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26/06/2019 | FRANCE | N°18PA02098

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 26 juin 2019, 18PA02098


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...H...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 avril 2018 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a inscrit sur le fichier Schengen (SIS II).

Par un jugement n° 1805493/3-3 du 22 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Co

ur :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juin et 16 novembre 2018, le préf...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...H...B...a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 4 avril 2018 par lequel le préfet de l'Essonne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans et l'a inscrit sur le fichier Schengen (SIS II).

Par un jugement n° 1805493/3-3 du 22 mai 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 juin et 16 novembre 2018, le préfet de l'Essonne demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1805493/3-3 du 22 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a annulé son arrêté en considérant que M. B...justifiait contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants, notamment de son fils aîné de nationalité française ;

- aucun des moyens invoqués par M. B...devant le tribunal n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2018, M.B..., représenté par

Me G...conclut au rejet de la requête du préfet de l'Essonne et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il justifie prendre en charge l'entretien et l'éduction de son fils aîné ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé, faute de mentionner que l'un de ses enfants est de nationalité française ;

- le préfet était tenu, avant de prononcer l'interdiction de retour, d'examiner sa situation au regard des circonstances humanitaires, prévues à l'article L. 511-III alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation faute de prendre en compte, au titre des circonstances humanitaires, sa situation familiale ainsi que la durée de son séjour en France.

Par une décision du 7 mai 2019, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris a accordé à M. B...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brotons,

- et les observations de MeG..., représentant M.B....

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant chinois né le 19 novembre 1977, qui soutient être entré sur le territoire français en 2010 et s'y être maintenu depuis en situation irrégulière, a été condamné, par jugement du tribunal correctionnel de Paris du 15 décembre 2016, à trente mois d'emprisonnement, notamment pour proxénétisme aggravé, transport, détention, offre ou cession non autorisés de stupéfiants et participation à une association de malfaiteurs, condamnation assortie d'une interdiction du territoire français pour une durée de cinq ans. Après procédure contradictoire, le préfet de l'Essonne, en application de cette interdiction du territoire, lui a notifié, le 1er mars 2018, lors de sa levée d'écrou, un arrêté fixant le pays de renvoi, assorti d'un arrêté portant placement en rétention administrative pour une durée initiale de 48 h, prolongée par le juge des libertés et de la détention. Lors de sa rétention, M. B...a sollicité l'asile, sans toutefois déposer son dossier auprès du greffe du centre de rétention après saisine de l'OFPRA selon la procédure accélérée. Puis il a contesté, en référé et au fond, l'arrêté du 1er mars 2018 fixant le pays de renvoi, devant le Tribunal administratif de Versailles qui a rejeté ses deux demandes les 6 et 19 mars 2018. Le 30 mars 2018, il obtenait du Tribunal de grande instance de Paris le relèvement de l'interdiction du territoire prononcée à son encontre. Il était, dès lors, mis fin à sa rétention ; toutefois, estimant qu'il représentait une menace pour l'ordre public, le préfet de l'Essonne prenait, le 4 avril 2018, un arrêté lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour d'une durée de trois ans. Le préfet de l'Essonne relève appel du jugement n° 1805493/3-3 du 22 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a, à la demande de M.B..., annulé cet arrêté.

2. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ".

3. Pour annuler l'arrêté du 4 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a estimé qu'il ressortait des pièces du dossier que M. B...résidait sur le territoire français avec sa compagne et ses trois enfants, dont l'aîné, né en 2001, avait obtenu la nationalité française le

3 janvier 2017, et qu'il établissait, notamment au vu d'une attestation établie par le proviseur du collège dans lequel était scolarisé son fils aîné, contribuer effectivement à l'entretien et à l'éduction de celui-ci.

4. Toutefois, cette attestation, au demeurant établie le 9 avril 2018, soit postérieurement à l'arrêté contesté, indique seulement, sans aucune précision, que M. B...recevait les bulletins trimestriels de son fils. Aucune autre pièce du dossier ne justifie de ce que l'intéressé, qui venait d'effectuer une peine de prison durant au moins deux ans, jusqu'au 1er mars 2018, aurait effectivement contribué à l'entretien et à l'éducation de son fils aîné de nationalité française depuis au moins deux ans. Bien au contraire, dans une attestation produite au dossier de première instance, établie le 16 janvier 2017, le principal du collège dans lequel était alors scolarisé le fils aîné de M. B...indiquait qu'il lui paraissait souhaitable que ce dernier soit autorisé à regagner le domicile familial " aussi souvent que possible, afin que son fils aîné puisse se concentrer sur ses études, alors qu'il (était) obligé d'assurer de nombreuses tâches familiales, dont la prise en charge éducative de ses jeunes frères ". La seule circonstance que M. B...aurait résidé à la même adresse que ses enfants à la date de l'arrêté attaqué, au demeurant depuis seulement un mois, et que les factures d'électricité et de téléphone soient établies à son nom, ne suffisent pas à établir que l'intéressé contribuait effectivement, et ce depuis au moins deux ans, à l'entretien et à l'éducation de son fils de nationalité française. Le préfet de l'Essonne est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a, motif pris de la méconnaissance des dispositions précitées, annulé son arrêté du 4 avril 2018.

