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19/11/2019 | FRANCE | N°18PA00180

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 novembre 2019, 18PA00180


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat au paiement de la somme de 55 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'absorption du Médiator ; subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de provision.

Par un jugement n°1609776 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme F... la somme de 596 euros.

Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 janvier 2018, Mme B... F..., représentée par Me C.....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... F... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat au paiement de la somme de 55 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'absorption du Médiator ; subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de provision.

Par un jugement n°1609776 du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris a condamné l'Etat à verser à Mme F... la somme de 596 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2018, Mme B... F..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 14 novembre 2017 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros au titre de son préjudice corporel ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de son préjudice d'anxiété ;

4°) à titre subsidiaire, si la cour jugeait nécessaire, d'ordonner une expertise médicale, de lui allouer une provision de 15 000 euros à valoir sur l'indemnisation de l'ensemble de ses préjudices ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a pris du Médiator entre 2003 et 2004 ;

- elle souffre d'une insuffisance aortique de grade I et d'un essoufflement à l'effort ;

- cette pathologie cardiaque est en lien avec l'exposition au Médiator ;

- le maintien sur le marché du Médiator entre 1999 et 2009 constitue une faute de l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

- compte tenu de l'incertitude sur l'évolution de la fuite aortique dans les prochaines années, elle sollicite le versement de la somme de 50 000 euros au titre de son préjudice corporel et de 5 000 euros au titre de son préjudice d'anxiété ;

- si la Cour estimait qu'une expertise complémentaire, que pour sa part elle ne juge pas opportune, s'impose, il conviendrait de lui allouer une provision de 15 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2019, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, représentée par Me G..., conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la saisine de l'ONIAM et celle du juge pénal par Mme F... font obstacle à une indemnisation dans le cadre de la présente procédure, ou à tout le moins à une double indemnisation ;

- les tromperies du laboratoire Servier font obstacle à l'engagement de la responsabilité de l'Etat ;

- la requérante n'apporte aucune précision à l'appui de sa demande de 50 000 euros au titre de préjudices corporels ;

- la requérante ne fait état d'aucun élément personnel et circonstancié pertinent pour justifier le préjudice d'anxiété ;

- la requérante ayant déjà obtenu deux expertises, l'expertise complémentaire serait sans utilité pour la solution du litige.

Par un mémoire enregistré le 12 avril 2019, le ministre de la santé conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que :

- la requérante n'apporte aucune précision à l'appui de sa demande de 50 000 euros au titre de préjudices ;

- la requérante ne fait état d'aucun élément personnel et circonstancié pertinent pour justifier le préjudice d'anxiété ;

- une nouvelle expertise, qui serait la troisième, serait dépourvue d'utilité.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 6 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., qui s'est vu prescrire du Médiator de janvier 2003 à novembre 2004, a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 55 000 euros en réparation des préjudices résultant de l'absorption de ce produit dangereux. Par un jugement du 14 novembre 2017, le tribunal administratif de Paris, après avoir estimé que l'absence de suspension ou de retrait de l'autorisation de mise sur le marché du Médiator à compter de juillet 1999 revêtait le caractère d'une carence fautive de nature à engager partiellement la responsabilité de l'Etat, a condamné ce dernier à verser à Mme F... la somme de 596 euros en réparation de son préjudice corporel et a rejeté le surplus de sa demande.

2. Mme F..., qui relève régulièrement appel de ce jugement, demande à la Cour de porter à 55 000 euros la somme que l'Etat doit être condamné à lui verser. Le ministre de la santé, défendeur, qui ne conteste pas que la responsabilité de l'Etat soit engagée, conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice corporel de Mme F... et que le préjudice d'anxiété allégué est injustifié. L'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, qui n'a pas été condamnée à indemniser la requérante et qui n'a donc pas la qualité de partie au litige, n'est pas recevable à former un appel incident et doit être regardée comme s'associant aux conclusions du ministre tendant au rejet de la requête.

