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09/07/2020 | FRANCE | N°19PA01276

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 09 juillet 2020, 19PA01276


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 22 novembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste à compter du 22 novembre 2017.

Par un jugement n° 1719047/5-3 du 20 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 janvier 2020, M. C

..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... C... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté en date du 22 novembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste à compter du 22 novembre 2017.

Par un jugement n° 1719047/5-3 du 20 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 avril 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 14 janvier 2020, M. C..., représenté par Me A..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de prononcer sa réintégration en qualité d'attaché d'administration dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la lettre du 8 novembre 2017 ne saurait constituer une mise en demeure de reprendre le service puisqu'il se trouvait alors sans affectation ; elle ne mentionne d'ailleurs pas une quelconque absence d'un poste de travail et la circonstance qu'il ne se soit pas présenté à un contrôle médical ne saurait être assimilée à une absence à un poste de travail ;

- le délai de huit jours fixé par cette " mise en demeure " du 8 novembre 2017 n'était pas approprié dès lors qu'il était demandé de rejoindre un poste totalement nouveau, que les délais postaux n'ont pas été respectés puisqu'il n'a pu prendre connaissance de cet envoi que le 30 novembre 2017 et que le délai de conservation du pli par la poste expirait le 23 novembre ; le ministère n'a pas pris les mesures nécessaires pour s'assurer qu'il serait informé rapidement de ce délai de huit jours ;

- son absence était justifiée pour raison médicale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2019, le ministre de l'éducation nationale conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me A... pour M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., attaché d'administration de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur, a été réintégré dans son administration après avoir, entre 2009 et octobre 2013, été détaché auprès d'autres administrations dans le champ économique et international. Il a bénéficié en dernier lieu d'un congé de formation professionnelle de juillet 2016 à juin 2017. Convoqué à plusieurs entretiens au cours de l'année 2017 afin de se voir proposer différents postes, il ne s'est jamais présenté. Convoqué à nouveau, en vain, le 13 octobre 2017, il a adressé à son administration un avis d'arrêt de travail pour la période comprise entre le 12 octobre et le

11 novembre 2017. Une nouvelle convocation lui a alors été adressée pour le 26 octobre suivant, en vue d'un contrôle médical, à laquelle il a répondu par courriel être dans l'impossibilité de se rendre. Il a alors, le 20 octobre, été mis en demeure de se rendre à ce contrôle ou d'informer l'administration des raisons qui justifieraient son absence à ce rendez-vous et a été informé qu'à défaut, une procédure d'abandon de poste, susceptible d'aboutir à sa radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable, pourrait être engagée. N'ayant pas donné suite à cette dernière convocation, il a été mis en demeure, le 8 novembre 2017, de rejoindre dans les huit jours le poste de coordonnateur de formation au bureau de la formation (SAAM A3) sous peine d'engagement d'une procédure d'abandon de poste sans procédure disciplinaire préalable. M. C... relève appel du jugement du 20 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 22 novembre 2017 par laquelle le ministre de l'éducation nationale a prononcé sa radiation des cadres pour abandon de poste à compter du même jour.

2. Une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé et l'informant du risque qu'il encourt d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est ni présenté ni n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

3. L'agent en position de congé de maladie n'a pas cessé d'exercer ses fonctions. Par suite, une lettre adressée à un agent à une date où il est dans une telle position ne saurait, en tout état de cause, constituer une mise en demeure à la suite de laquelle l'autorité administrative serait susceptible de prononcer, dans les conditions définies au point 2 ci-dessus, son licenciement pour abandon de poste. Toutefois, si l'autorité compétente constate qu'un agent en congé de maladie s'est soustrait, sans justification, à une contre-visite qu'elle a demandée, elle peut lui adresser une lettre de mise en demeure, respectant les exigences définies au point 2 ci-dessus et précisant en outre explicitement que, en raison de son refus de se soumettre, sans justification, à la contre-visite à laquelle il était convoqué, l'agent court le risque d'une radiation alors même qu'à la date de notification de la lettre il bénéficie d'un congé de maladie. Si, dans le délai fixé par la mise en demeure, l'agent ne justifie pas son absence à la contre-visite à laquelle il était convoqué, n'informe l'administration d'aucune intention et ne se présente pas à elle, sans justifier, par des raisons d'ordre médical ou matériel, son refus de reprendre son poste, et si, par ailleurs, aucune circonstance particulière, liée notamment à la nature de la maladie pour laquelle il a obtenu un congé, ne peut expliquer son abstention, l'autorité compétente est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.

4. Il résulte de ce qui précède que dans le cas d'une soustraction à une contre-visite sans justification, une mise en demeure de reprendre son poste avant l'expiration de son congé sous peine de radiation des cadres peut être valablement adressée à l'agent.

