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01/10/2019 | FRANCE | N°17PA20608

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 01 octobre 2019, 17PA20608


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de la Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 23 octobre 2014 par laquelle le maire de la commune de Petite-Ile lui a supprimé la majoration de traitement et l'index de correction à compter du 1er janvier 2015, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de régulariser sa situation pécuniaire à compter du 1er janvier 2015.

Par un jugement n° 1500329 du 17 novembre 2016, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.

Procé

dure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés au greffe de la Cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au Tribunal administratif de la Réunion, d'une part, d'annuler la décision du 23 octobre 2014 par laquelle le maire de la commune de Petite-Ile lui a supprimé la majoration de traitement et l'index de correction à compter du 1er janvier 2015, et, d'autre part, d'enjoindre à la commune de régulariser sa situation pécuniaire à compter du 1er janvier 2015.

Par un jugement n° 1500329 du 17 novembre 2016, le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés au greffe de la Cour administrative d'appel de Bordeaux les 20 février, 20 juin et 17 octobre 2017, dont le jugement a été attribué à la Cour administrative de Paris par ordonnance n° 428220 du 1er mars 2019 du président de la section du contentieux de Conseil d'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1500329 du 17 novembre 2016 du Tribunal administratif de la Réunion ;

2°) d'annuler la décision du 23 octobre 2014 du maire de la commune de Petite-Ile ;

3°) d'enjoindre à la commune de Petite-Ile de régulariser sa situation pécuniaire depuis le 1er janvier 2015 ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Petite-Ile les dépens de l'instance et une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- il a été privé du droit de présenter des observations avant de se voir notifier la décision attaquée, en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- le maire, qui n'était pas en situation de compétence liée, a commis une erreur de droit en estimant qu'il ne pouvait bénéficier ni de la majoration de 25 % prévue par l'article 3 de la loi n° 50-407 du 3 avril 1950, ni de l'index de correction instauré par l'article 2 du décret n° 49-55 du 11 janvier 1949 ;

- dès lors que la décision attaquée a révélé le retrait d'une décision antérieure créatrice de droits, elle ne pouvait intervenir au-delà du délai de quatre mois consécutif à son édiction ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance du principe d'égalité entre les agents appartenant à un même cadre d'emplois ;

- elle est révélatrice d'un détournement de pouvoir de la part du maire de Petite-Ile.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 mai, 27 juillet et 14 novembre 2017, la commune de Petite-Ile, représentée par la SCP Belot Cregut Hameroux et Associés puis par la SELAS Fidal, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de M. B... est irrecevable dès lors qu'elle ne répond pas aux exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

- les moyens qu'il soulève ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi nº 50-407 du 3 avril 1950 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi nº 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 49-55 du 11 janvier 1949 ;

