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03/12/2020 | FRANCE | N°19PA04196

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 03 décembre 2020, 19PA04196


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision par laquelle l'inspecteur du travail a rejeté, le 9 mai 2018, la demande d'autorisation de le licencier présentée par la société Club Med et, d'autre part, autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1824628/3-3 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 octobre 2018 par laquelle la ministre du travail a, d'une part, annulé la décision par laquelle l'inspecteur du travail a rejeté, le 9 mai 2018, la demande d'autorisation de le licencier présentée par la société Club Med et, d'autre part, autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1824628/3-3 du 22 octobre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la Cour :

1°) de surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Versailles saisi d'un recours à fin de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident déclaré le 21 mai 2018 ;

2°) d'annuler le jugement n°1824628/3-3 du 22 octobre 2019 du tribunal administratif de Paris ;

3°) d'annuler la décision du 29 octobre 2018 de la ministre du travail ;

4°) de mettre à la charge de la société Club Med le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la Cour doit surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Versailles du fait du lien entre le recours à fin de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident déclaré le 21 mai 2018 pendant devant ce tribunal et le présent litige dès lors qu'en cas de reconnaissance de sa qualité de salarié protégé au titre de la législation sur les accidents de travail, son licenciement par la société Club Med sera déclaré nul et l'autorisation de licenciement accordée par la ministre du travail n'aura plus lieu d'être ;

- la ministre du travail n'était pas compétente pour statuer sur le bien-fondé de la demande de licenciement pour faute grave dont il faisait l'objet ; elle ne pouvait pas se fonder sur les dispositions de l'article L. 2411-7 du code du travail dès lors que le délai de protection qui lui était accordé du fait de sa qualité de candidat aux élections du comité social et économique du 23 février 2018 était expiré à la date de son licenciement le 26 novembre 2018 et qu'il devait bénéficier de la protection au titre de la législation sur les accidents de travail ;

- il n'a pas pu avoir accès à son ordinateur professionnel pour obtenir les éléments nécessaires pour préparer sa défense ;

- la décision du 29 octobre 2018 de la ministre du travail est insuffisamment motivée ;

- le caractère fautif des faits qui lui sont reprochés n'est pas établi ; en tout état de cause, ces faits ne présentent pas un degré de gravité suffisant pour justifier la mesure de licenciement ;

- il est victime d'une discrimination syndicale et la mesure de licenciement fait suite à une situation de harcèlement moral l'ayant conduit à déclarer un accident du travail le 21 mai 2018 ;

- la procédure de reconnaissance de l'accident de travail dont il a été victime était en cours à la date du licenciement ; il devait ainsi bénéficier de la protection prévue par les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail ;

- la qualification de faute grave n'a été utilisée par l'employeur que pour contourner les règles protectrices du salarié exerçant des fonctions représentatives et du salarié victime d'un accident du travail ; la décision de la ministre du travail est ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2020, la société Club Med, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2020, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle renvoie à ses écritures de première instance qu'elle a jointes au présent mémoire.

Un mémoire présenté pour M. B... a été enregistré le 12 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

- et les observations de Me C..., avocat de M. B... et de Me E..., avocat de la société Club Med.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par la société Jet Tours le 23 août 2004 en qualité d'attaché commercial. Le 1er août 2008, son contrat de travail a été transféré à la société Club Med et M. B... a occupé les fonctions de chargé de clientèle au sein du service Club Med Meeting et Events. Par ailleurs, il a été candidat aux élections du comité social et économique du 23 février 2018. La société Club Med a, par une lettre du 27 mars 2018, demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. B.... Par une décision du 9 mai 2018, l'inspecteur du travail a refusé d'accorder cette autorisation. Saisi d'un recours hiérarchique formé par la société Club Med, la ministre du travail a, par une décision du 29 octobre 2018, d'une part, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 9 mai 2018 et, d'autre part, autorisé le licenciement de M. B.... Ce dernier relève appel du jugement du 22 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur les conclusions aux fins de sursis à statuer :

2. Aux termes de l'article L. 1226-7 du code du travail : " Le contrat de travail du salarié victime d'un accident du travail, autre qu'un accident de trajet, ou d'une maladie professionnelle est suspendu pendant la durée de l'arrêt de travail provoqué par l'accident ou la maladie. Le contrat de travail est également suspendu pendant le délai d'attente et la durée du stage de réadaptation, de rééducation ou de formation professionnelle que doit suivre l'intéressé, conformément à l'avis de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles. (...) ". Aux termes de l'article L. 1226-9 du même code : " Au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut rompre ce dernier que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. ".

