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03/03/2020 | FRANCE | N°19PA02010

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 03 mars 2020, 19PA02010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Institut de Reiki a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, d'annuler les décisions des 21 février 2018 et 13 juin 2018 par lesquelles le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, a annulé l'enregistrement de sa déclaration d'activité.

Par jugement n° 1805967-1814038 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 j

uin 2019 et 1er février 2020, l'association Institut de Reiki, représentée par Me E..., demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Institut de Reiki a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, d'annuler les décisions des 21 février 2018 et 13 juin 2018 par lesquelles le préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, a annulé l'enregistrement de sa déclaration d'activité.

Par jugement n° 1805967-1814038 du 23 avril 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 21 juin 2019 et 1er février 2020, l'association Institut de Reiki, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions préfectorales attaquées sont entachées d'incompétence ;

- le préfet a méconnu les dispositions des articles L. 6313-1 et L. 6351-4 du code du travail ; c'est à tort que les premiers juges ont considéré, comme l'autorité administrative, que les formations qu'elle dispense n'entrent pas dans le champ d'application de ces dispositions ; l'annulation de l'enregistrement de sa déclaration d'activité procède d'une inexacte interprétation des dispositions de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique s'agissant de l'exercice illégal de la médecine.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juillet 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, faute pour l'association requérante de justifier de la capacité à agir en justice de son président ;

- la décision du 21 février 2018, prise après recours administratif préalable obligatoire, s'est substituée à celle du 13 février 2018 et est seule susceptible d'être déférée ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de la santé publique ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'association Institut de Reiki.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Institut de Reiki a déclaré une activité de formation professionnelle auprès du préfet de la région d'Île-de-France, qui a été enregistrée le 26 avril 2006, en application des dispositions de l'article L. 6351-1 du code du travail. Par un avis du 28 juillet 2016, elle a été informée de la mise en oeuvre d'un contrôle administratif et financier de ses activités. Un rapport de contrôle lui a ainsi été notifié le 5 février 2017. Après avoir reçu ses observations écrites et orales, le préfet de la région d'Île-de-France a décidé, le 21 février 2018, d'annuler l'enregistrement de sa déclaration d'activité. L'association requérante a exercé le 17 avril 2018 un recours administratif préalable obligatoire contre cette décision. Le 13 juin 2018, le préfet a confirmé la mesure litigieuse. L'association Institut de Reiki a demandé au tribunal administratif de Paris, par deux requêtes distinctes, d'annuler les décisions du préfet de la région d'Île-de-France des 21 février 2018 et 13 juin 2018. Par le jugement dont elle relève appel, le tribunal a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 21 février 2018 :

2. Aux termes de l'article R. 6351-11 du code du travail : " L'intéressé qui entend contester la décision de refus ou d'annulation de l'enregistrement de la déclaration d'activité saisit d'une réclamation, préalablement à tout recours pour excès de pouvoir, l'autorité qui a pris la décision. ". L'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue en principe à la décision initiale, et qu'elle est seule susceptible d'être déférée au juge. Par suite, les conclusions de l'association Institut de Reiki dirigées contre la décision du 21 février 2018 doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 13 juin 2018 :

3. En premier lieu, la décision 13 juin 2018 a été signée par Mme D... F..., directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Île-de-France, qui avait reçu délégation à cette fin par un arrêté du préfet de la région d'Île-de-France du 19 juin 2017. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision mentionne de manière détaillée l'ensemble des éléments de droit et des considérations de fait sur lesquels elle est fondée. Par suite, elle est suffisamment motivée.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 6313-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Les actions de formation qui entrent dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue sont : / 1° Les actions de préformation et de préparation à la vie professionnelle ; / 2° Les actions d'adaptation et de développement des compétences des salariés ; / 2° bis Les actions de promotion de la mixité dans les entreprises, de sensibilisation à la lutte contre les stéréotypes sexistes et pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ; / 3° Les actions de promotion professionnelle ; / 4° Les actions de prévention ; / 5° Les actions de conversion ; / 6° Les actions d'acquisition, d'entretien ou de perfectionnement des connaissances ; / 7° Les actions de formation continue relative à la radioprotection des personnes prévues à l'article L. 1333-11 du code de la santé publique ; / 8° Les actions de formation relatives à l'économie et à la gestion de l'entreprise ; / 9° Les actions de formation relatives à l'intéressement, à la participation et aux dispositifs d'épargne salariale et d'actionnariat salarié ; / 10° Les actions permettant de réaliser un bilan de compétences ; / 11° Les actions permettant aux travailleurs de faire valider les acquis de leur expérience ; / 12° Les actions d'accompagnement, d'information et de conseil dispensées aux créateurs ou repreneurs d'entreprises agricoles, artisanales, commerciales ou libérales, exerçant ou non une activité ; / 13° Les actions de lutte contre l'illettrisme et en faveur de l'apprentissage et de l'amélioration de la maîtrise de la langue française ; / 14° Les actions de formation continue relatives au développement durable et à la transition énergétique. / Entre également dans le champ d'application des dispositions relatives à la formation professionnelle continue la participation d'un salarié, d'un travailleur non salarié ou d'un retraité à un jury d'examen ou de validation des acquis de l'expérience mentionné au dernier alinéa de l'article L. 3142-42 lorsque ce jury intervient pour délivrer des certifications professionnelles inscrites au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues à l'article L. 335-6 du code de l'éducation. ". Aux termes de l'article L. 6351-1 du même code : " Toute personne qui réalise des prestations de formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 dépose auprès de l'autorité administrative une déclaration d'activité, dès la conclusion de la première convention de formation professionnelle ou du premier contrat de formation professionnelle, conclus respectivement en application des articles L. 6353-2 et L. 6353-3. / L'autorité administrative procède à l'enregistrement de la déclaration (...). ". Enfin, aux termes de l'article L. 6351-4 dudit code : " L'enregistrement de la déclaration d'activité est annulé par décision de l'autorité administrative lorsqu'il est constaté, au terme d'un contrôle réalisé en application du 1° de l'article L. 6361-2 : / 1° Soit que les prestations réalisées ne correspondent pas aux actions mentionnées à l'article L. 6313-1 ; (...) ".

6. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 4161-1 du code de la santé publique : " Exerce illégalement la médecine : / 1° Toute personne qui prend part habituellement ou par direction suivie, même en présence d'un médecin, à l'établissement d'un diagnostic ou au traitement de maladies, congénitales ou acquises, réelles ou supposées, par actes personnels, consultations verbales ou écrites ou par tous autres procédés quels qu'ils soient, ou pratique l'un des actes professionnels prévus dans une nomenclature fixée par arrêté du ministre chargé de la santé pris après avis de l'Académie nationale de médecine, sans être titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 4131-1 et exigé pour l'exercice de la profession de médecin, ou sans être bénéficiaire des dispositions spéciales mentionnées aux articles L. 4111-2 à L. 4111-4, L. 4111-7, L. 4112-6, L. 4131-2 à L. 4131-5 ; / 2° Toute personne qui se livre aux activités définies au 1° ci-dessus sans satisfaire à la condition posée au 2° de l'article L. 4111-1 compte tenu, le cas échéant, des exceptions apportées à celle-ci par le présent livre et notamment par les articles L. 4111-7 et L. 4131-4-1 ; / 3° Toute personne qui, munie d'un titre régulier, sort des attributions que la loi lui confère, notamment en prêtant son concours aux personnes mentionnées aux 1° et 2°, à l'effet de les soustraire aux prescriptions du présent titre ; / 4° Toute personne titulaire d'un diplôme, certificat ou tout autre titre de médecin qui exerce la médecine sans être inscrite à un tableau de l'ordre des médecins institué conformément au chapitre II du titre Ier du présent livre ou pendant la durée de la peine d'interdiction temporaire prévue à l'article L. 4124-6 à l'exception des personnes mentionnées aux articles L. 4112-6 et L. 4112-7 ; / 5° Tout médecin mentionné à l'article L. 4112-7 qui exécute des actes professionnels sans remplir les conditions ou satisfaire aux obligations prévues audit article. ".

7. L'association requérante soutient que le préfet de la région d'Île-de-France a méconnu les dispositions précitées en estimant, pour prononcer l'annulation de l'enregistrement de sa déclaration d'activité, que les formations qu'elles dispense ne pouvaient être regardées comme entrant dans le champ des actions de formation professionnelle définies à l'article L. 6313-1 du code du travail dès lors qu'elles exposaient leurs participants à l'exercice d'une activité médicale passible de l'incrimination d'exercice illégal de la médecine. Il ressort toutefois des pièces du dossier produit en première instance que la formation délivrée par l'association Institut de reiki expose de manière détaillée de nombreuses pathologies, notamment d'ordre psychiatrique, et consacre de longs développements à la manière de diagnostiquer ces maladies, en fournissant des critères à cette fin aux stagiaires, qui ne sont pas médecins. Le manuel de formation repose en outre sur une mise en parallèle des traitements médicaux de ces pathologies et de " l'accompagnement " par la pratique du " reiki traditionnel ", qui consiste notamment en l'apposition des mains du " praticien " sur le " consultant ", à " visée thérapeutique ". Les supports pédagogiques fournis emploient par ailleurs à de nombreuses reprises un vocabulaire relevant du lexique médical ou paramédical, qui entretient nécessairement une confusion quant à la nature des actes qui seront mis en oeuvre par les personnes formées. Or, il n'est pas contesté que ces formations s'adressent à un public hétérogène non constitué de médecins ou de personnes exerçant dans le domaine paramédical. Par suite, en estimant que les enseignements délivrés par l'association Institut de reiki ne pourraient être mis en oeuvre par les personnes formées, dans le cadre d'une pratique professionnelle, sans exposer les intéressés à des poursuites pour exercice illégal de la médecine, le préfet de la région d'Île-de-France n'a commis aucune erreur d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la ministre du travail, que l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par l'association Institut de Reiki et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Institut de Reiki est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Institut de Reiki et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 6 févier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. C..., premier vice-président,

- Mme Jayer, premier conseiller,

- Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 3 mars 2020.

Le rapporteur,

G. B...Le président,

M. C...

Le greffier,

E. MOULIN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA02010


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA02010
Date de la décision : 03/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BERLEAND

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-03;19pa02010 ?
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