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01/04/2019 | FRANCE | N°18PA02735

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 avril 2019, 18PA02735


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1808282 du 29 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 10 janvier 2019, le préfet de police demande à

la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1808282 du 29 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 8 août 2018 et un mémoire en réplique enregistré le 10 janvier 2019, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif par M. A....

Il soutient que :

- il n'a pas méconnu l'article 4 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 car il a remis à M. A... les brochures dans une langue dont il pouvait raisonnablement penser qu'il la comprenait ;

- il n'a pas méconnu les dispositions des articles 5, 10 et 17 du règlement précité ;

- l'arrêté n'est pas entaché de l'incompétence de son signataire ;

- l'arrêté n'est pas dépourvu de motivation au sens des articles L. 742-1 et L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations sur la décision de remise aux autorités italiennes de sorte que les dispositions de l'article L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;

- l'Italie ne présente pas des risques systémiques dans sa procédure d'asile ;

- l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le fait que la décision de transfert soit devenue caduque postérieurement à l'arrêté en litige est sans incidence sur la légalité de l'arrêté décidant le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2018, M. A..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement attaqué. Il demande qu'il soit enjoint au préfet de police d'enregistrer la demande d'asile de M. A...et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans un délai d'une semaine sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B...au titre des articles L. 761-1 code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que la décision de transfert est caduque et que le présent recours est sans objet. Il soutient également que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées le 5 février 2019, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la légalité de la décision de transfert qui est devenue caduque dès lors que le jugement a été lu depuis plus de six mois.

M. C...A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 26 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Heers a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant sénégalais né le 18 mars 1990, a fait l'objet d'un arrêté en date du 23 mai 2018 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes, qu'il estimait responsables de l'examen de sa demande d'asile. Le préfet de police relève appel du jugement du 29 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

3. Le requérant soutient qu'il parle seulement le wolof et qu'il n'a pas été en mesure de comprendre les informations écrites qui lui ont été délivrées lors de la remise des brochures A et B écrites en français. Il rappelle qu'il a toujours demandé un interprète en wolof lors de ses entretiens et que sa fiche d'entretien individuelle ne mentionne que le wolof comme langue comprise. Toutefois, le préfet fait valoir, sans être contesté, qu'il a rempli seul, sans l'aide d'un interprète, les " feuilles de salle " établies en français. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a signé, le 25 mai 2018, la requête rédigée en français qu'il a présentée devant le tribunal administratif de Paris à l'encontre de l'arrêté du 23 mai 2018. De plus, l'intéressé indique avoir fait son service militaire dans la gendarmerie au Sénégal alors que le français est la langue officielle de ce pays. Enfin, il se prévaut d'un certificat médical circonstancié en français où ses dires sont relatés sans qu'il soit soutenu qu'il était alors assisté d'un interprète en langue wolof. Dans ces conditions, le préfet de police a pu raisonnablement supposer que M. A... comprenait la langue française. Au surplus, l'intéressé a indiqué " avoir compris tous les termes de cet entretien " lors de son entretien individuel sans mentionner que les brochures lui ont été donnés dans une langue qu'il ne comprenait pas. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté. Par suite, c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance, par la décision attaquée, de l'article 4 du règlement précité pour prononcer son annulation.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... à l'encontre de la décision contestée.

Sur les autres moyens de M. A... devant le tribunal administratif :

5. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du I de l'article L. 742-4 du même code : " L'étranger qui a fait l'objet d'une décision de transfert mentionnée à l'article L. 742-3 peut, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cette décision, en demander l'annulation au président du tribunal administratif. / Le président ou le magistrat qu'il désigne à cette fin (...) statue dans un délai de quinze jours à compter de sa saisine (...) ". En vertu du II du même article, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ". L'article L. 742-6 du même code prévoit que : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé ".

6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date à laquelle le tribunal administratif statue au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

7. Il ressort de tout ce qui précède que si le délai de six mois imparti à l'administration pour procéder au transfert de M. A... à compter de la décision d'acceptation des autorités italiennes a été interrompu par la présentation d'une demande de l'intéressé devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet qui a ordonné sa remise à ces autorités et a recommencé à courir à compter du jugement rejetant la demande de M. A..., il est expiré à la date de la présente décision. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision ait fait l'objet d'aucun commencement d'exécution. Dans ces conditions et en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Italie est libérée de son obligation de reprise en charge de M. A... et la responsabilité de l'examen de la demande d'asile de ce dernier est transférée à la France. Dès lors, les conclusions de M. A... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation de l'arrêté contesté sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

8. Quant aux conclusions de M. A... relatives aux frais de l'instance, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de les rejeter.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 29 juin 2018 est annulé.

Article 2 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de M. A... devant le tribunal administratif.

Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant au prononcé d'une injonction et celles relatives aux frais de l'instance sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2019 à laquelle siégeaient :

- Mme Heers, président de chambre,

- Mme Julliard, présidente-assesseure,

- M. Mantz, premier conseiller,

Lu en audience publique le 1er avril 2019

Le président-rapporteur,

M. HEERSL'assesseure la plus ancienne,

M. JULLIARD

Le greffier

F. DUBUYLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02735


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02735
Date de la décision : 01/04/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HEERS
Rapporteur ?: Mme Mireille HEERS
Rapporteur public ?: Mme JAYER
Avocat(s) : KORAYTEM

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-04-01;18pa02735 ?
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