5. Il y a lieu, pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant en première instance qu'en appel.

6. Par un arrêté du 23 octobre 2017, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs, le préfet de l'Essonne a donné délégation à Mme F...D..., directrice de l'immigration et de l'intégration, pour signer tous les actes dans la limite de ses attributions, au nombre desquels figure la police des étrangers et, en cas d'empêchement ou d'absence, à Mme C...E..., chef du bureau de l'éloignement du territoire, pour signer les arrêtés portant obligation de quitter le territoire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué doit être écarté.

7. L'arrêté contesté comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, mentionne précisément les éléments sur lesquels s'est fondé le préfet pour estimer que la présence sur le territoire français de M. B...représentait une menace pour l'ordre public, et rappelle les éléments propres à la situation familiale de ce dernier, tels que déclarés par lui. La circonstance que cet arrêté ne fasse pas état de la nationalité française du fils aîné de M. B...n'est pas de nature à l'entacher d'irrégularité, dès lors qu'il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'intéressé, dont il est indiqué qu'il déclarait " être le père de trois enfants, sans justifier de leur état civil ", ait porté cette information à la connaissance du préfet avant l'édiction de l'arrêté litigieux. Pour le même motif, et eu égard à l'imprécision des informations qu'il avait alors communiquées à l'administration, M. B...n'est pas fondé à soutenir que le préfet a insuffisamment motivé sa décision portant interdiction de retour au regard des circonstances humanitaires prévues à l'article L. 511-III alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté contesté précisant d'ailleurs, s'agissant de cette décision, que, s'il déclarait être marié et père de trois enfants, il ne justifiait pas de la communauté de vie, ni ne fournissait aucun justificatif de sa participation à l'éducation et à l'entretien de ses enfants.

8. Pour les motifs indiqués au point 4. M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. Eu égard à la nature, à la gravité et au caractère récent des agissements pour lesquels M. B...a été condamné, et à la circonstance qu'aucun élément produit au dossier ne justifie d'une vie commune avec sa concubine et ses trois enfants avant sa récente levée d'écrou,

M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'en estimant que sa présence sur le territoire français constituait une menace pour l'ordre public, le préfet aurait entaché ses décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination d'erreur manifeste d'appréciation, ni qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard aux buts en vue desquels ont été prises ces décisions.

10. Pour les mêmes motifs qu'indiqués au point précédent, et alors d'ailleurs que

M. B...ne justifie pas des relations qu'il entretient avec ses enfants, dont son fils aîné, et qu'en outre il n'est pas établi ni même allégué que ceux-ci seraient dans l'impossibilité de lui rendre visite en Chine, l'arrêté contesté, en toutes ses décisions, ne peut être regardé comme ayant méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990, publiée par décret du 8 octobre 1990.

11. Enfin, pour les mêmes motifs, et alors que M. B...ne justifie pas de la durée effective de sa résidence sur le territoire français avant son incarcération, la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, fondée comme il est indiqué au point 7. Sur la circonstance qu'il ne justifiait pas d'une communauté de vie avec sa concubine et ses enfants, ni ne fournissait aucun justificatif de sa participation à l'éducation et à l'entretien de ceux-ci, ne peut être regardée comme entachée d'erreur de droit ni d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 4 avril 2018. Par voie de conséquence, il y a lieu d'annuler ce jugement, de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal ainsi que ses conclusions d'appel, ensemble celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1805493/3-3 du 22 mai 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. H...A...B....

Copie en sera adressée au préfet de l'Essonne.

Délibéré après l'audience du 12 juin 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Appèche, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller.

Lu en audience publique le 26 juin 2019.

Le président rapporteur,

I. BROTONSL'assesseur le plus ancien

S. APPECHE

Le greffier,

P. LIMMOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02098


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02098
Date de la décision : 26/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Isabelle BROTONS
Rapporteur public ?: M. CHEYLAN
Avocat(s) : KORAYTEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-06-26;18pa02098 ?
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