La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2020 | FRANCE | N°19PA01780

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 01 octobre 2020, 19PA01780


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et M. H... I... ont demandé au tribunal administratif de Paris de dire et juger que M. G... a renoncé expressément à la décision du 19 octobre 2016 par laquelle le maire de Paris ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par ce dernier portant sur une construction existante sise 12 rue du Caire-204 rue de Saint-Denis dans le IIème arrondissement de Paris, et d'annuler ladite décision.

Par un jugement n° 1704666 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulatio

n de cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... et M. H... I... ont demandé au tribunal administratif de Paris de dire et juger que M. G... a renoncé expressément à la décision du 19 octobre 2016 par laquelle le maire de Paris ne s'est pas opposé aux travaux déclarés par ce dernier portant sur une construction existante sise 12 rue du Caire-204 rue de Saint-Denis dans le IIème arrondissement de Paris, et d'annuler ladite décision.

Par un jugement n° 1704666 du 29 mars 2019, le tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de cette décision.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2019 et un mémoire et des pièces enregistrés le 3 juin 2019, M. J... G..., représentée par Me E..., demande à la Cour

1°) d'annuler le jugement n° 1704666 du 29 mars 2019 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. B... A... et par M. H... I... devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de condamner M. B... A... et M. H... I... à une amende de 3 000 euros en application de l'article R. 741-12 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de M. B... A... et de M. H... I... le versement d'une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- MM. A... et I... ne justifient pas d'un intérêt pour agir contre la décision litigieuse en application de l'article L. 600-1-2 du code de justice administrative ; cette décision ne leur cause en outre aucun préjudice ;

- la décision litigieuse ne porte pas atteinte à l'autorité de chose jugée attachée aux décisions du juge judiciaire ;

- cette décision n'est pas intervenue à la suite d'une manoeuvre frauduleuse, dès lors que l'intéressé disposait du droit de déposer la demande de travaux y afférente ;

- MM. A... et I... ont mis en oeuvre un recours abusif qui doit être sanctionné par l'infliction d'une amende.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2019, M. B... A... et M. H... I..., représentés par Me D..., concluent au rejet de la requête, à la condamnation du requérant à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, au versement d'une amende du même montant sur le fondement de l'article R. 741-2 du code de justice administrative et à ce qu'il soit mis la somme de 10 000 euros à sa charge en application de l'article L. 761-1 du même code.

Ils font valoir que :

- le requérant n'a plus intérêt pour agir, dès lors qu'il a annoncé dans son mémoire récapitulatif de première instance du 2 août 2017 qu'il n'entendait plus mettre en oeuvre les travaux autorisés par la décision litigieuse ;

- la fin de non-recevoir qu'il leur oppose est irrecevable faute d'avoir été présentée avant les conclusions aux fond ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- l'acharnement procédural du requérant justifie leur demande de dommages-intérêts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. F...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- les observations de Me E..., avocat de M. G..., et Me D..., avocat de MM. A... et I....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que, ainsi qu'il a été constaté par un procès-verbal dressé le 3 février 2015 par un agent assermenté et habilité, M. G..., propriétaire de divers lots dans un immeuble en copropriété sis 12 rue du Caire-204 rue de Saint-Denis dans le IIème arrondissement de Paris, a fait réaliser, sans autorisation administrative préalable, des travaux consistant à modifier la toiture de cet immeuble, par la transformation de deux lucarnes distinctes en une seule plus large, et par la construction d'une véranda en retrait ainsi que d'une terrasse accessible depuis ladite véranda et surplombant la lucarne. M. G... ayant, le 12 juin 2015, déposé une déclaration préalable afin de régulariser ces travaux, le maire de Paris s'est opposé aux travaux par un arrêté du 15 juillet 2015. Parallèlement, à la demande du syndicat des copropriétaires, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris a par une ordonnance en date du 16 décembre 2015, confirmée par un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 22 novembre 2016, fait injonction à M. G... de démolir, côté rue du Caire, la lucarne agrandie et la terrasse métallique qui la surmonte, de restaurer le toit à l'identique de sa configuration antérieure, soit avec deux lucarnes séparées d'aspect analogue à celles déjà en place, ainsi que de faire enlever la construction métallique mise en place en partie supérieure de la toiture côté cour et côté rue, et de restaurer la toiture à l'identique de sa configuration antérieure, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quatre mois. Par une ordonnance du 23 novembre 2016, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris a en outre prescrit d'autres mesures relatives aux travaux effectués côté cour.

