La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2018 | FRANCE | N°18PA00173

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 27 septembre 2018, 18PA00173


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné.

Par un jugement n° 1719520/8 du 25 décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il refuse à M. D...un délai de départ volontaire et rejeté le surplus des conclu

sions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné.

Par un jugement n° 1719520/8 du 25 décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il refuse à M. D...un délai de départ volontaire et rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2018, M. D..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1719520/8 du 25 décembre 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2017 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis l'a obligé à quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation car il avait effectué des démarches afin de régulariser sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à sa vie de famille et à son intégration en France qui peuvent être appréciées dans les conditions prévues par la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les observations de Me Alaimo, avocat de M. D....

1. Considérant que M.D..., ressortissant camerounais né en octobre 1981, est entré irrégulièrement en France le 9 mars 2015 selon ses déclarations ; que le 18 mars 2017, il s'est marié à Noisy-le-Grand avec une ressortissante ivoirienne titulaire d'un titre de séjour en France ; que le 20 décembre 2017, il a été interpellé en situation irrégulière à l'occasion d'un contrôle de police ; que, le même jour, le préfet de la Seine-Saint-Denis a adopté un arrêté l'obligeant à quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné ; que par un jugement du 25 décembre 2017, le tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté seulement en tant qu'il refuse à M. D...un délai de départ volontaire ; que

M. D...fait appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus des conclusions de sa requête ;

2. Considérant, en premier lieu, que selon les dispositions de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, désormais codifiées à l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, la motivation " doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ; qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée " ; qu'en l'espèce, l'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application, notamment l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il expose les faits qui fondent la décision attaquée, à savoir que M. D...ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, qu'il n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité et se maintient irrégulièrement sur le territoire français ; qu'ainsi, l'arrêté comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui fondent la décision portant obligation de quitter le territoire français ; que contrairement à ce qui est soutenu, l'arrêté énonce également les motifs pour lesquels le préfet a maintenu sa décision d'obliger l'intéressé à quitter le territoire français sans délai malgré les éléments, qu'il rappelle, que M. D... a fait valoir concernant notamment sa situation familiale ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision ne peut qu'être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ; qu'il est constant que M. D...est entré irrégulièrement sur le territoire français et n'était pas, à la date de la décision litigieuse, titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; que si l'intéressé soutient qu'il était convoqué le 23 janvier 2018 à la sous-préfecture du Raincy pour y déposer une demande de titre de séjour, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que le préfet de la Seine-Saint-Denis prenne à son encontre une décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'à la date de l'arrêté attaqué, l'intéressé entrait dans le champ d'application des dispositions précitées ;

4. Considérant, en troisième lieu, que M. D... fait valoir que l'arrêté est entaché d'une erreur de fait puisqu'il mentionne qu'il n'a effectué aucune démarche pour régulariser sa situation, alors qu'il avait indiqué, lors de son audition, être convoqué le 23 janvier suivant à la sous-préfecture du Raincy pour y déposer une demande de titre de séjour ; que toutefois, il est constant qu'à la date de l'arrêté, M.D..., présent en France depuis le 9 mars 2015 comme il est rappelé, n'avait encore déposé aucune demande de titre de séjour permettant que son dossier commence à être instruit ; que dans ces circonstances, à supposer même que la mention selon laquelle il n'avait entrepris aucune démarche en ce sens soit erronée, cette erreur n'a pas eu d'incidence sur la décision de l'obliger à quitter le territoire français qui, comme dit au point 3 ci-dessus, pouvait légalement être prise ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...s'est marié le 18 mars 2017 avec une ressortissante ivoirienne titulaire d'un titre de séjour d'une durée de dix ans valable jusqu'en 2021 ; qu'il justifie d'une vie commune avec son épouse depuis le 10 juin 2016 et venait d'entreprendre des démarches en vue de régulariser sa situation ; que, toutefois, le requérant était marié depuis moins d'un an à la date de l'arrêté litigieux, dépourvu de charges de famille en France et se prévalait uniquement d'une activité professionnelle d'entraineur de volley-ball ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D... serait dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 34 ans ; que, dans ces circonstances et alors que M. D...ne peut utilement se prévaloir des dispositions sans portée réglementaire de la circulaire du 28 novembre 2012, le préfet de la Seine-Saint-Denis a pu lui faire obligation de quitter le territoire français sans porter à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise ; que les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. " ; que M. D... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre d'une décision qui lui fait obligation de quitter le territoire français, de ces dispositions qui ne créent aucun droit à résider en France mais se bornent à prévoir la possibilité d'admettre exceptionnellement au séjour, sur leur demande, les personnes justifiant de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels ; qu'en tout état de cause, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que M. D...ne se trouvait pas dans une telle situation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que sa requête d'appel doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, prenne en charge, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais de procédure qu'il a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 13 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2018.

Le rapporteur,

A. LEGEAILa présidente,

S. PELLISSIERLe greffier,

M. A...La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00173


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00173
Date de la décision : 27/09/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: M. PLATILLERO
Avocat(s) : CABINET PIERRE LUMBROSO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-09-27;18pa00173 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award