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29/03/2018 | FRANCE | N°17PA00392

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 29 mars 2018, 17PA00392


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a maintenu à la maison centrale de Clairvaux et a refusé ainsi le changement d'affectation qu'il avait sollicité.

Par jugement n° 1512492 du 29 novembre 2016 le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 janvier 2017, M. D..., représenté par MeC..., demande à

la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1512492 du 29 novembre 2016 du tribunal administrati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a maintenu à la maison centrale de Clairvaux et a refusé ainsi le changement d'affectation qu'il avait sollicité.

Par jugement n° 1512492 du 29 novembre 2016 le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 janvier 2017, M. D..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1512492 du 29 novembre 2016 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 5 mai 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, l'a maintenu à la maison centrale de Clairvaux et a refusé ainsi le changement d'affectation qu'il avait sollicité ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une dénaturation des faits, d'une erreur de droit, d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations des articles 6 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public.

1. Considérant que, M.D..., ressortissant espagnol, né le 13 février 1976, a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle, assortie d'une période de sûreté de sept ans et six mois pour des faits de terrorisme, affecté à la maison centrale de Clairvaux, dans l'Aube, a demandé à être affecté au centre pénitentiaire de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées ; que cette demande de changement d'affectation a été refusée par une décision du garde des sceaux, ministre de la justice en date du 5 mai 2015, dont l'intéressé a demandé l'annulation au tribunal administratif de Paris ; que, ce tribunal ayant rejeté sa demande par un jugement du 29 novembre 2016, M. D...en relève appel devant la Cour ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 717 du code de procédure pénale : " Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. / Les condamnés à l'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à deux ans peuvent, cependant, à titre exceptionnel, être maintenus en maison d'arrêt et incarcérés, dans ce cas, dans un quartier distinct, lorsque des conditions tenant à la préparation de leur libération, leur situation familiale ou leur personnalité le justifient. Peuvent également, dans les mêmes conditions, être affectés, à titre exceptionnel, en maison d'arrêt, les condamnés auxquels il reste à subir une peine d'une durée inférieure à un an. " ; qu'aux termes de l'article D. 70 du même code : " Les établissements pour peines, dans lesquels sont reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs, les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées (...) " ;

3. Considérant que le régime de la détention en établissement pour peines, qui constitue normalement le mode de détention des condamnés, se caractérise, par rapport aux maisons d'arrêt, par des modalités d'incarcération différentes et, notamment, par l'organisation d'activités orientées vers la réinsertion ultérieure des personnes concernées et la préparation de leur élargissement ; qu'ainsi, eu égard à sa nature et à l'importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de changement d'affectation d'une maison centrale, établissement pour peines, à une maison d'arrêt constitue un acte administratif susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir et non une mesure d'ordre intérieur ; qu'il en va autrement des décisions d'affectation consécutives à une condamnation, des décisions de changement d'affectation d'une maison d'arrêt à un établissement pour peines ainsi que des décisions de changement d'affectation entre établissements de même nature, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus ; que doivent être regardées comme mettant en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus les décisions qui portent à ces droits et libertés une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à leur détention ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que le requérant soutient que la décision contestée porte une atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale qui excède les contraintes inhérentes à sa détention ; qu'il fait valoir que son affectation à la maison centrale de Clairvaux le maintient éloigné de plus de 1 000 kilomètres de sa famille qui réside en Espagne, et notamment de sa mère âgée de 65 ans qui ne peut lui rendre visite en raison de son état de santé, et alors qu'il n'a pas d'enfants ; que, toutefois, la décision attaquée n'a pas pour effet d'interdire au requérant de recevoir des visites de proches, et, notamment de sa compagne, ni, au demeurant, d'empêcher ces visites ; qu'il fait d'ailleurs état de son mariage avec cette dernière le 4 mars 2016 ; que, par suite, le moyen de M. D...tiré de ce que la décision attaquée porte une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à sa détention au droit au respect de sa vie privée et familiale qu'il tire des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Tout accusé a droit, notamment, à (...) b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; / c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent (...) " ; que le requérant soutient que la décision contestée porte une atteinte à son droit au respect du principe des droits de la défense qui excède les contraintes inhérentes à sa détention ; que, toutefois, la seule circonstance que, par la décision attaquée, M. D...se trouve éloigné géographiquement des avocats qu'il a choisis et avec lesquels il peut communiquer et correspondre, ne suffit pas à établir que la décision attaquée porterait au droit qu'il tire de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte qui excède les contraintes inhérentes à sa détention ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la décision attaquée ne met pas en cause les libertés et les droits fondamentaux de M. D...s ; que, dans ces conditions, elle constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de recours ; que les moyens articulés par le requérant à son encontre, et tirés de l'erreur de fait, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent ainsi qu'être être écartés ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a rejeté, comme irrrecevable, sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 mai 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice l'a affecté à la maison centrale de Clairvaux ; qu'il y a donc lieu de rejeter sa requête en toutes ses conclusions, y compris celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que l'État n'est pas la partie perdante dans l'instance ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (premier alinéa) et R. 222-6 (premier alinéa) du code de justice administrative,

- M. Legeai, premier conseiller,

- Mme Nguyên Duy, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 29 mars 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAI Le président,

S. DIÉMERT Le greffier,

M. B...La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

17PA00392


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA00392
Date de la décision : 29/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-01-02-03 Procédure. Introduction de l'instance. Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours. Actes ne constituant pas des décisions susceptibles de recours. Mesures d'ordre intérieur.


Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. ROMNICIANU
Avocat(s) : ROUGET ARANIBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-03-29;17pa00392 ?
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