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10/03/2020 | FRANCE | N°19PA00150

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 10 mars 2020, 19PA00150


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Natixis Lease Immo a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013.

Par un jugement n° 1801848/1-2 du 6 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Natixis Lease Immo la décharge solli

citée, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) Natixis Lease Immo a demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2010 à 2013.

Par un jugement n° 1801848/1-2 du 6 novembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a accordé à la société Natixis Lease Immo la décharge sollicitée, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de sa demande portant sur la mise à la charge de l'Etat des dépens de l'instance.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 janvier 2019 et le 7 août 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801848/1-2 du 6 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il lui est défavorable ;

2°) de remettre à la charge de la société Natixis Lease Immo les cotisations de taxe dont le Tribunal administratif de Paris l'a déchargée.

Il soutient que :

- dès lors, d'une part, que la société Natixis Lease Immo n'a pas déposé dans les délais requis la déclaration de changement d'affectation des locaux sis 125-127, rue de Montreuil à Paris 11ème, et, d'autre part, que des déclarations d'achèvement de travaux ne sauraient s'imposer à l'administration fiscale en raison du principe d'indépendance des législations, le service était fondé à estimer que la société était redevable au titre des années 2010 à 2013, sur les locaux en cause, de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux, quand bien même ils auraient été transformés en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) au cours de l'année 2010 ;

- en tout état de cause, les travaux opposés par l'intimée n'ayant été achevés que le 23 mars 2010, la taxe était au moins due pour l'année 2010.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 juillet 2019 et 30 septembre 2019, la société Natixis Lease Immo, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande que soient mis à la charge de l'Etat les dépens de l'instance et une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la ministre de l'action et des comptes publics ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Natixis Lease Immo est propriétaire à Paris, au 125-127, rue de Montreuil, dans le onzième arrondissement, de locaux initialement déclarés pour une surface de 3 740 m2, en 1989, comme étant à usage de bureaux. Après qu'ils eurent été transformés en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), à la suite de travaux achevés à l'été 2010, la société Natixis Lease Immo a estimé qu'ils devaient être exonérés de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux. Faute d'avoir reçu en temps utile la déclaration de changement d'affectation des locaux en cause, le service a adressé à la société Natixis Lease Immo une proposition de rectification en date du 6 novembre 2013, l'imposant à la taxe en litige selon ses éléments déclarés à l'origine, au titre des années 2010 à 2013. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel du jugement du 6 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a accordé à la société Natixis Lease Immo la décharge de ces impositions et mis de surcroît à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais de justice.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

2. D'une part, aux termes de l'article 231 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années en litige : " I. Une taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux est perçue, dans les limites territoriales de la région d'Ile-de-France, composée de Paris et des départements de l'Essonne, des Hauts-de-Seine, de la Seine-et-Marne, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines. / II. -Sont soumises à la taxe les personnes privées ou publiques qui sont propriétaires de locaux imposables ou titulaires d'un droit réel portant sur de tels locaux. / La taxe est acquittée par le propriétaire, l'usufruitier, le preneur à bail à construction, l'emphytéote ou le titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive d'un droit réel qui dispose, au 1er janvier de l'année d'imposition, d'un local taxable. / III. La taxe est due : / 1° Pour les locaux à usage de bureaux, qui s'entendent, d'une part, des bureaux proprement dits et de leurs dépendances immédiates et indispensables destinés à l'exercice d'une activité, de quelque nature que ce soit, par des personnes physiques ou morales privées (...) ; / V. Sont exonérés de la taxe : " (...) 2° Les locaux appartenant aux fondations et aux associations, reconnues d'utilité publique, dans lesquels elles exercent leur activité, ainsi que les locaux spécialement aménagés pour l'archivage administratif et pour l'exercice d'activités de recherche ou à caractère sanitaire, social, éducatif ou culturel ; / (...) 3° Les locaux à usage de bureaux d'une superficie inférieure à 100 mètres carrés (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 1406 du code général des impôts, dans sa version alors en vigueur : " I. -Les constructions nouvelles, ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties, sont portés par les propriétaires à la connaissance de l'administration, dans les quatre-vingt-dix jours de leur réalisation définitive et selon les modalités fixées par décret. (...) / II-Le bénéfice des exonérations temporaires de taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties est subordonné à la déclaration du changement qui les motive. Lorsque la déclaration est souscrite hors délais, l'exonération s'applique pour la période restant à courir après le 31 décembre de l'année suivante ". L'article 321 E de l'annexe III au même code dispose que : " Les constructions nouvelles ainsi que les changements de consistance ou d'affectation des propriétés bâties et non bâties ou les changements d'utilisation des locaux commerciaux ou professionnels sont déclarés par les propriétaires sur des imprimés établis par l'administration conformément aux modèles fixés par le ministre de l'économie et des finances. / (...) ".