- le décret n° 88-614 du 6 mai 1988 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., attaché principal territorial détaché sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services de la commune de Petite-Ile, à la Réunion, a été placé en congé spécial sur sa demande, le 1er février 2010, en application de l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Par une décision du 23 octobre 2014, le maire de la commune a décidé de mettre fin, à compter du 1er janvier 2015, au versement de la majoration de traitement et de l'index de correction dont il bénéficiait jusqu'alors. M. B... fait appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de la Réunion a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 99 de la loi du 26 janvier 1984 portant statut de la fonction publique territoriale : " Les collectivités ou établissements dans lesquels des fonctionnaires territoriaux occupent un emploi fonctionnel visé à l'article 53 ont la faculté d'accorder, sur demande des intéressés, un congé spécial d'une durée maximale de cinq ans dans des conditions fixées par décret. / La demande de congé spécial au titre du premier alinéa de l'article 53 peut être présentée jusqu'au terme de la période de prise en charge prévue au I de l'article 97. Le congé spécial de droit est accordé par la collectivité ou l'établissement public dans lequel le fonctionnaire occupait l'emploi fonctionnel, y compris lorsque la demande est présentée pendant la période de prise en charge. / Pendant ce congé, la rémunération des intéressés demeure à la charge de la collectivité ou de l'établissement public concerné. / A l'expiration de ce congé, le fonctionnaire est admis d'office à la retraite. / Toutefois, les fonctionnaires qui bénéficient d'un congé spécial de droit octroyé pendant la prise en charge sont mis à la retraite au plus tard à la fin du mois au cours duquel ils réunissent les conditions requises pour obtenir une pension à jouissance immédiate à taux plein. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 du décret du 6 mai 1988, pris pour l'application des articles 98 et 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée : " Les émoluments perçus au cours du congé spécial sont ceux du traitement indiciaire afférent aux grade, classe et échelon atteints à la date de mise en congé, augmentés de l'indemnité de résidence et, s'il y a lieu, du supplément familial de traitement ". Selon l'article 3 de la loi du 3 avril 1950 concernant les conditions de rémunération et les avantages divers accordés aux fonctionnaires en service outre-mer : " Une majoration de traitement de 25 % est accordée, à partir du 1er avril 1950, à tous les fonctionnaires des départements considérés (...) ". Enfin, il ressort de l'article 2 du décret du 11 janvier 1949 modifié complétant le régime de rémunération des fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane française, de la Martinique et de la Réunion : " En cas de disparité entre le franc et la monnaie ayant cours dans un département d'outre-mer, le montant établi en francs du traitement indiciaire (...) est payé aux fonctionnaires en service dans le département considéré pour sa contre-valeur en monnaie locale d'après la parité en vigueur au cours de la période sur laquelle porte la liquidation multipliée par un index de correction fixé par arrêté du ministre de l'économie et des finances et du ministre d'Etat chargé des départements et territoires d'outre-mer ".

4. Quand M. B... a bénéficié de son congé spécial, il n'était plus en position d'activité et n'exerçait plus aucune fonction au sein de la commune de Petite-Ile. Il n'était donc plus éligible à la majoration de 25 % prévue par l'article 3 de la loi du 3 avril 1950, qui a la nature d'une indemnité attachée à l'exercice de fonctions outre-mer. Il ne pouvait davantage bénéficier de l'index de correction, institué par le décret du 11 janvier 1949 pour les fonctionnaires de l'Etat, qui n'est plus applicable à la Réunion depuis le 1er janvier 1975. Le maire de Petite-Ile était donc en situation de compétence liée pour lui refuser le bénéfice de tels avantages et estimer qu'en application de l'article 8 du décret du 6 mai 1988, M. B... avait seulement droit à son traitement indiciaire, majoré de son indemnité de résidence et, le cas échéant, du supplément familial de traitement.

5. En deuxième lieu, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires et hors le cas où il est satisfait à une demande du bénéficiaire, l'administration ne peut retirer une décision individuelle créatrice de droits, si elle est illégale, que dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. Une décision administrative explicite accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire, alors même que l'administration avait l'obligation de refuser cet avantage. En revanche, n'ont pas cet effet les mesures qui se bornent à procéder à la liquidation de la créance née d'une décision prise antérieurement.

6. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Petite-Ile aurait délibérément décidé de continuer à verser à M. B... la majoration de 25 % et l'index de correction à compter du 1er février 2010. Le maintien du versement des sommes en litige procède donc d'une erreur de liquidation qui autorisait le maire de la commune à y mettre fin sans conditions de délai.

7. En troisième lieu, en raison de la compétence liée du maire de Petite-Ile pour prendre la décision attaquée, les autres moyens de la requête doivent être écartés comme étant inopérants.

8. ll résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Petite-Ile, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 octobre 2014. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

Sur les dépens de l'instance :

9. M. B... n'établit pas avoir engagé de dépens dans la présente instance. Sa demande tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de la commune de Petite-Ile ne peut donc, en tout état de cause, qu'être rejetée.

Sur les frais de justice :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Petite-Ile, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande l'appelant au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme demandée par la commune sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Petite-Ile présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et à la commune de Petite-Ile.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme A..., premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2019.

Le rapporteur,

C. A...Le président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGISLa République mande et ordonne à la ministre des outre-mer en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17PA20608


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 17PA20608
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers. Indemnités allouées aux fonctionnaires servant outre-mer (voir : Outre-mer).


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : SCP BELOT CREGUT HAMEROUX

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-01;17pa20608 ?
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