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19/01/2021 | FRANCE | N°20PA01866

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 19 janvier 2021, 20PA01866


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 octobre 2019 par laquelle le préfet de Paris a ordonné son expulsion du territoire français.

Par une ordonnance n° 1927976/4 du 27 mars 2020, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, M.

D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1927976/4 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 18 octobre 2019 par laquelle le préfet de Paris a ordonné son expulsion du territoire français.

Par une ordonnance n° 1927976/4 du 27 mars 2020, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme manifestement irrecevable, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1927976/4 du 27 mars 2020 du président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de renvoyer l'examen de l'affaire au fond devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son recours est recevable ;

- la demande de régularisation du 3 janvier 2020 était ambigüe, n'invitait pas explicitement son conseil à ajouter des signets ou les intitulés de chaque pièce à l'intérieur des fichiers, ne faisait que rappeler cette règle et se bornait à expliquer les conditions de régularisation ;

- seul l'arrêté d'expulsion contesté était joint au recours, le choix ayant été fait de n'adresser qu'ultérieurement les pièces justificatives de sa situation ; on ne pouvait donc pas raisonnablement lui reprocher de ne pas avoir classé par signet une seule et unique pièce jointe, au demeurant téléchargée dans un fichier distinct de la requête ;

- l'ordonnance attaquée a été rendue le 27 mars 2020 en période de pandémie et semble avoir été prise avec la plus grande rigidité.

La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Pena, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 18 octobre 2019, le préfet de police a pris un arrêté d'expulsion du territoire français à l'encontre de M. D..., ressortissant jamaïcain, qui serait entré en France le 7 novembre 2013, au motif que ce dernier avait fait l'objet de trois condamnations pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. M. D... relève appel de l'ordonnance

du 27 mars 2020 par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête et demande à la cour de renvoyer l'examen de l'affaire au fond devant le tribunal.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. D'une part, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel (...) peuvent, par ordonnance : (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ". Selon l'article R. 612-1 du même code : " Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. (...). La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7 ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ou leurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées d'une copie. Ces obligations sont prescrites aux parties sous peine de voir leurs pièces écartées des débats après invitation à régulariser non suivie d'effet ". Selon l'article R. 414-1 du même code : " Lorsqu'elle est présentée par un avocat (...), la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet (...) ". Aux termes des dispositions de l'article R. 414-3 du même code : " (...) Les pièces jointes sont présentées conformément à l'inventaire qui en est dressé. Lorsque le requérant transmet, à l'appui de sa requête, un fichier unique comprenant plusieurs pièces, chacune d'entre elles doit être répertoriée par un signet la désignant conformément à l'inventaire mentionné ci-dessus. S'il transmet un fichier par pièce, l'intitulé de chacun d'entre eux doit être conforme à cet inventaire. Le respect de ces obligations est prescrit à peine d'irrecevabilité de la requête ".

4. Les dispositions citées au point 3, relatives à la transmission de la requête et des pièces qui y sont jointes par voie électronique, définissent un instrument et les conditions de son utilisation qui concourent à la qualité du service public de la justice rendu par les juridictions administratives et à la bonne administration de la justice. Elles ont pour finalité de permettre un accès uniformisé et rationalisé à chacun des éléments du dossier de la procédure, selon des modalités communes aux parties, aux auxiliaires de justice et aux juridictions.

5. Ces dispositions organisent la transmission par voie électronique des pièces jointes à la requête à partir de leur inventaire détaillé. Cet inventaire doit s'entendre comme une présentation exhaustive des pièces par un intitulé comprenant, pour chacune d'elles, un numéro dans un ordre continu et croissant ainsi qu'un libellé suffisamment explicite.

6. Ces dispositions imposent également, eu égard à la finalité mentionnée au point 4, de désigner chaque pièce dans l'application Télérecours au moins par le numéro d'ordre qui lui est attribué par l'inventaire détaillé, que ce soit dans l'intitulé du signet la répertoriant dans le cas de son intégration dans un fichier unique global comprenant plusieurs pièces ou dans l'intitulé du fichier qui lui est consacré dans le cas où celui-ci ne comprend qu'une seule pièce. Dès lors, la présentation des pièces jointes est conforme à leur inventaire détaillé lorsque l'intitulé de chaque signet au sein d'un fichier unique global ou de chaque fichier comprenant une seule pièce comporte au moins le même numéro d'ordre que celui affecté à la pièce par l'inventaire détaillé. En cas de méconnaissance de ces prescriptions, la requête est irrecevable si le requérant n'a pas donné suite à l'invitation à régulariser que la juridiction doit, en ce cas, lui adresser par un document indiquant précisément les modalités de régularisation de la requête.

7. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le conseil de M. D... a transmis le 30 décembre 2019, via l'application Télérecours, un fichier unique contenant la requête accompagnée d'une seule pièce jointe, à savoir la décision attaquée. Le tribunal administratif a lui alors adressé, le 3 janvier 2020 une demande de régularisation tendant à la production d'un inventaire détaillé et donnant des explications quant à la présentation requise des pièces jointes. Il n'a pas été donné suite à cette demande.

8. La présentation dans un seul fichier de la requête et d'une unique pièce, à savoir la décision attaquée et non de plusieurs pièces comme l'indique à tort l'ordonnance litigieuse-, unies entre elles par un lien logique et en conformité avec l'inventaire, n'était pas en elle-même contraires aux dispositions précitées, elle n'entravait pas la facilité de lecture du dossier dématérialisé, ni n'interdisait un accès uniformisé et rationalisé à ses éléments. La requête était en conséquence, recevable. Au surplus, le courrier du 3 janvier 2020 portant demande de régularisation ne pouvait être opposé au requérant, faute de préciser en quoi cette requête, aurait été in concreto, irrecevable.

9. Il y a lieu, par suite, d'annuler l'ordonnance attaquée et, faisant droit à la demande du requérant, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris afin qu'il soit statué à nouveau sur la demande de M. D....

Sur les frais d'instance :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. D... fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dirigées contre l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : L'ordonnance du président du tribunal administratif de Paris du 27 mars 2020 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Paris.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. D... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée pour information au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2021 à laquelle siégeaient :

M. C..., premier vice-président,

M. Bernier, président assesseur,

Mme A..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2021.

Le rapporteur,

M-D. A...Le président,

M. C...

Le greffier,

A. DUCHER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 08PA04258

2

N° 20PA01866


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01866
Date de la décision : 19/01/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

54-01-08 Procédure. Introduction de l'instance. Formes de la requête.


Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. BOULEAU
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : BOUDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-01-19;20pa01866 ?
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