Sur les préjudices :

S'agissant du déficit fonctionnel :

3. Il résulte de l'instruction, et notamment de l'avis rendu le 5 mars 2014 par le collège d'experts dans le cadre de la procédure engagée auprès de l'ONIAM et de l'expertise judiciaire ordonnée le 3 mai 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre que la valvulopathie minime dont souffre Mme F... est dépourvue de conséquences cliniques et qu'elle ne peut être responsable d'essoufflement ou d'asthénie fonctionnelle. Ces rapports s'accordent pour évaluer en classe I le déficit fonctionnel du 12 novembre 2008 au 11 février 2010. S'agissant du déficit fonctionnel permanent, il a été évalué à 1% par le collège d'experts de l'ONIAM et à 2% par l'expertise judiciaire. Pour fixer le déficit fonctionnel permanent de Mme F... au taux de 1%, les premiers juges ont estimé que la réalité d'un préjudice psychologique potentiel envisagé par l'expert judiciaire n'était pas établie. Le tribunal administratif de Paris a évalué à 900 euros le préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire et à 1 087 euros le préjudice résultant du déficit fonctionnel permanent. Compte tenu du partage de responsabilité entre l'Etat et les laboratoires Servier, le tribunal a condamné l'Etat à verser à Mme F... une somme de 596 euros. Si la requérante demande à la Cour de porter cette somme à 50 000 euros, ses conclusions ne sont assorties d'aucun élément nouveau ni d'aucune argumentation. Il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient fait une évaluation insuffisante des préjudices corporels de Mme F....

S'agissant du préjudice d'anxiété :

4. Si l'hypertension artérielle pulmonaire est une affection sévère, le risque de développer cette pathologie à la suite d'une exposition au benfluorex peut être regardé, ainsi que le mentionnait l'information mise à la disposition des patients concernés par l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, comme très faible. Ainsi, le réseau français de l'hypertension artérielle pulmonaire sévère n'a identifié, entre 1999 et février 2012, que 129 cas d'hypertension pulmonaire associée à un antécédent d'exposition au benfluorex, quelle que soit la période de cette exposition. Enfin, le risque de valvulopathie cardiaque, pathologie susceptible, lorsqu'elle est sévère, de rendre nécessaire une intervention chirurgicale, est faible et diminue rapidement dans les mois qui suivent l'arrêt de l'exposition au benfluorex.

5. Si Mme F... souffre d'une insuffisance aortique minime, imputable à la prise de Médiator, les expertises ne concluent pas à son caractère évolutif. S'il n'est pas contestable que la découverte du caractère dangereux du Médiator est susceptible d'avoir suscité chez la requérante des interrogations et des inquiétudes, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme F... souffrirait d'une angoisse particulière. La requérante se prévaut seulement des données générales relatives au risque de développement d'une hypertension artérielle pulmonaire et du retentissement médiatique auquel a donné lieu, à partir du milieu de l'année 2010, la poursuite de la commercialisation du Médiator jusqu'en novembre 2009. Dans ce contexte particulier, l'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a cependant diffusé aux patients concernés, par des courriers et sur son site internet, des informations rendant compte, en des termes suffisamment clairs et précis, de la réalité des risques courus. Dans ces conditions, Mme F... qui ne fait état d'aucun élément personnel et circonstancié pertinent pour justifier du préjudice qu'elle invoque, n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre du préjudice d'anxiété.

6. Enfin, les conclusions concordantes des deux expertises ont mis en lumière l'existence d'un lien de causalité et d'un préjudice minime. Une troisième expertise ne présente pas de caractère utile. Il n'y a pas dès lors lieu d'accorder à Mme F... la provision qu'elle demande à titre subsidiaire.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Paris aurait fait une appréciation insuffisante de ses préjudices. Sa requête doit donc être rejetée. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1r : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... F..., au ministre des solidarités et de la santé et à l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Copie en sera adressée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience publique du 5 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

- M. D..., président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme Mornet, premier conseiller.

Lu en audience publique le 19 novembre 2019.

L'assesseur le plus ancien,

M-E... Le président de la formation de jugement,

président-rapporteur,

Ch. D...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 10PA03855

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N° 18PA00180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA00180
Date de la décision : 19/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute - Application d'un régime de faute simple.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Causes exonératoires de responsabilité - Fait du tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. BERNIER
Rapporteur ?: M. Christian BERNIER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : ROURE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2019-11-19;18pa00180 ?
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