La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/03/2019 | FRANCE | N°18PA02232

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 08 mars 2019, 18PA02232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 février 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour temporaire et de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1804839/1-1 du 13 juin 2018, le Tri

bunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... E...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'une part, d'annuler l'arrêté du 28 février 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en fixant son pays de destination, d'autre part, d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour temporaire et de procéder au réexamen de sa situation.

Par un jugement n° 1804839/1-1 du 13 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 juin 2018, M. E..., représenté par MeC..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 13 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 février 2018 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et d'examiner la situation de M. E... sur le fondement de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige est entaché d'incompétence de son signataire ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il a été pris en méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a été pris en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 1er février 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- et les observations de M.E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant tunisien né le 2 novembre 1967, est entré en France le 5 juin 2012 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa " Etats Schengen ". Il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 28 février 2018, le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français en fixant son pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 13 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fins d'annulation :

2. En premier lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte. Il y a donc lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). " et aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. M. E... soutient, en deuxième lieu, que le préfet de police n'a pas suffisamment motivé son arrêté, notamment en n'employant que des formules stéréotypées et générales et en n'apportant pas de précisions sur sa maladie. Toutefois, l'arrêté contesté, après avoir visé les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne que M. E... a sollicité son admission au séjour dans le cadre des dispositions de l'article L. 313-11 11° du code précité, que le collège des médecins de l'Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII) a estimé le 11 décembre 2017 qu'il ne remplissait pas les conditions prévues à cet article, qu'il se déclare célibataire, sans charge de famille en France, que la circonstance que sa soeur de nationalité française réside en France ne lui confère pas un droit au séjour, qu'il ne justifie pas être démuni d'attaches à l'étranger et qu'enfin, il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. L'arrêté en litige, qui n'avait pas à préciser la situation médicale du requérant, dès lors que le secret médical interdisait au médecin de révéler au préfet des informations sur la pathologie de l'intéressé, énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de police a fondé sa décision. Dès lors, la décision litigieuse est suffisamment motivée au regard des exigences des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. E....

6. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 susvisé : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". " et aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...). ".

7. M. E... soutient, en quatrième lieu, qu'il souffre d'un diabète de type II, de complications rétiniennes liées à son diabète ainsi que d'une déficience intellectuelle sévère et que l'arrêté contesté méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, aux motifs que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié contre la diabète est indisponible dans son pays d'origine, la Tunisie. Il ressort, toutefois, des pièces du dossier que par un avis du 11 décembre 2017, le collège des médecins de l'OFII a considéré que si l'état de santé de M. E... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, d'un traitement approprié. Les certificats médicaux établis les 27 avril, 8 juillet et 21 octobre 2015 par le docteur B...chef de clinique dans le service d'ophtalmologie de l'hôpital Lariboisière se bornent à indiquer la pathologie de M. E... et la nécessité d'un suivi médical régulier. Les certificats établis entre 2014 et 2018 par des praticiens hospitaliers, s'ils confirment cette nécessité, ne précisent pas dans quelle mesure la prise en charge médicale du diabète de l'intéressé dans son pays d'origine serait impossible. Par ailleurs, si le requérant produit des attestations du docteurD..., psychiatre faisant état d'une psychose ancienne et sévère chez M. E... et de la nécessité d'un maintien en France lié à sa dépendance affective, ils ne permettent pas d'établir l'absence de traitement disponible en Tunisie dont cette pathologie mentale relèverait le cas échéant. Enfin, les documents d'ordre général produits par M. E..., consistant en un article de presse et un article de la société Sanofi, ne permettent pas davantage de remettre en cause l'avis médical précité du 11 décembre 2017 dès lors, notamment, que le préfet a produit devant le tribunal administratif, la liste d'établissements spécialisés susceptibles d'assurer le suivi médical de M. E... en Tunisie. Enfin, si ce dernier soutient que la gravité de son état de santé constitue une circonstance humanitaire exceptionnelle justifiant son admission au séjour, il ne ressort pas de la lettre de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de la loi du 7 mars 2016 n° 2016-274, qu'une telle circonstance constitue un critère de délivrance d'un titre de séjour " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance de L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. E... fait valoir, en cinquième lieu, qu'il réside en France régulièrement depuis son entrée sur le territoire en 2012, que ses parents sont décédés et qu'il ne dispose d'aucune attache en Tunisie, sa seule famille étant sa soeur, ressortissante française qui l'héberge depuis son arrivée en France en 2012 et que le préfet aurait dû prendre en compte son degré de dépendance familiale que la dégradation de son état de santé avait induit, son autonomie insuffisante pour retourner en Tunisie et la circonstance qu'il est intégré à la société française comme en atteste son contrat d'intégration républicaine. Toutefois, M. E... ne démontre pas l'absence d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 44 ans ni une intégration sociale ou professionnelle en France. Le requérant n'établit pas davantage sa dépendance ni la gravité de son état de santé mental. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, l'arrêté litigieux n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision en litige n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle du requérant.

Sur les autres conclusions :

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 15 février 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 8 mars 2019.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

M. HEERSLe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02232
Date de la décision : 08/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : HIMEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 19/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-03-08;18pa02232 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award