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26/06/2018 | FRANCE | N°17PA03211

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 26 juin 2018, 17PA03211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les décisions en date du 11 août 2016 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 1700314/1-2 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a reje

té sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir les décisions en date du 11 août 2016 par lesquelles le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois.

Par un jugement n° 1700314/1-2 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 octobre 2017, M. D... B..., représenté par Me A... Kornman, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1700314/1-2 du tribunal administratif de Paris du 23 mai 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir d'une part l'arrêté du 11 août 2016 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination, d'autre part, de l'arrêté du même jour par lequel il lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale" ou "salarié" dans le mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de retirer son signalement dans le "système d'information Schengen", dans le même délai ;

5°) d'enjoindre au préfet de police, sous astreinte, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Kornman sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire, rédigée de manière stéréotypée, n'est pas suffisamment motivée ;

- sa situation personnelle n'a pas été examinée ;

- il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations en violation du droit de l'Union Européenne ;

- en particulier, le préfet n'a pas justifié de son audition par les services de police ;

- l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'était pas inopérant ;

- il devait obtenir de plein droit un titre de séjour sur ce fondement et ne pouvait faire dès lors l'objet d'une obligation de quitter le territoire ;

- compte tenu de l'ancienneté de son séjour et des mauvais traitements infligés par son employeur, la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- l'obligation de quitter le territoire, qui le prive de la possibilité de défendre sa cause contre son employeur, porte atteinte au droit au procès équitable ;

- l'obligation de quitter le territoire porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- la décision fixant le pays de destination n'est pas suffisamment motivée ;

- elle n'a pas fait l'objet d'un examen personnalisé ;

- la procédure contradictoire et le droit d'être entendu n'ont pas été respectés ;

- il est exposé à des traitements inhumains et dégradants en méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté lui interdisant de revenir pendant deux ans n'est pas suffisamment motivé ;

- il est illégal en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;

- en l'absence de menace pour l'ordre public, compte tenu de la durée de son séjour et du contentieux l'opposant à son employeur, il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 février 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2017/026109 du 11 septembre 2017 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République sénégalaise relatif à la gestion concertée des flux migratoires, signé le 23 septembre 2006, et l'avenant à cet accord, signé le 25 février 2008, et notamment son annexe IV dressant la liste des métiers ouverts aux ressortissants sénégalais sans opposition de la situation de l'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bernier, président-assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.B..., ressortissant sénégalais né le 1er janvier 1982, a été interpellé puis placé en garde à vue le 10 août 2016 pour des faits de détention et usage de faux documents ; que, par deux décisions du 11 août 2016, le préfet de police d'une part lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination, et d'autre part a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de vingt-quatre mois ; que M. B...relève appel du jugement du 23 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que M. B...soutenait dans un mémoire enregistré au tribunal le 6 janvier 2017 que le préfet avait commis une erreur manifeste d'appréciation en prononçant à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire ; que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ce moyen qu'il avait visé ; que le requérant est dès lors fondé à soutenir que le jugement attaqué est irrégulier ; qu'ainsi, et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité, il doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions à fin d'annulation des arrêtés du 11 août 2016 :

4. Considérant que par un arrêté n° 2016-00956 du 13 juillet 2016, régulièrement publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 22 juillet 2016, le préfet de police a donné à M.C..., signataire des arrêtés attaqués, délégation à l'effet de signer les décisions en matière de police des étrangers, dans la limite de ses attributions ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions contestées manque en fait ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant que l'arrêté du 11 août 2016 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'il précise en effet que M. B...est dépourvu de titre de voyage, qu'il ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, qu'il est dépourvu de titre de séjour et qu'il n'est pas porté dans les circonstances propres au cas d'espèce d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que l'arrêté n'avait pas à viser le procès-verbal d'audition à laquelle la police avait procédée pendant sa garde à vue ; qu'ainsi, alors même que certaines mentions sont rédigées avec des formules stéréotypées, cet arrêté répond aux exigences de motivation des actes administratifs prévues par les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation du requérant avant de prendre la décision contestée ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable " ;

8. Considérant que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour ; qu'il n'implique pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français ou sur la décision le plaçant en rétention dans l'attente de l'exécution de la mesure d'éloignement, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement ; que M. B...a pu présenter ses observations, lesquelles ont été consignées dans un procès-verbal d'audition n° 2016/12893 du 10 août 2017 établi par la police à la suite de son interpellation ; que le requérant à alors fourni toutes les indications utiles sur les circonstances de son entrée en France, sur sa situation de famille, et ses conditions d'existence sur le territoire ; que dès lors qu'il avait admis être dépourvu de titre de séjour et que les documents dont il se prévalait étaient falsifiés, il ne pouvait sérieusement ignorer que l'irrégularité de sa situation l'exposait à une mesure de renvoi dans son pays d'origine ; qu'il n'est ni établi, ni même allégué, que M. B...aurait disposé d'autres informations tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration avant que ne soit prise à son encontre la mesure d'éloignement contestée et qui, si elles avaient pu être communiquées à temps, auraient été de nature à faire obstacle à l'édiction d'une telle mesure ; qu'ainsi, le droit de M. B...à être entendu et le caractère contradictoire de la procédure, garanti par les dispositions citées au point précédent et par le droit de l'Union Européenne, n'ont pas été méconnus ;

9. Considérant que M. B...n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire la violation des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne portent que sur la délivrance de titres de séjour ;