3. M. B... soutient que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, la Cour doit surseoir à statuer dans l'attente du jugement du tribunal de grande instance de Versailles saisi d'un recours à fin de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident déclaré le 21 mai 2018 dès lors qu'en cas de reconnaissance de sa qualité de salarié protégé au titre de la législation sur les accidents de travail, le licenciement prononcé le 26 novembre 2018 sera déclaré nul et l'autorisation de licenciement accordée par la ministre du travail le 29 octobre 2018 sera privée d'objet. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de son recours hiérarchique formé à l'encontre de la décision du 9 mai 2018 de l'inspecteur du travail, la société Club Med a informé la ministre du travail de l'accident de M. B... le 21 mai 2018 qu'elle a déclaré comme accident de travail en émettant les plus grandes réserves quant à cette qualification et de l'arrêt de travail de l'intéressé à la suite de cet accident qui était en cours à la date de son recours. Par ailleurs, le 25 septembre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines a refusé de reconnaître le caractère professionnel de cet accident. Il s'ensuit que la ministre du travail, qui a eu connaissance de la déclaration d'accident de travail de M. B... et de son arrêt de travail, a nécessairement contrôlé le respect de l'ensemble des règles applicables à son contrat de travail avant de rendre sa décision du 29 octobre 2018 annulant la décision de l'inspecteur du travail du 9 mai 2018 et autorisant son licenciement. Dans ces conditions, les conclusions aux fins de sursis à statuer dans l'attente de la décision du juge judiciaire présentées par M. B... doivent être rejetées

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe de la décision de la ministre du travail :

4. En premier lieu, en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Cette autorisation est requise si le salarié bénéficie de la protection attachée à son mandat à la date de l'envoi par l'employeur de sa convocation à l'entretien préalable au licenciement.

5. Aux termes de l'article L. 2411-7 du code du travail : " L'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, à partir de la publication des candidatures. La durée de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur. Cette autorisation est également requise lorsque la lettre du syndicat notifiant à l'employeur la candidature aux fonctions de membre élu à la délégation du personnel du comité social et économique a été reçue par l'employeur ou lorsque le salarié a fait la preuve que l'employeur a eu connaissance de l'imminence de sa candidature avant que le candidat ait été convoqué à l'entretien préalable au licenciement. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été candidat aux élections du comité social et économique du 23 février 2018. En application des dispositions précitées du code du travail, il bénéficiait de la protection attachée à cette candidature à la date de la remise en mains propres par l'employeur de la convocation à l'entretien préalable au licenciement le 7 mars 2018 et dès lors l'autorisation administrative de procéder à son licenciement était requise. A supposer même que l'accident du travail déclaré par M. B... le 21 mai 2018 soit regardé comme un accident professionnel, le caractère professionnel de cet accident n'aurait pas pour effet de priver la ministre du travail de sa compétence pour se prononcer sur l'autorisation de licenciement du salarié. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la ministre du travail à la date de la décision contestée ne peut qu'être écarté.

7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la demande de M. B... tendant à consulter ses courriels, la société Club Med a proposé le 23 avril 2018 de mettre à sa disposition son ordinateur professionnel et une imprimante dans une salle réservée à cet effet le 30 avril ou le 3 mai 2018. Si cette consultation est intervenue après l'entretien avec l'inspectrice du travail qui a eu lieu le 16 avril 2018, M. B... a toutefois été reçu, dans le cadre de l'examen du recours hiérarchique formé par la société Club Med, le 6 septembre 2018, par le directeur du travail de l'Unité départementale de Paris et a pu alors, comme cela ressort du rapport de contre-enquête versé au dossier, présenter ses observations. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il ne disposait pas des éléments nécessaires pour préparer sa défense et que le principe du contradictoire aurait été méconnu.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; (...) 7° Refusent une autorisation (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

9. Pour annuler la décision de l'inspecteur du travail du 9 mai 2018 et accorder l'autorisation de licencier M. B... pour faute, la ministre du travail a, après avoir visé notamment l'article L. 2411-7 du code travail, estimé que les manquements à l'obligation de loyauté envers l'employeur et de confidentialité reprochés à M. B... étaient établis au regard notamment des attestations de clients présentées par la société Club Med, que ces manquements étaient fautifs et d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement en l'absence de tout lien avec la candidature de M. B... aux élections du comité social et économique. Cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est ainsi suffisamment motivée.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.

11. En premier lieu, la société Club Med a reproché à M. B..., en sa qualité de chargé de clientèle ayant pour mission de prospecter des sociétés en vue d'organiser des évènements destinés à leurs collaborateurs, d'avoir enregistré informatiquement des sociétés en tant qu'apporteurs d'affaires dans dix dossiers concernant huit clients alors que ces clients l'avaient directement contacté pour organiser des séjours ou des séminaires pour leurs salariés et d'avoir ainsi permis à ces sociétés apporteurs d'affaires d'établir des notes d'honoraires nécessitant la communication préalable d'informations sensibles sur la conclusion de contrats commerciaux avec ces clients afin d'être rémunérées par la société Club Med à hauteur d'un pourcentage sur le montant des évènements organisés pour ces sociétés clientes. La société Club Med a estimé que les agissements de M. B... constituaient des manquements fautifs à son obligation de loyauté envers son employeur et à son obligation de confidentialité.

