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11/02/2021 | FRANCE | N°20PA01533

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 11 février 2021, 20PA01533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités maltaises responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1925572 du 9 janvier 2020, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler

le jugement n° 1925572 du 9 janvier 2020 du président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 novembre 2019 par lequel le préfet de police a décidé sa remise aux autorités maltaises responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1925572 du 9 janvier 2020, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 juin 2020, Mme D..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1925572 du 9 janvier 2020 du président du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 20 novembre 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une attestation de demande d'asile ainsi que le formulaire de demande d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Mme D... soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu ;

- elle n'a pas bénéficié d'un entretien individuel mené par une personne qualifiée en vertu du droit national au sens de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté contesté a été pris en application d'un critère erroné de détermination de l'État membre responsable de sa demande d'asile, caractérisant un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- le préfet de police a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par un courrier du 27 juillet 2020, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision de la Cour était susceptible d'être fondée sur un moyen d'ordre public tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer sur la requête, dans la mesure où l'arrêté de transfert du 20 novembre 2019 n'est plus susceptible d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois ayant couru à compter de la notification du jugement du 9 janvier 2020 au préfet de police.

Par un mémoire enregistré le 6 août 2020, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Le préfet de police soutient que :

- il y a toujours lieu de statuer sur la requête, dès lors que le délai de six mois durant lequel l'arrêté de transfert doit être exécuté a été porté à dix-huit mois en raison de l'état de fuite de l'intéressée ;

- les moyens invoqués par Mme D... ne sont pas fondés.

Par une décision du 25 février 2020, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme D... à l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante ivoirienne, est entrée irrégulièrement sur le territoire français et a présenté une demande d'asile au guichet unique des demandeurs d'asile de Paris le 17 septembre 2019. La consultation du fichier " Eurodac " a révélé que l'intéressée a franchi irrégulièrement les frontières de Malte, État dans lequel elle a été enregistrée le 29 mars 2019 et le 16 mai 2019. Le préfet de police a adressé aux autorités maltaises une demande de prise en charge de l'intéressée le 19 septembre 2019, qu'elles ont acceptée le 23 septembre 2019. Le préfet de police a alors décidé, par l'arrêté contesté du 20 novembre 2019, de remettre Mme D... aux autorités maltaises responsables de l'examen de sa demande d'asile. L'intéressée fait appel du jugement du 9 janvier 2020 par lequel le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Contrairement à ce que soutient Mme D..., le premier juge a répondu au point 7 du jugement attaqué au moyen tiré de ce que le préfet de police aurait saisi les autorités maltaises sur le fondement d'un critère erroné de détermination de l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le bien-fondé de cette réponse est sans incidence sur la régularité de ce jugement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation du jugement doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3 (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... s'est vue remettre par les services préfectoraux, contre signature, les 17 et 18 septembre 2019, le guide du demandeur d'asile ainsi que trois brochures d'information : " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", dite " brochure A ", " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", dite brochure B, et " Les empreintes digitales et Eurodac ". Ces documents ont été remis à l'intéressée en langue française, qu'elle a déclaré comprendre, comme le malinké, langue dans laquelle s'est déroulée son entretien individuel. En outre, le résumé de cet entretien, signé par la requérante, précise que le guide du demandeur d'asile et le document d'information sur les règlements communautaires lui ont été remis. Ainsi, Mme D... n'est pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la garantie prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a bénéficié, le 18 septembre 2019, dans les locaux de la préfecture de police, d'un entretien individuel assuré par un agent du 12ème bureau de la direction de la police générale de la préfecture de police, service chargé d'instruire les demandes d'asile, assistée d'un interprète en langue malinké alors même qu'elle comprend la langue française ainsi qu'elle l'a déclaré. Si cet agent n'est pas identifié sur le compte-rendu d'entretien, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'entretien n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national, ayant reçu la formation nécessaire et disposant des connaissances appropriées. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n° 603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment du document établi le 17 septembre 2019 par la direction générale des étrangers en France, que les recherches effectuées dans le fichier Eurodac ont mis en évidence que les empreintes de Mme D... sont identiques à celles relevées par les autorités maltaises le 29 mars 2019 sous le numéro MT 2 0456/19, correspondant aux empreintes relevées à la suite de l'interpellation de l'intéressée en raison de son franchissement irrégulier de la frontière maltaise en provenance d'un pays tiers, puis le 16 mai 2019 sous le numéro MT 1 0456/19, correspondant à celles relevées lors de l'enregistrement de sa demande d'asile. Le franchissement irrégulier de la frontière datant de moins de douze mois, les autorités maltaises étaient ainsi responsables de l'examen de la demande d'asile de Mme D... sur le fondement de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, alors même que ces autorités auraient pu être regardées comme responsables également sur le fondement de l'article 18 du même règlement. Dans ces conditions, le préfet de police a légalement pu considérer que les autorités maltaises devaient être regardées comme responsables de l'examen la demande d'asile de l'intéressée et décider de la remettre à ces autorités. Les moyens tirés du défaut de base légale, de l'erreur de droit et du défaut d'examen particulier de la situation personnelle doivent ainsi être écartés.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. ".

11. Mme D... soutient que sa demande d'asile ne serait pas examinée par les autorités maltaises, du fait des défaillances systémiques dans ce pays. Toutefois, Malte est un État membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Mme D... se borne à des allégations générales selon lesquelles il existerait des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile à Malte et ne produit aucun élément de nature à établir qu'il existerait des raisons sérieuses de croire à l'existence de telles défaillances dans la procédure d'asile ou que sa demande d'asile ne sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile en cas de transfert vers ce pays. Par suite, le préfet de police n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire qu'il tient de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête, y compris ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doit ainsi être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Platillero, président de la formation de jugement,

- Mme Marion, premier conseiller,

- M. C..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 février 2021.

Le rapporteur,

B. C...Le président,

F. PLATILLERO

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA01533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01533
Date de la décision : 11/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: M. Bruno SIBILLI
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : REDLER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-02-11;20pa01533 ?
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