10. Considérant qu'aux termes du premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) " ;

11. Considérant que si M. B...soutient que la plainte pénale qu'il a déposée contre son employeur nécessite sa présence sur le territoire français, le dépôt de cette plainte, formalisée par le procès-verbal n° 2016-012963 enregistré le 11 août 2016 à 16h15, est postérieur à la notification de l'arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire intervenue le même jour à 13h45 ; qu'il ne fournit aucune indication sur les suites que l'autorité judiciaire a entendu réserver à cette plainte ni sur les procédures en cours qui appelleraient de nouveaux témoignages ou sa comparution ; que, la mesure d'éloignement qui ne fait pas obstacle à ce que le requérant, s'il était dans l'impossibilité de revenir en France muni d'un visa de court séjour, se fasse représenter par son conseil ou toute autre personne, ne peut être regardée comme portant atteinte au droit de l'intéressé à se défendre personnellement dans les instances auxquelles il serait partie ; qu'ainsi l'arrêté du 11 août 2016 n'a pas été pris en méconnaissance des stipulations citées au point précédent relatives au droit au procès équitable ;

12. Considérant que la femme et les six enfants de M. B...résident au Sénégal ; qu'il ne justifie pas les attaches personnelles et l'intensité des liens sociaux ni l'insertion professionnelle dont il fait état ; qu'il a indiqué lors de son audition par les services de police être sans domicile fixe, sans profession, et dépourvu de ressources ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, en obligeant M. B...à quitter le territoire, le préfet de police n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise et n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant que M.B..., qui déclare être entré en France en novembre 2012 et s'être maintenu en situation irrégulière depuis lors, n'a jamais sollicité de titre de séjour ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il ne justifie d'aucune insertion sociale ou de liens affectifs en France ; qu'il travaille dans des conditions irrégulières comme plongeur de restaurant ; que si M B... soutient que son dernier employeur l'aurait exploité financièrement après avoir appris que les documents dont il se prévalait était falsifiés, cette seule circonstance, à la supposer établie ne saurait entacher d'erreur manifeste d'appréciation l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision faisant obligation à M. B...de quitter le territoire doivent être rejetées ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

15. Considérant que la décision fait état de la nationalité sénégalaise de M. B...et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'elle est suffisamment motivée ;

16. Considérant que M. B...n'a pas fait état lors de son audition par les services de police le 10 août 2016 de circonstance qui ferait obstacle à un retour au Sénégal, ni de risques particuliers auxquels il serait exposé ; que le moyen tiré de ce qu'il n'aurait pas été mis en mesure de présenter ses observations et qu'il aurait été privé du bénéfice d'une procédure contradictoire doit être écarté ; que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été, dès lors, méconnues ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination doivent être rejetées ;

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

18. Considérant qu'aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " L'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 96 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990. (...) Lorsqu'un délai de départ volontaire a été accordé à l'étranger obligé de quitter le territoire français, l'autorité administrative peut prononcer l'interdiction de retour, prenant effet à l'expiration du délai, pour une durée maximale de deux ans à compter de sa notification.(...) L'interdiction de retour et sa durée sont décidées par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. " ;

19. Considérant qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux ; que la décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs ; que si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère ;

20. Considérant que l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour doit faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet ; qu'elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace ; qu'en revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément ;

21. Considérant que la décision contestée vise le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle relève que M. B...a déclaré être entré en France depuis le 6 novembre 2012, qu'il était célibataire et que ses six enfants à charge vivent au Sénégal, son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et qu'ainsi il ne pouvait être regardé comme se prévalant de lien suffisamment anciens, forts et caractérisés avec la France, qu'enfin M.B..., qui n'avait pas déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement représentait cependant une menace pour l'ordre public en raison de la détention et de l'usage de faux documents administratifs ; qu'ainsi, il n'était pas porté une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale de l'intéressé ; que le préfet de police a ainsi rappelé les dispositions applicables à la situation de M. B...et exposé les circonstances de fait qu'il a retenues pour prononcer sa décision d'interdiction de retour ; qu'il a par conséquent suffisamment motivé cette décision au regard des exigences du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

22. Considérant les conclusions tenant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été rejetées, M. B...n'est pas fondé à invoquer l'illégalité de cette décision pour obtenir l'annulation de la décision d'interdiction de retour ;

23. Considérant que l'entrée en France de M. B... est récente, qu'il ne justifie pas d'attaches particulières ni d'une insertion particulière en France où il n'a pas sollicité la régularisation de sa situation au séjour ; que sa femme et ses six enfants résident au Sénégal ; que, dans ces conditions, et alors même que contrairement à ce qu'a estimé le préfet de police, l'usage par l'intéressé de faux documents administratifs ne suffit pas, à lui seul et en l'absence d'autres éléments concernant sa personnalité ou son comportement, à faire regarder la présence de celui-ci sur le territoire national comme constituant une menace pour l'ordre public, l'interdiction de retour en France pendant deux ans n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

24. Considérant, enfin, que compte tenu des éléments précédemment rappelés, notamment au point 12 du présent arrêt, cette décision ne méconnait pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation de la mesure d'interdiction de retour doivent être rejetées ; qu'en tout état de cause, les dispositions du dernier alinéa du III de l'article L. 511-1 du code précité donnent à l'intéressé la faculté de solliciter l'abrogation de plein droit de cette mesure de police administrative dès son retour dans son pays d'origine ;

26. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 11 août 2016 doivent être rejetées ; que les conclusions aux fins d'injonction et les conclusions présentées par l'avocat de M. B...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700314 du tribunal administratif de Paris du 23 mai 2017 est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. B...sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par Me Kornman, avocat de M.B..., sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Me Kornman, avocat de M.B.... Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 26 juin 2018.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N°17PA03211


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03211
Date de la décision : 26/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : KORNMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-06-26;17pa03211 ?
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