En ce qui concerne l'année 2010 :

4. Il résulte de l'instruction qu'au 1er janvier 2010, date à laquelle s'appréciait l'exigibilité de la taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux due au titre de cette même année, les locaux situés au 125-127 de la rue de Montreuil, n'avaient pas encore été transformés en EHPAD, les travaux étant encore en cours. Par suite, le changement de destination de ces locaux ne pouvait être regardé comme effectif avant le 1er janvier 2011. Dans ces conditions, le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Natixis Lease Immo de la cotisation de taxe en litige à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010.

5. Il appartient à la Cour, saisie de cette partie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens concernant l'année 2010 soulevés par la société Natixis Lease Immo, tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la Cour.

6. Quand bien même les locaux en débat, une fois transformés en EHPAD, auraient été éligibles à une exonération de taxe, tant sur le terrain de la loi fiscale que sur celui de la doctrine administrative, cela n'enlève rien à la circonstance qu'au 1er janvier de l'année 2010, ils n'avaient pas encore changé de destination, ainsi qu'il a été dit au point 4 ci-dessus.

7. Le ministre de l'action et des comptes publics est donc fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il porte sur la cotisation de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux mise à la charge de l'intimée au titre de l'année 2010. Il y a donc lieu, par suite, de remettre cette cotisation à sa charge.

En ce qui concerne les années 2011 à 2013 :

8. Si la société Natixis Lease Immo ne justifie pas, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle aurait fait parvenir au service la déclaration CBD n° 6660 dans les délais impartis par l'article 1406 du code général des impôts et l'article 321 E de l'annexe III à ce code pour l'informer du changement de destination des locaux sis 125-127, rue de Montreuil, il est néanmoins constant que la méconnaissance d'une telle formalité ne remet pas en cause le bénéfice des exonérations de taxe sur les locaux à usage de bureaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux, prévues par le V de l'article 231 ter du code général des impôts. De plus, au vu des documents d'urbanisme produits par l'intimée, il est constant que les locaux dont il est question ont été exploités sous forme d'EHPAD à compter de l'été 2010, ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, ce dont le ministre ne disconvient pas, se bornant à opposer le principe d'indépendance des législations, inopérant en l'espèce, pour soutenir que les documents en question ne lui sont pas opposables. Au 1er janvier des années 2011 à 2013, les locaux en débat avaient donc changé de destination et n'étaient plus exclusivement utilisés à usage de bureaux. Par ailleurs, le ministre ne conteste pas que dans le nouvel ensemble constitué par l'EHPAD, les locaux à usage de bureaux ne représentaient plus, au cours des années en litige, qu'une superficie de 37,90 m2 sur un total de 3 160,20, comme cela ressort du tableau du géomètre-expert joint par l'intimée à sa note en délibéré devant les premiers juges. Dans ces conditions, dès lors que les EHPAD comptent au nombre des établissements à caractère sanitaire exonérés de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux sur le fondement du 2° du V de l'article 231 ter du code général des impôts, tout comme les bureaux d'une superficie de moins de 100 m2 en vertu du 3° de ce même article, c'est à bon droit que la société Natixis Lease Immo a estimé que les locaux imposés par le service sur la base de ses superficies initialement déclarées ne devaient pas être soumis à cette taxe au titre des années 2011 à 2013.

9. La requête du ministre de l'action et des comptes publics doit donc être rejetée en tant qu'elle porte sur ces années.

Sur les dépens de l'instance :

10. La société Natixis Lease Immo n'établit pas avoir engagé de dépens dans la présente instance. Sa demande tendant à ce qu'ils soient mis à la charge de l'Etat ne peut donc, en tout état de cause, qu'être rejetée.

Sur les frais de justice :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des conclusions de la société Natixis Lease Immo présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801848/1-2 du 6 novembre 2018 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a accordé à la société Natixis Lease Immo la décharge de la cotisation de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux, à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010.

Article 2 : La cotisation de taxe annuelle sur les locaux à usage de bureaux, les locaux commerciaux, les locaux de stockage et les surfaces de stationnement annexées à ces catégories de locaux, à laquelle la société Natixis Lease Immo a été assujettie au titre de l'année 2010, est remise à sa charge.

Article 3 : Le surplus des conclusions d'appel du ministre de l'action et des comptes publics est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à la société Natixis Lease Immo la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Natixis Lease Immo est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'action et des comptes publics et à la société Natixis Lease Immo.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et de Paris (pôle fiscal parisien 1).

Délibéré après l'audience du 25 février 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme Oriol, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 10 mars 2020.

Le rapporteur,

C. ORIOLLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA00150


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00150
Date de la décision : 10/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-08 Contributions et taxes. Parafiscalité, redevances et taxes diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Christelle ORIOL
Rapporteur public ?: Mme STOLTZ-VALETTE
Avocat(s) : ROUGET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-10;19pa00150 ?
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