5. En premier lieu, M. C... ne peut sérieusement soutenir qu'il n'était affecté sur aucun poste et ne pouvait donc être regardé comme devant le rejoindre ni comme l'ayant abandonné dès lors que la mise en demeure du 8 novembre 2017, signée de la sous-directrice de la gestion des ressources humaines, lui indiquait précisément quel poste rejoindre.

6. En deuxième lieu, si M. C... a adressé à son administration un certificat médical daté du 11 octobre 2017 constatant une impossibilité de se rendre à un entretien fixé le 13 octobre 2017 pour évoquer son nouveau poste ainsi qu'un arrêt de travail pour la période du 12 octobre au 11 novembre 2017, il a ensuite été mis en demeure, le 20 octobre suivant, par lettre recommandée avec avis de réception et par courriel, de se rendre à ce contrôle médical ou d'indiquer les raisons qui justifieraient son absence à ce rendez-vous faute de quoi il serait réputé en situation d'abandon de poste sans procédure disciplinaire préalable. Il est constant que M. C... n'a alors fourni aucune explication. Par suite, M. C... pouvait valablement faire l'objet, le 8 novembre 2017, par lettre recommandée avec avis de réception, d'une mise en demeure de rejoindre son poste dans les huit jours, alors même qu'il s'agissait d'un nouveau poste et dès lors que la mise en demeure précisait le poste en cause, l'adresse et le jour de la prise de poste. La circonstance que ce poste était totalement nouveau pour M. C... et qu'il n'y aurait pas été préparé n'est pas de nature à faire regarder comme " inappropié " le délai de huit jours donné par l'administration.

7. En troisième lieu, les courriers du 20 octobre 2017 et du 8 novembre 2017 ont été notifiés par l'administration à la seule adresse connue de l'administration, c'est-à-dire à son domicile personnel situé à Paris. Si M. C... a effectivement informé son administration de son départ à l'étranger le 25 août 2017 par courriel, il n'a pas alors indiqué la durée de son séjour ni son adresse temporaire à l'étranger. Par ailleurs, le courrier du 8 novembre 2017 a fait l'objet d'une réexpédition vers l'Australie par la poste le lendemain à la demande de M. C... de sorte que ce dernier ne saurait se prévaloir d'un délai de conservation du courrier par les services postaux d'une durée de quinze jours. Par suite, et en l'absence de toute obligation pesant sur l'administration de lui faire parvenir cette mise en demeure par courriel, le requérant doit être regardé comme ayant reçu notification régulière de la mise en demeure de rejoindre son poste. Le délai de huit jours qui lui était laissé ne peut, dans ces conditions, être regardé comme trop bref, alors au demeurant que la lettre du 8 novembre 2017 avait été précédée, ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, d'une mise en demeure, datée du 20 octobre précédent, se rendre au rendez-vous de contrôle médical ou de justifier des raisons l'en empêchant sous peine de l'engagement d'une procédure d'abandon de poste.

8. Le requérant soutient enfin que son état de santé ne lui permettait pas de déférer aux mises en demeure qui lui ont été adressées. A cet égard, il produit un certificat médical établi le

13 novembre 2017 par un médecin résidant en Australie, qui se borne à faire état d'une impossibilité de travailler du 13 novembre au 31 décembre 2017 inclus ainsi que, pour la première fois en appel, ainsi qu'un certificat médical du 11 novembre 2017 du docteur Sarah Pak indiquant une détresse extrême, des schémas de pensée négatifs, des sautes d'humeur, et précise qu'il est atteint d'une maladie mentale grave. Il produit également un courrier adressé à son médecin traitant en France du 30 novembre 2017 faisant état d'une dépression assortie de risques suicidaires, évoquant un traitement par anti-dépresseur et précisant que l'intéressé doit rester en Australie. En admettant même que ces nouveaux éléments justifient son absence à l'entretien du 26 octobre, ils ne peuvent, en tout état de cause, justifier l'abstention de M. C... à faire connaître à l'administration que son impossibilité d'assister à cet entretien résultait de son état de santé. Le seul courriel du 19 octobre 2017, rédigé antérieurement aux mises en demeure et indiquant seulement, sans évoquer son état médical ni toute autre raison, qu'il ne pouvait s'y présenter ne peut satisfaire à cette exigence. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée à CGT Educ'action.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme D..., présidente,

- Mme B..., premier conseiller,

- Mme Mach, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2020.

La présidente,

M. D...La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01276


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01276
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-09 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Radiation des cadres.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Celine PORTES
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : BONNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-07-09;19pa01276 ?
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