12. Il ressort des pièces versées au dossier par la société Club Med que les dossiers en cause ont initialement été enregistrés au nom des sociétés clientes et que les devis des prestations sollicitées leur ont été directement adressés. Si M. B... soutient que les noms des sociétés apporteurs d'affaires ne sont renseignés informatiquement qu'après que les noms des clients sont mentionnés, il ressort toutefois du guide pratique " apporteurs d'affaires avec note d'honoraire " de la société Club Med que le chargé de clientèle doit créer une offre initiale au nom de l'apporteur d'affaires qui est le destinataire des premiers devis dès lors que le nom du client final n'est pas encore connu et ce n'est que lorsque le client final demande un contrat pour la prestation proposée via l'apporteur d'affaires que le dossier créé au nom de l'apporteur d'affaires est modifié et enregistré au nom du client final, l'intermédiaire au nom duquel le dossier a été initialement créé apparaissant alors comme apporteur d'affaires. Par ailleurs, il ressort du courriel de juillet 2016 adressé par la direction communication corporate de la société Guilde des lunetiers, corroboré par l'attestation de son président directeur général en date du 5 mars 2018, ainsi que des attestations des dirigeants ou des responsables des services organisant des évènements pour les salariés des huit autres sociétés clientes concernées, que ces dernières ont contacté directement M. B... afin de connaître les propositions commerciales de la société Club Med et qu'elles n'ont pas eu recours aux apporteurs d'affaires mentionnés dans leurs dossiers qu'elles ont affirmé ne pas connaître. En outre, en réponse aux demandes d'information adressées aux dirigeants des quatre sociétés apporteurs d'affaires enregistrées dans ces dossiers, deux de ces sociétés se sont bornées à affirmer qu'elles " ont communiqué des éléments d'information à M. B... sur les attentes des clients afin qu'il puisse commercialiser encore plus efficacement le produit Club Med " et que n'ayant pas agi en qualité d'agences mandatées par un tiers, elles n'avaient pas de justificatifs à fournir. Si M. B... soutient que les sociétés clientes ne sont jamais informées de l'intervention des apporteurs d'affaires qui agissent toujours de manière informelle, il ne produit toutefois aucun élément, à l'exception des captures d'écran informatique des dossiers des sociétés clientes qu'il a lui-même créés et complétés, de nature à établir la réalité de l'intervention des apporteurs d'affaires dans les dix dossiers en cause alors qu'au demeurant ces allégations sont contredites par la procédure décrite dans le guide pratique " apporteurs d'affaires avec note d'honoraire " interne à la société Club Med. Ainsi, les sociétés clientes n'ayant jamais été en contact avec les quatre sociétés apporteurs d'affaires mentionnées dans leurs dossiers créés informatiquement par M. B..., les éléments confidentiels sur les prestations commerciales mentionnés dans les notes honoraires adressées par les sociétés apporteurs d'affaires à la société Club Med émanent nécessairement de M. B... qui avait en charge ces dossiers clients. Il n'est pas contesté que M. B... a transmis au service en charge du paiement les factures émanant des sociétés présentées en qualité d'apporteur d'affaires dans les dix dossiers en cause et a, par ailleurs, fait plusieurs relances pour que la facture émise dans le cadre du dossier de la société Guide des lunetiers soit payée. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la matérialité des manquements de M. B... à son obligation de loyauté envers son employeur et à son obligation de confidentialité est établie.

13. En deuxième lieu, eu égard à la qualité de chargé de clientèle de M. B..., au préjudice financier d'un montant de 37 911,13 euros et au préjudice à la réputation et à l'image du service Meetings et Events de la société Club Med auprès des clients concernés, les manquements de M. B... sont constitutifs d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, à supposer même que l'intéressé ait eu auparavant un comportement irréprochable. Dans ces conditions, la ministre du travail a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, autoriser le licenciement de M. B....

14. En troisième lieu, il ressort des termes de la demande adressée par la société Club Med à l'inspecteur du travail que celle-ci a sollicité l'autorisation de procéder au licenciement pour faute grave de M. B... le 27 mars 2018, soit avant l'accident du 21 mai 2018 qualifié d'accident de travail par M. B... et alors que le contrat de travail de M. B... n'était pas en tout état de cause suspendu. Dans ces conditions, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la qualification de " faute grave " aurait été utilisée par l'employeur afin de contourner les règles protectrices du salarié victime d'un accident du travail prévues notamment par l'article L. 1226-9 du code du travail, ni que la décision de la ministre du travail, en ne retenant pas un tel détournement de procédure, serait entachée d'une erreur d'appréciation.

15. En quatrième lieu, les manquements de M. B... sont constitutifs, comme il a été dit, d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement qui doit être regardée comme une faute grave au sens des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail. Par suite, le requérant ne peut en tout état de cause soutenir qu'il entrait dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail.

16. En cinquième et dernier lieu, M. B... se borne à reproduire en appel le moyen, sans l'assortir d'éléments nouveaux, qu'il avait développé dans sa demande de première instance, tiré de l'existence d'un lien entre la mesure de licenciement et la présentation de sa candidature aux élections du comité social et économique. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, d'écarter ce moyen repris en appel par M. B....

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Club Med, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande M. B... au titre des frais liés à l'instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le paiement à la société Club Med de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera à la société Club Med la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Club Med et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Luben, président,

- Mme Collet, premier conseiller,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2020.

Le président de la formation de jugement,

I. LUBEN

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 19PA04196


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA04196
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : JUILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-12-03;19pa04196 ?
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