La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/10/2018 | FRANCE | N°18PA00478

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 18 octobre 2018, 18PA00478


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1719214/8 du 29 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M. A..., représenté par Me Scalbert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Pari

s n° 1719214/8 du

29 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1719214/8 du 29 décembre 2017, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M. A..., représenté par Me Scalbert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1719214/8 du

29 décembre 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2017 par lequel le préfet de police a décidé de son transfert aux autorités bulgares ;

3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile et un formulaire de demande d'asile afin qu'il puisse saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation au titre de l'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 3.2 du règlement (UE) 604/2013 dès lors qu'il existe des défaillances systémiques en Bulgarie ;

- il risque de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Bulgarie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 avril 2018, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 6 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant afghan, né le 19 janvier 1994, est entré en France après avoir transité notamment par la Bulgarie. Il a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée par le préfet de police le 12 juillet 2017. Ce dernier estimant, à la suite de la consultation du Fichier " Eurodac ", que les autorités bulgares étaient responsables de l'examen de cette demande d'asile, il a saisi celles-ci le 14 septembre 2017 aux fins de prise en charge de l'intéressé. A la suite d'une décision d'acceptation de cette prise en charge intervenue le 28 septembre 2017, le préfet de police a, par un arrêté du 8 décembre 2017, décidé de transférer M. A...vers la Bulgarie. M. A...relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 3 du règlement du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du

16 février 2017, affaire n° C-578/16 PPU : " L'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être interprété en ce sens que : même en l'absence de raisons sérieuses de croire à l'existence de défaillances systémiques dans l'État membre responsable de l'examen de la demande d'asile, le transfert d'un demandeur d'asile dans le cadre du règlement n° 604/2013 ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l'intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de cet article ".

3. En l'espèce, M. A...fait valoir, sans être sérieusement contredit par le préfet, que lors de son passage en Bulgarie il a été fouillé et frappé par des policiers, placé dans une pièce sans nourriture, sans eau et sans sanitaires, qu'il a ensuite été emmené au camp d'Elhovo où il est resté pendant deux mois et quinze jours et où il a fait l'objet de violences, avant d'être transféré dans un autre lieu de rétention, où il est resté treize jours dans une cellule sans plafond avec cent autres personnes, avant d'être à nouveau transféré au camp d'Elhovo où les autorités bulgares ont tenté de lui faire signer une acceptation de retour vers son pays d'origine puis l'ont transféré au commissariat où ses empreintes, son nom et son état civil ont été relevés. Sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de ce qu'il y aurait de sérieuses raisons de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs en Bulgarie, il apparait que le transfert de M. A...dans ce pays est susceptible d'entrainer un risque qu'il y subisse à nouveau des traitements inhumains et dégradants.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 8 décembre 2017 ordonnant son transfert aux autorités bulgares.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ". Le présent arrêt implique nécessairement, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au préfet de police de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A...et de statuer à nouveau sur son cas, dans un délai qu'il y a lieu de fixer, dans les circonstances de l'espèce, à un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de justice :

6. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sous réserve que Me Scalbert, avocat de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Scalbert de la somme de 1 500 euros.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris n° 1719214/8 du 29 décembre 2017 et l'arrêté du 8 décembre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de police délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. A...et de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Scalbert, avocat de M.A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Scalbert, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d'Argenlieu, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 octobre 2018.

Le rapporteur,

P. HAMONLe président,

B. EVEN

Le greffier,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA00478


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00478
Date de la décision : 18/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Perrine HAMON
Rapporteur public ?: Mme ORIOL
Avocat(s) : SCALBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-10-18;18pa00478 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award