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27/03/2018 | FRANCE | N°17PA01389

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 27 mars 2018, 17PA01389


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 mai 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, ensemble la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté son recours gracieux en date du 4 juillet 2016.

Par un jugement n° 1619322/1-1 du 22 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 9 mai 2016, et d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. C...un titre

de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 9 mai 2016 par lequel le préfet de police a refusé de lui renouveler son titre de séjour, ensemble la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté son recours gracieux en date du 4 juillet 2016.

Par un jugement n° 1619322/1-1 du 22 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 9 mai 2016, et d'autre part, enjoint au préfet de police de délivrer à M. C...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par un recours enregistré le 24 avril 2017, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 février 2017 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont regardé comme opérant à l'encontre de la décision de refus de renouvellement de titre le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté attaqué ne méconnaît pas ces stipulations car M. C...ne contribue pas à l'éducation et à l'entretien de son premier enfant ; sa compagne actuelle et leurs deux enfants sont de nationalité algérienne, de sorte que la cellule familiale peut se recomposer en Algérie.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 et 18 juillet 2017, M.C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Labetoulle,

- et les observations de Me B...pour M.C....

1. Considérant que M.C..., de nationalité algérienne, né le 27 février 1977, est entré en France, selon ses déclarations, en juin 2008 ; qu'il a bénéficié en qualité de père d'un enfant français d'un titre de séjour, délivré le 12 novembre 2012 et valable jusqu'au 11 novembre 2013 ; qu'il a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour sur le fondement des articles 6-4 et 6-5 de l'accord franco-algérien ; que le préfet de police a opposé un refus à cette demande par un arrêté du 9 mai 2016 ; que par jugement du 22 février 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté ; que le préfet de police fait appel de ce jugement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

3. Considérant que, pour annuler l'arrêté du préfet de police du 9 mai 2016, le Tribunal administratif de Paris a retenu que M. C...était père, d'une part, d'un enfant français né le 13 avril 2011 de son mariage avec une ressortissante française, pour lequel il disposait d'un droit de visite hebdomadaire, et d'autre part, d'un enfant de nationalité algérienne, né le 1er janvier 2015, qu'il a eu avec une ressortissante algérienne avec laquelle il vit en concubinage depuis janvier 2014 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 3 juillet 2014, confirmé par l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 juin 2016, qu'il ne bénéficie pas de l'autorité parentale à l'égard de son premier enfant ; qu'il a par ailleurs été condamné à deux reprises, le 30 mars 2016 puis le 21 septembre 2016, par le Tribunal correctionnel de Paris pour abandon de famille entre le 7 août 2013 et le 11 février 2014, et entre le 11 février 2014 et le 16 septembre 2014 ; que si M. C...fait valoir qu'il aurait été empêché d'exercer régulièrement son droit de visite par la mère de sa fille, il n'apporte pas de preuves suffisantes permettant de l'établir compte tenu d'un nombre très limité de démarches en attestant, réalisées auprès des services de police ou de la justice et qui n'ont été effectuées qu'entre le 14 octobre 2014 et le 22 mai 2015 ; qu'en outre, à la date de l'arrêté attaqué, M. C...ne faisait état d'aucun versement d'argent au bénéfice de la mère de son enfant, les preuves de tels versements et les photographies versées au dossier concernant une période postérieure à l'intervention de l'arrêté attaqué ; que s'il ressort également des pièces du dossier que M. C...a eu ensuite deux enfants de nationalité algérienne avec une ressortissante algérienne, et outre que seul l'ainé de ces deux enfants est né avant l'édiction de la décision contestée, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie ; que, dans ces conditions, le préfet a pu, sans méconnaître l'intérêt supérieur de ces enfants, refuser de délivrer un titre de séjour à M.C... ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant pour annuler, dans toutes ses dispositions, son arrêté du 9 mai 2016 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M.C... devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

Sur la légalité externe :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; que la décision en litige vise les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien susvisé, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle comporte également l'énoncé des circonstances de fait qui en constituent le fondement ; que, contrairement à ce que soutient M.C..., le préfet de police a examiné sa situation au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'arrêté est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

Sur le refus de renouvellement du titre de séjour :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 susvisé : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 4. Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins (...) " ;

8. Considérant que, pour les motifs énoncés au point 3 du présent arrêt, M.C..., qui n'exerce pas l'autorité parentale à l'égard de sa fille ainée, de nationalité française et qui ne justifie pas avoir subvenu, même partiellement aux besoins de celle-ci avant la date d'intervention de l'arrêté attaqué, n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien susvisé ;

9. Considérant en deuxième lieu qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus " ;

10. Considérant que M. C...soutient qu'il vit en concubinage avec une compatriote depuis janvier 2014, qu'il a trois enfants sur le territoire français, et qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit aux points 3 et 8, il ne démontre pas participer à l'éducation et à l'entretien de son enfant né de son mariage avec une ressortissante française ; qu'en outre, si la réalité de la vie commune avec sa concubine, mère de ses deux plus jeunes enfants, n'est pas contestée, elle présente un caractère récent ; que, de surcroît, rien ne s'oppose à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, sa compagne et leurs deux enfants étant de nationalité algérienne ; qu'enfin, M. C...n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de trente-et-un ans ; que, dans ces conditions, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'a pas davantage entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes des stipulations l'article 16 de convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. 2. L'enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes " ;

12. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du préfet de police du 9 mai 2016, constituerait une immixtion arbitraire ou illégale dans la vie privée et familiale de ses enfants contraire aux stipulations précitées de l'article 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 9 mai 2016 ; qu'en conséquence, les conclusions à fins d'injonction présentées en première instance par M.C..., ainsi que celles qu'il a présentées en première instance et devant la Cour, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1619322/1-1 du 22 février 2017 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à M. A...C....

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 13 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- Mme Labetoulle, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 mars 2018.

Le rapporteur,

M-I. LABETOULLELe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

T. ROBERT

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA01389


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA01389
Date de la décision : 27/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : HAMOT

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-27;17pa01389 ?
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