2. Le 11 juillet 2016, M. G... a déposé une déclaration préalable ayant pour objet la démolition de la surélévation et la remise en l'état initial de la toiture par création de deux lucarnes au sixième étage sur rue et une légère rehausse de la toiture en façade arrière côté gauche. Par un arrêté du 19 octobre 2016, le maire de Paris ne s'est pas opposé à l'exécution de ces travaux. Après avoir formé un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté, rejeté par une décision du 17 janvier 2017, MM. A... et I..., copropriétaires dans le même immeuble, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'en prononcer l'annulation pour excès de pouvoir. Par le jugement du 29 mars 2019 dont M. G... relève appel devant la Cour, les premiers juges ont fait droit à leurs conclusions à fin d'annulation.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le non-lieu à statuer :

3. Contrairement à ce que soutiennent MM. A... et I..., M. G... n'a pas perdu tout intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté litigieux de la seule circonstance qu'il aurait déclaré devant les premiers juges ne plus avoir la volonté de réaliser les travaux qui en sont l'objet. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait expressément renoncé au bénéfice de cet arrêté. Dans ces conditions, il y a lieu de statuer sur les conclusions de la requête d'appel tendant à l'annulation du jugement attaqué.

En ce qui concerne l'intérêt à agir des intimés devant les premiers juges :

4. Les dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa version alors en vigueur, ne sont pas applicables à un recours pour excès de pouvoir formé contre une décision de non-opposition à une déclaration préalable de travaux. Par suite, M. G... n'est pas fondé à soutenir que MM. A... et I... ne justifieraient pas d'un intérêt à agir sur le fondement de ces dispositions.

5. En leur double qualité, d'une part de copropriétaires de l'immeuble dans lequel est prévu l'exécution des travaux qui font l'objet de la décision de non-opposition litigieuse, sans qu'y fasse obstacle la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis qui ne réserve pas l'exercice d'une telle action au syndicat des copropriétaires, et d'autre part, de propriétaires de lots situés au même étage ainsi qu'à l'étage immédiatement inférieur de celui des lots du requérant, qui font l'objet des travaux prévus par la décision litigieuse, les intéressés justifient d'un intérêt pour agir suffisant contre cette dernière, et alors que, dans le cadre du contentieux de l'excès de pouvoir, le demandeur n'est pas tenu de démontrer l'existence d'un quelconque préjudice personnel et direct.

6. M. G... n'est, par suite et en tout état de cause, pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu l'intérêt à agir de MM. A... et I... à l'encontre de la décision litigieuse.

En ce qui concerne le fond :

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, d'aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / b) Soit, en cas d'indivision, par un ou plusieurs co-indivisaires ou leur mandataire (...) ". Aux termes de l'article R. 431-35 du même code : " La déclaration préalable précise : a) L'identité du ou des déclarants ; (...) / La déclaration comporte également l'attestation du ou des déclarants qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une déclaration préalable. ". Par ailleurs, comme le rappelle le dernier alinéa de l'article A. 428-4 du même code, le permis est délivré sous réserve du droit des tiers, il vérifie la conformité du projet aux règles et servitudes d'urbanisme, il ne vérifie pas si le projet respecte les autres réglementations et les règles de droit privé. Toute personne s'estimant lésée par la méconnaissance du droit de propriété ou d'autres dispositions de droit privé peut donc faire valoir ses droits en saisissant les tribunaux civils, même si le permis respecte les règles d'urbanisme.

8. Il résulte de ces dispositions que, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l'attestation prévue à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme selon laquelle il remplit les conditions fixées par l'article R. 423-1 du même code doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte également de ces dispositions qu'une demande d'autorisation d'urbanisme concernant un bien soumis au régime juridique de la copropriété peut être régulièrement présentée par son propriétaire, son mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par lui à exécuter les travaux, alors même que la réalisation de ces travaux serait subordonnée à l'autorisation de l'assemblée générale de la copropriété, une contestation sur ce point ne pouvant être portée, le cas échéant, que devant le juge judiciaire. Une telle contestation ne saurait, par elle-même, caractériser une fraude du pétitionnaire entachant d'irrégularité la demande d'autorisation d'urbanisme.

