

12. Considérant que, si M. B...fait état des risques qu'il encourrait en cas de retour en Tunisie en raison de son homosexualité, il ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à établir la réalité et la gravité de ce risque qu'il encourrait personnellement en se bornant à faire état de la situation générale des homosexuels en Tunisie ; que la seule circonstance qu'il ait été contraint de quitter son pays en raison des violences et pressions physiques exercées à son encontre par les membres de sa famille et son voisinage n'est pas non plus de nature à établir qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 novembre 2016 ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 mars 2018.

Le rapporteur,

E. PENALe président,

M. BOULEAULe greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 17PA02819


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA02819
Date de la décision : 21/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Eléonore PENA
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : MALAPERT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-21;17pa02819 ?
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