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03/10/2019 | FRANCE | N°19PA01255

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 19PA01255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays où elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 1717345/6-1 et 1813347/6-1 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9

avril 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 17...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 16 avril 2018 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays où elle pourrait être reconduite.

Par un jugement n° 1717345/6-1 et 1813347/6-1 du 19 octobre 2018, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2019, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1717345/6-1 et 1813347/6-1 du 19 octobre 2018 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 16 avril 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'un vice de procédure en raison de la saisine irrégulière de la commission du titre de séjour ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2019, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris du 22 février 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention franco-burkinabée du 14 septembre 1992 relative à la circulation et au séjour des personnes ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., ressortissante du Burkina Faso née en mars 1960, est entrée en France en 2002 selon ses déclarations. Elle a sollicité une première fois en mai 2012 une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-14 du code d'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui a été refusée le 5 novembre 2012. Elle a sollicité une nouvelle fois l'octroi d'une carte de séjour temporaire sur le même fondement le 19 janvier 2017, demande rejetée par un arrêté du 16 avril 2018 du préfet de police rendu malgré l'avis favorable de la commission du titre de séjour du 5 avril 2018 et assorti d'une obligation de quitter le territoire français vers son pays d'origine. Mme E... fait appel du jugement du 19 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 avril 2018.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". L'article L. 211-5 du même code dispose : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté contesté vise l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui constitue le fondement en droit de la décision. En outre, l'arrêté analyse les conditions de séjour et de travail en France de Mme E..., notamment l'existence de son contrat de travail, ainsi que sa situation personnelle et familiale en France et au Burkina Faso, pour conclure que les éléments qu'elle fait valoir ne peuvent être considérés comme des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels, ce qui constitue le motif de fait pour lequel le préfet refuse de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressée doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".

5. D'une part, la requérante, qui a été présente à la réunion de la commission du titre de séjour tenue le 5 avril 2018 et y a bénéficié de l'assistance de son avocat, fait valoir que le préfet n'a pas respecté, pour la convoquer devant cette commission, le délai de quinze jours prévu par l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette irrégularité de procédure, à la supposer établie, l'ait privée d'une garantie ou aurait eu une influence sur le sens de la décision prise, dès lors notamment que la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à la délivrance d'un titre de séjour en notant " sa parfaite intégration professionnelle et sociale " et sa bonne maitrise du français. Le moyen tiré d'un vice de procédure ne peut dès lors qu'être écarté.

6. D'autre part, il n'est pas constesté que Mme E... réside irrégulièrement en France depuis plus de dix ans à la date de la décision qu'elle attaque. Elle est employée par des particuliers, selon trois contrats à durée indéterminée, en tant que garde d'enfants à temps partiel et bénéficie de ressources de l'ordre de 900 euros par mois. Elle justifie de formations auprès d'instituts spécialisés dans les métiers de la famille et maitrise la langue française. Toutefois, elle ne fait pas état de circonstances particulières concernant cette activité professionnelle et une résidence habituelle de plus de dix ans en France ne constitue pas à elle seule un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions de l'article précité. De plus, Mme E... est en France célibataire et sans charge de famille. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Burkina Faso, pays dont elle est ressortissante et où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 42 ans selon ses déclarations. L'intéressée ne justifie pas d'éléments exceptionnels d'intégration en alléguant le lien avec les enfants qu'elle garde. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier qu'en estimant que l'intéressée ne justifiait pas de motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de police aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. En troisième lieu, l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application de ces stipulations, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

8. Mme E... soutient qu'elle a fixé en France le centre de sa vie privée et familiale. Toutefois, elle y est célibataire et sans charge de famille, tout en n'établissant pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans. Dès lors, la décision contestée n'a pas porté au droit de Mme E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. Pour l'ensemble des motifs exposés aux points 6 et 8 ci-dessus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision de refus de titre de séjour ayant été écartés, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée par Mme E... à l'appui de ses conclusions contre la décision d'obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écartée par voie de conséquence.

11. En deuxième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du défaut d'appréciation de la situation personnelle de la requérante, qui reprennent les mêmes éléments que ceux développés à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour, doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête d'appel, y compris les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées par son avocat sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ne peut qu'être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente de chambre,

- M. B..., premier conseiller,

- M. Platillero, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 octobre 2019.

Le rapporteur,

A. B...La présidente,

S. F...La greffière,

M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01255


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01255
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Alain LEGEAI
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : KORNMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-10-03;19pa01255 ?
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