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09/07/2020 | FRANCE | N°18PA02659

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 09 juillet 2020, 18PA02659


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... E... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions en date du 27 février 2017 par lesquelles le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique leur a refusé le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance aéronautique.

Par un jugement n° 1707112 du 27 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2018, M.

et Mme E..., représenté par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707112...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B... E... ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler les décisions en date du 27 février 2017 par lesquelles le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique leur a refusé le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance aéronautique.

Par un jugement n° 1707112 du 27 juin 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 2 août 2018, M. et Mme E..., représenté par Me C..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1707112 du Tribunal administratif de Paris en date du

27 juin 2018 ;

2°) d'annuler les décisions en date du 27 février 2017 par lesquelles le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique leur a refusé le bénéfice de l'allocation du fonds de prévoyance aéronautique.

3°) d'enjoindre au directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique de procéder au réexamen de leur situation dans un délai de quinze jour à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les dispositions du 3° de l'article R. 4123-21 du code de la défense, qui subordonne le versement de l'allocation à des conditions d'âges et de ressources ne méconnaissait pas la volonté du législateur telle qu'elle résultait des travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires ;

- la marge d'appréciation reconnue au pouvoir règlementaire ne visait qu'un élargissement des risques couverts ;

- le jugement est insuffisamment motivé s'agissant du moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité par les dispositions du 3° de l'article R. 4123-21 du code de la défense et par les dispositions de l'article R. 4123-22 dudit code ;

- ces dispositions introduisent une différence de traitement aboutissant à des situations injustes et absurdes ;

- ces dispositions règlementaires sont illégales et méconnaissent le principe général d'égalité ;

- leur fils est décédé au cours d'une opération militaire au sens de l'article R. 4123-22 du code de la défense.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2019, le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;

- la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif modifiée ;

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 6 août 2014, le militaire de première classe Hugues E..., affecté au 1er régiment du train parachutiste, est décédé à la suite d'un saut d'entraînement en parachute effectué la veille. Ses parents, M. et Mme B... E..., ont déposé un dossier de demande d'allocation auprès du fonds de prévoyance de l'aéronautique. Par deux décisions en date du 27 février 2017, le directeur de l'Établissement public des fonds de prévoyance miliaire et de l'aéronautique a refusé de leur accorder le bénéfice de l'allocation sollicitée au motif qu'ils ne remplissaient pas la condition de ressources prévues par la réglementation. M. et Mme E... font appel du jugement du

