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10/01/2019 | FRANCE | N°17PA03635

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 10 janvier 2019, 17PA03635


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., détenu au centre de détention de Tarascon, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er mars 2016 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de prononcer son transfert vers un établissement plus proche du pays basque.

Par un jugement n° 1606779/6-3 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2017 et des mémoires com

plémentaires enregistrés les 8 juin 2018 et 9 novembre 2018, M.B..., représenté par Me C...,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B..., détenu au centre de détention de Tarascon, a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 1er mars 2016 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de prononcer son transfert vers un établissement plus proche du pays basque.

Par un jugement n° 1606779/6-3 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2017 et des mémoires complémentaires enregistrés les 8 juin 2018 et 9 novembre 2018, M.B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1606779/6-3 du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 1er mars 2016 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a refusé de prononcer son transfert vers un autre établissement pour peines ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 1er mars 2016 méconnaît les stipulations de l'article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a d'ailleurs obtenu par une décision du 12 avril 2018, exécutée le 14 juin 2018 et prise afin de le rapprocher de sa famille, son transfert vers le centre de détention de Mont-de-Marsan.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 décembre 2018, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. B...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Legeai,

- et les conclusions de Mme Nguyên Duy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., interpellé le 25 juillet 2008 et écroué depuis lors, a été condamné en octobre 2008, novembre 2012, juin 2013 et octobre 2013, à un total de dix-neuf années d'emprisonnement pour, notamment, terrorisme, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire suivi de libération avant le septième jour et participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme. Libérable en 2024, il était incarcéré depuis le 16 septembre 2014 au centre de détention de Tarascon quand il a demandé, par courrier du 2 septembre 2015, à être transféré dans un établissement plus proche du pays basque espagnol où réside sa famille, par exemple le centre pénitentiaire de Mont-de-Marsan, la maison centrale de Lannemezan ou la maison centrale de Saint-Martin de Ré. M. B... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er mars 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de procéder à ce changement d'affectation.

2. M. B...soutient que la décision du 1er mars 2016 a porté une atteinte disproportionnée à son droit à sa vie privée et familiale, dès lors qu'il pouvait être affecté dans un établissement plus proche du pays basque, comme il l'a d'ailleurs obtenu par une décision du 12 avril 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice, décidant de l'affecter au centre de détention de Mont-de-Marsan, décision exécutée le 14 juin 2018.

3. D'une part, l'article 717 du code de procédure pénale dispose : " Les condamnés purgent leur peine dans un établissement pour peines. (...) ". L'article D. 70 du même code dispose : " Les établissements pour peines, dans lesquels sont reçus les condamnés définitifs, sont les maisons centrales, les centres de détention, les centres de semi-liberté et les centres pour peines aménagées (...) ". Aux termes de l'article D. 82 du code de procédure pénale : " L'affectation peut être modifiée soit à la demande du condamné, soit à la demande du chef de l'établissement dans lequel il exécute sa peine (...) L'affectation ne peut être modifiée que s'il survient un fait ou un élément d'appréciation nouveau ".

4. D'autre part, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

5. M. B... a été affecté au centre pénitentiaire de Tarascon, établissement correspondant à son profil pénitentiaire et pénal, le 16 septembre 2014. Le garde des sceaux, ministre de la justice, a donc pu, sans erreur de fait eu égard à la durée de la peine restant à exécuter, indiquer le 1er mars 2016 que l'affectation de l'intéressé à Tarascon était " récente ". A l'appui de sa demande de changement d'affectation, M. B... a fait valoir les difficultés qu'éprouvaient sa famille et ses amis à lui rendre visite, notamment ses parents, âgés à la date de la décision attaquée de 67 et 65 ans et souffrant tous les deux de cancers, dont un diagnostiqué chez son père en février 2015. Il soutient notamment qu'alors que les parloirs ne durent qu'une heure au centre pénitentiaire de Tarascon, ses parents doivent pour s'y rendre depuis Hernani, située à environ 675 kilomètres, effectuer, aller-retour, 13 heures de route, alors qu'ils souffrent de très graves problèmes de santé, établis par les certificats médicaux produits au dossier, et que leurs visites mensuelles, qui nécessitent de passer une nuit sur place, constituent en outre une charge financière importante eu égard à leurs ressources. Pour justifier sa décision, le garde des sceaux s'est prévalu en défense de l'affectation récente de l'intéressé à Tarascon, du manque de place dans les établissements demandés et des problèmes de sécurité que poserait le regroupement dans les quelques établissements proches du pays basque des nombreux détenus condamnés pour terrorisme. Dans ces conditions et alors que, en dépit de l'éloignement et du coût, il ressort des pièces du dossier que les visites des parents de M. B...sont restées possibles et régulières, le garde des sceaux a pu, sans porter une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des motifs pour lesquels cette décision a été prise, refuser le 1er mars 2016 le changement d'affectation demandé. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

6. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas partie perdante, prenne en charge les frais de procédure sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 13 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

- Mme Pellissier, présidente de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Legeai, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2019.

Le rapporteur,

A. LEGEAI La présidente,

S. PELLISSIER Le greffier,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au garde des Sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 17PA03635


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 17PA03635
Date de la décision : 10/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme NGUYÊN-DUY
Avocat(s) : ROUGET ARANIBAR

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-01-10;17pa03635 ?
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