9. En l'espèce, lors de l'assemblée générale du syndicat des propriétaires réunie le 2 juin 2016, soit préalablement au dépôt de la demande qui a donné lieu à l'arrêté du 19 octobre 2016, M. G... a soumis au vote une proposition de résolution comportant des engagements sur les travaux de remise en état établi par un architecte et un bureau d'études, consistant à conserver la ceinture de poutres métalliques à la place de la charpente d'origine. Il a également demandé aux copropriétaires de renoncer à réclamer le bénéfice de l'astreinte prononcée par l'ordonnance du juge des référés sous réserve notamment qu'il dépose, avant le 1er juillet 2016, une demande d'autorisation de travaux concernant son nouveau projet. Cette proposition a été rejetée par les copropriétaires, qui ont en revanche adopté une résolution confiant une mission d'études pour la remise en état à l'architecte de la copropriété et précisant que cette remise en état ne se ferait pas strictement à l'identique, et que M. G... demandait la mise en place d'une verrière, de sorte que le projet serait en tout état de cause soumis ultérieurement à l'approbation des copropriétaires lors d'une nouvelle assemblée générale. Ainsi, quoique les travaux déclarés à la ville de Paris par M. G... n'avaient pas fait l'objet d'un accord préalable de la copropriété, une telle hypothèse n'était alors pas irréalisable, alors même que les parties étaient dans l'attente, à cette date, de la décision de la Cour d'appel sur le recours formé par M. G... à l'encontre de la décision du juge des référés du 16 décembre 2015. La décision du syndicat des copropriétaires refusant finalement les travaux demandés par le requérant n'est intervenue que lors d'une assemblée générale réunie le 28 février 2017, soit postérieurement à l'intervention de l'arrêté litigieux. Par suite, et alors que le maire de Paris a, en notifiant l'arrêté litigieux au requérant, rappelé à l'intéressé qu'il lui incombait d'obtenir l'approbation de la copropriété avant sa mise en oeuvre, ledit arrêté ne peut être regardé comme ayant été obtenu par fraude. Il s'ensuit que M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a, par le jugement attaqué, prononcé l'annulation dudit arrêté, et est fondé à demander à la Cour d'annuler ce jugement.

10. Saisie par l'effet dévolutif de l'appel, la Cour doit examiner les autres moyens de la demande présentée par MM. A... et I... devant les premiers juges

11. MM. A... et I... soutiennent que les travaux déclarés par M. G... ne satisfont pas à l'intégralité des injonctions prononcées par l'ordonnance du juge des référés du 16 décembre 2015, dès lors que la remise en état des lieux n'est pas strictement à l'identique à celui d'origine. Toutefois, dès lors que n'est pas imposée l'obtention d'une autorisation d'urbanisme unique pour l'ensemble des travaux en cause, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté litigieux, qui ne méconnait pas sur ce point l'autorité de la chose jugée par l'autorité judiciaire.

12. Il s'ensuit que la demande présentée par MM. A... et I... devant les premiers juges doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin de dommages-intérêts :

13. Sauf dispositions législatives spéciales, telles que celles de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme, des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation des requérants à verser des dommages et intérêts pour procédure abusive ne sont pas recevables à l'occasion d'une instance engagée dans le cadre du contentieux de l'excès de pouvoir.

Sur les conclusions à fin d'infliction d'une amende pour recours abusif :

14. La faculté d'infliger au requérant une amende pour recours abusif, prévue par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, constitue un pouvoir propre du juge. Par suite, sont irrecevables les conclusions du requérant d'appel tendant à la condamnation de demandeurs de première instance à une telle amende. Sont également irrecevables les conclusions aux mêmes fins l'intimé dirigées contre le requérant d'appel.

15. Les conclusions de l'ensemble des parties tendant à la mise en oeuvre des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doivent donc être rejetées.

Sur les frais du litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge M. G..., qui n'est la partie perdante dans la présente instance, sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de MM. A... et I... le versement de la somme réclamée par M. G... sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1704666 du 29 mars 2019 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de M. G..., la demande présentée par M. B... A... et de M. H... I... devant le tribunal administratif de Paris et leurs conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... G..., à M. B... A... et à M. H... I... et à la Ville de Paris.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. F..., président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.

Le rapporteur,

S. F...Le président,

J. LAPOUZADE Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01780


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01780
Date de la décision : 01/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Procédure d'attribution - Instruction de la demande.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : LEBRUN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-10-01;19pa01780 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award