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20/11/2018 | FRANCE | N°17PA03349

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 20 novembre 2018, 17PA03349


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2016 en tant que le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1608570/3 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2017, M. C...A..., représenté par Me B... demande à la Cour :

1°) d'annuler

ce jugement ;

2°) d'annuler le refus de délivrance du titre de séjour et l'obligation de quitter le terr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 3 octobre 2016 en tant que le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.

Par un jugement n° 1608570/3 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 octobre 2017, M. C...A..., représenté par Me B... demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler le refus de délivrance du titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire du 3 octobre 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne, dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le préfet n'a pas fondé sa décision sur l'existence d'un trouble à l'ordre public, motif retenu par le tribunal pour rejeter sa demande ;

- la motivation de l'arrêté est insuffisante ;

- l'arrêté est fondé sur un élément inexact, son épouse de nationalité roumaine n'étant pas en situation irrégulière ;

- il est l'époux d'une ressortissante de l'Union Européenne, père d'un enfant de nationalité roumaine, il réside en France depuis dix-sept ans et exerce une activité professionnelle ;

- les infractions pénales anciennes ne suffisent pas à établir qu'il constitue une menace pour l'ordre public ;

- l'arrêté porte atteinte à son droit à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article

L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il porte atteinte aux intérêts supérieurs de leur enfant garanti par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale signée à New York le 26 janvier 1990, relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bernier a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant moldave né le 5 décembre 1980, entré en France en 1999 selon ses déclarations, a présenté, le 19 janvier 2016, une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par un arrêté du 3 octobre 2016, le préfet du Val-de-Marne a refusé de l'autoriser à séjourner en France, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen pour la même durée ; que M. A...relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté en tant qu'il lui avait refusé un titre de séjour et lui avait fait obligation de quitter le territoire ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que pour refuser à M. A...la délivrance d'un titre de séjour, le préfet du Val-de-Marne s'est fondé, certes à titre subsidiaire, sur les multiples condamnations dont il avait fait l'objet ; qu'il en a par ailleurs déduit pour justifier l'interdiction de retour d'une durée de deux ans dont était assortie l'obligation de quitter le territoire français, que " son comportement constituait une menace pour l'ordre public " ; qu'il est revenu sur ces éléments dans son mémoire en défense en première instance ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Melun, en se fondant sur la menace à l'ordre public que constituerait sa présence, aurait procédé à une substitution de motif dans des conditions irrégulières ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

3. Considérant que l'arrêté vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application ainsi que les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour rejeter la demande présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Val-de-Marne a retenu en premier lieu que la résidence habituelle en France de M. A...n'était pas établie par des documents probants pour les années antérieures à 2014, en second lieu que son épouse, de nationalité moldave était en situation irrégulière, en troisième lieu que la seule production de fiches de paie et d'un contrat de travail portant sur un poste de chef de chantier ne saurait constituer un motif exceptionnel justifiant la régularisation de sa situation et qu'enfin il avait fait l'objet de plusieurs condamnations ; qu'ainsi, l'arrêté, qui comporte les circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivé ;

4. Considérant que si MmeA..., née en Moldavie, a la nationalité moldave, le requérant justifie par la production du titre d'identité de son épouse qu'elle a également la nationalité roumaine ; qu'en vertu de l'article L. 121 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tout citoyen de l'Union européenne a le droit de séjourner en France s'il satisfait à l'une des conditions posées à cet article ; que c'est donc à tort que le préfet de Seine-et-Marne a inféré de la simple circonstance que Mme A...avait la nationalité moldave que celle-ci était nécessairement en situation irrégulière ; que cependant cette erreur factuelle qui entache la motivation de l'arrêté n'est pas de nature à révéler en elle-même et à elle seule un défaut d'examen personnel et approfondi de la situation de M. A...qui n'établit pas, et d'ailleurs ne soutient pas, avoir porté à la connaissance de l'administration que son épouse avait également la nationalité roumaine ; que cette erreur de fait n'a pas été de nature à influer sur le refus de titre de séjour qui n'avait pas été sollicité en qualité de conjoint d'un ressortissant de l'Union européenne, mais au titre des considérations humanitaires et des motifs exceptionnels dont il faisait état, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut- être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) " ;

6. Considérant qu'en présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " ; que dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi ; qu'il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger, ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour ;

7. Considérant que la seule circonstance que M. A...a épousé en 2013 une ressortissante roumaine et que de leur union un enfant est né en 2014 ne constitue pas une considération humanitaire de nature à lui valoir une admission exceptionnelle au séjour ; que les bulletins de paie et les documents fiscaux produits ne permettent d'établir la résidence permanente et continue en France du requérant qu'à partir de 2014 ; que si l'extrait de casier judiciaire produit par l'administration fait état de plusieurs condamnations à des peines d'emprisonnement, notamment pour vol, prononcées en 2001, puis en 2004, cette dernière étant assortie d'une interdiction du territoire français pendant trois ans, puis à nouveau en 2007 et en 2008, cette nouvelle condamnation étant à nouveau assortie d'une interdiction du territoire français de trois ans, ces éléments ne permettent pas de tenir pour établis les dix-sept années de résidence continue en France allégués par M. A...; qu'enfin la circonstance que M. A...est titulaire d'un diplôme d'ouvrier qualifié dans le bâtiment et qu'il a fondé avec son épouse la SARL BAT qui l'emploie ne constitue pas un motif exceptionnel susceptible de justifier une admission exceptionnelle au séjour ; que, dans ces conditions, en refusant de délivrer à M. A...un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Val-de-Marne n'a pas entaché son appréciation d'erreur manifeste ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que si M. A...a épousé en France le 12 octobre 2013 une ressortissante roumaine et si un enfant est né le 14 novembre 2014, il ne justifiait à la date de la décision attaquée que de trois années de vie commune ; qu'il ne justifie son intégration dans la société française que par la production de bulletins de salaire ; qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et sa soeur ; qu'eu égard notamment à la mauvaise conduite de l'intéressé qui lui a valu des condamnations répétées pour vol par les juridictions pénales françaises entre 2001 et 2008, et en 2015 une dernière condamnation pour conduite d'un véhicule sans permis et en état d'ivresse, l'arrêté contesté n'a pas porté en l'espèce au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; que le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article

L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui au demeurant ne fondait pas la demande de régularisation au séjour de M.A..., doit être écarté pour les mêmes motifs ; que le préfet du Val-de-Marne n'a pas davantage, dans les circonstances particulières de l'espèce, commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle de l'intéressé ;

10. Considérant qu'aux termes qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions politiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

11. Considérant que M.A..., qui se borne à invoquer le bénéfice des stipulations précitées, ne justifie pas en quoi elles auraient été méconnues ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M.A..., n'appelle, par lui-même, aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par le requérant doivent être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise pour information au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

- M. Bouleau, premier vice-président,

- M. Bernier, président assesseur,

- Mme Pena, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 20 novembre 2018.

Le rapporteur,

Ch. BERNIERLe président,

M. BOULEAU

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 10PA03855

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N°17PA03349


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03349
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme DELAMARRE
Avocat(s) : MBAYE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2018-11-20;17pa03349 ?
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