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11/03/2020 | FRANCE | N°19PA00278

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 mars 2020, 19PA00278


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 20 octobre 2017 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1803792 en date du 7 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2019, M. E..., représenté par Me

B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803792 en date du 7 juin 2018 du Tribun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... E... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 20 octobre 2017 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 1803792 en date du 7 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2019, M. E..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1803792 en date du 7 juin 2018 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté en date du 20 octobre 2017 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler durant cet examen, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que son fils pouvait bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies en Algérie, et a jugé que la décision attaquée ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'était entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation sur la nécessité d'une prise en charge médicale de l'état de santé de son enfant et sur la disponibilité de cette prise en charge en Algérie ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation, d'une erreur d'appréciation sur la nécessité d'une prise en charge médicale de l'état de santé de son enfant et sur la disponibilité de cette prise en charge en Algérie, d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire enregistré le 16 janvier 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Paris du 30 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. D... a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. F... E..., ressortissant algérien, né le 2 avril 1960, est entré en France, selon ses déclarations, le 30 octobre 2015. Il a sollicité le 23 mai 2017 la délivrance d'un certificat de résidence en qualité d'accompagnant d'enfant malade, en se prévalant de l'état de santé de son fils Riyadh A.... Par un arrêté en date du 20 octobre 2017, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. M. E... relève appel du jugement en date du 7 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision de refus de titre de séjour contestée, qui vise notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, et l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne également différents éléments de la situation personnelle et familiale de M. E..., notamment l'état de santé de son fils, et précise les raisons pour lesquelles le préfet de police a considéré que le requérant ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions et stipulations et ne pouvait obtenir le titre de séjour sollicité. Elle contient ainsi l'exposé des considérations de droit et de fait sur lesquelles s'est fondé le préfet de police pour rejeter sa demande de titre de séjour et répond aux exigences de motivation des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, cette décision est suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète et exclusive les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de la validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés. Aux termes de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si leur présence constitue une menace pour l'ordre public, une autorisation provisoire de séjour est délivrée aux parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions mentionnées au 11° de l'article L. 313-11, ou à l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. / L'autorisation provisoire de séjour mentionnée au premier alinéa, qui ne peut être d'une durée supérieure à six mois, est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues au 11° de l'article L. 313-11. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la prise en charge médicale de l'étranger mineur, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d'être satisfaites. ". Si les dispositions de l'article L. 311-12 ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, cette circonstance n'interdit pas au préfet, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire d'appréciation, de délivrer à ces ressortissants une autorisation provisoire de séjour pour accompagnement d'enfant malade.

4. Il ressort des pièces du dossier que le fils de M. E..., né le 20 mars 2004, souffre de " troubles envahissants du comportement, du développement et des acquisitions scolaires " nécessitant un suivi médical pédopsychiatrique régulier en France, et pour lesquels la Maison Départementale des Personnes Handicapées lui a reconnu un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 %. Le collège des médecins de l'Office français de l'intégration et de l'immigration a, cependant, estimé par un avis du 17 septembre 2017 que l'état de santé de l'enfant C... A... ne nécessitait aucune prise en charge médicale. M. E... fait valoir qu'à défaut de bénéficier d'une prise en charge médicale, le développement cognitif et psychomoteur de son fils serait gravement compromis. Les deux certificats médicaux en date des 4 et 26 avril 2017 qu'il produit se bornent, toutefois, à indiquer, pour le premier, que le requérant s'est rendu avec son fils au centre médico-psychologique, rue Goubet à Paris pour des consultations pédopsychiatriques et un suivi social, et pour le second, que l'état de santé de son enfant justifie un suivi médical et social en pédopsychiatrie. Le certificat médical établi le 26 juin 2018 par le médecin traitant en Algérie du fils de M. E... indique également sans plus de précision que la prise en charge proposée en France n'existe pas dans la région d'Algérie où sa famille est domiciliée. S'il ressort des pièces produites pour la première fois en appel que l'enfant C... A... a été admis au mois de septembre 2018 dans une unité localisée pour l'inclusion scolaire en raison de son état de santé, et s'il fait l'objet d'un suivi médical, il ne ressort pas des divers documents versés au dossier qu'il serait privé de toute possibilité de bénéficier d'une formation scolaire appropriée aux troubles dont il souffre dans son pays d'origine, ni qu'il ne pourrait y faire l'objet d'une prise en charge médicale. Dans ces conditions, M. E... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en refusant, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, de régulariser sa situation en raison de l'état de santé de son enfant, aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. E... fait valoir qu'il séjourne depuis trois ans en France où il a noué de nombreuses relations, étant bénévole à l'association Habitat et Humanisme et aux Restos du Coeur. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident son épouse, ses quatre autres enfants et où il a vécu jusqu'à l'âge de 55 ans. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et pour les mêmes motifs, n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du défaut de base légale de l'obligation de quitter le territoire français en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

8. Il résulte des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'obligation faite à un étranger de quitter le territoire français n'a pas à comporter une motivation spécifique, distincte de celle du refus de titre de séjour qu'elle accompagne. L'obligation faite à M. E... de quitter le territoire français, qui fait suite à la décision de refus de titre de séjour, laquelle est suffisamment motivée ainsi qu'il a été dit au point 2, fait référence aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est donc suffisamment motivée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

9. Pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 4, et 6 les moyens tirés d'une erreur de fait, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

- M. D..., président de chambre,

- Mme Poupineau, président assesseur,

- Mme Jimenez, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 mars 2020.

Le président rapporteur,

S.-L. D... L'assesseur le plus ancien,

V.POUPINEAU

Le greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA00278


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA00278
Date de la décision : 11/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Simon-Louis FORMERY
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : PIGOT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-03-11;19pa00278 ?
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