27 juin 2018 par lequel le Tribunal administratif de paris a rejeté leur demande d'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des écritures de première instance que M. et Mme E... ont soutenu, à l'appui de leur demande d'annulation des décisions du 27 février 2017, que le fait de subordonner le versement de l'allocation due en cas de décès survenu en service aérien à une condition de ressource qui n'est pas opposable en cas de décès survenu des suites d'un attentat ou d'une opération militaire, alors que la victime se trouvait en service ou en mission à l'étranger, était contraire au principe d'égalité. En se fondant sur " les spécificités du statut des militaires ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse à ce moyen. En outre, M. et Mme E... n'ayant pas invoqué le moyen tiré de ce que le fait même de subordonner le versement de l'allocation à une condition de ressources était contraire au principe d'égalité, ils ne sont pas fondés à soutenir que les premiers juges auraient insuffisamment motivé leur jugement en n'y répondant pas.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 4123-5 du code de la défense : " Les militaires sont affiliés, pour la couverture de certains risques, à des fonds de prévoyance pouvant être alimentés par des prélèvements sur certaines indemnités et par une contribution de l'État couvrant soit le personnel non cotisant, soit les cas de circonstances exceptionnelles. Ces fonds sont conservés, gérés et utilisés exclusivement au profit des ayants droit et de leurs ayants cause. Les allocations de ces fonds sont incessibles et insaisissables. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret ". Aux termes de l'article R. 4123-21 de ce code : " Peuvent prétendre à l'allocation en cas de décès survenu en service aérien aux personnels affiliés au fonds de prévoyance de l'aéronautique leurs ayants cause définis comme suit : (...) 3° Chacun des ascendants ou survivants qui aurait droit à pension dans les conditions fixées au titre IV du livre Ier du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre. " Aux termes de l'article L. 141-10 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Si le décès ou la disparition du militaire est survenu dans les conditions de nature à ouvrir droit à pension du conjoint ou partenaire survivant, ses ascendants ont droit à une pension s'ils justifient : 1° Qu'ils sont âgés de plus de soixante ans, (...) 2° Que leurs revenus imposables n'excèdent pas, par part, le plafond de non-imposition fixé au premier alinéa du 1 du I de l'article 197 du code général des impôts. Si les revenus imposables sont supérieurs à ce montant, la pension est réduite à concurrence de la part du revenu dépassant ce montant (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 4123-22 du code de la défense : " Lorsque, au jour du décès, un ascendant mentionné au 3° de l'article R. 4123-21 ne remplit pas les conditions d'âge et de ressources requises, l'attribution de son allocation est différée jusqu'au moment où l'intéressé réunit lesdites conditions. / Toutefois, ces conditions d'âge et de ressources ne sont pas exigées lorsque le décès du militaire est survenu des suites d'un attentat ou d'une opération militaire, alors que la victime se trouvait en service ou en mission à l'étranger. Dans les autres circonstances, les conditions d'âge ne sont pas exigées lorsque le défunt était célibataire et sans enfant à charge (...) ".

4. En premier lieu, dès lors qu'il est constant que M. D... E... n'est pas décédé alors qu'il se trouvait en service ou en mission à l'étranger, M. et Mme E... ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article R. 4123-22 du code de la défense et soutenir que la condition de ressources ne pouvait pas leur être opposée par le directeur de l'Etablissement public des fonds de prévoyance miliaire et de l'aéronautique.

5. En deuxième lieu, sans qu'il soit nécessaire de se référer aux travaux parlementaires, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 4123-5 du code de la défense que le législateur a renvoyé à un décret d'application le soin de fixer les conditions de versement des allocations qu'elles prévoient au bénéfice des militaires et de leurs ayants cause. En fixant une condition de ressources par renvoi au titre IV du livre Ier du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, l'article R. 4123-21 du code de la défense ne méconnaît pas la loi.

6. En troisième lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit, et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier.

7. L'objet poursuivi par l'article L. 4123-5 du code de la défense en prévoyant le versement d'allocations aux ascendants, en cas de décès survenu en service aérien des personnels affiliés au fonds de prévoyance de l'aéronautique, est de leur fournir un secours financier lorsque la mission du militaire a conduit à la réalisation de certains risques.

8. Les dispositions précitées au point 3 instituent, pour le bénéfice de l'allocation susceptible d'être versée aux ascendants en cas de décès survenu en service aérien, des différences de traitement résultant, d'une part, de l'instauration de conditions d'âge et de ressources et, d'autre part, de l'inopposabilité de ces conditions lorsque le décès du militaire est survenu des suites d'un attentat ou d'une opération militaire, alors que la victime se trouvait en service ou en mission à l'étranger. Ces différences de traitement, qui correspondent à des différences de situations au regard des besoins financiers des ascendants et au regard du risque qui s'est réalisé, sont ainsi en rapport avec l'objet de la norme qui les a établies et elles n'apparaissent pas manifestement disproportionnées au regard des différences de situation en cause. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... E... et à l'Établissement public des fonds de prévoyance militaire et de l'aéronautique.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- Mme Poupineau, président-assesseur,

- M. A..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2020.

Le président,

S.-L. FORMERY

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA02659


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA02659
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-04-03-01 Actes législatifs et administratifs. Validité des actes administratifs - violation directe de la règle de droit. Principes généraux du droit. Égalité devant la loi.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: M. LEMAIRE
Avocat(s) : CABINET DEPUY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-09;18pa02659 ?
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