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04/03/2021 | FRANCE | N°19PA01381

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 04 mars 2021, 19PA01381


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

I°- Par une première demande, enregistrée le 2 février 2016 sous le n° 1600953 :

1°) d'annuler la décision du 10 décembre 2015 par laquelle le maire d'Ivry-sur-Seine n'a pas renouvelé son contrat à durée déterminée au-delà de son échéance fixée au 31 mars 2016, ainsi que la décision du 4 février 2016 de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Ivry-sur-Seine une somme de 2 500 eur

os au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II°- Par une de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... a demandé au Tribunal administratif de Melun :

I°- Par une première demande, enregistrée le 2 février 2016 sous le n° 1600953 :

1°) d'annuler la décision du 10 décembre 2015 par laquelle le maire d'Ivry-sur-Seine n'a pas renouvelé son contrat à durée déterminée au-delà de son échéance fixée au 31 mars 2016, ainsi que la décision du 4 février 2016 de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Ivry-sur-Seine une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II°- Par une deuxième demande, enregistrée le 3 février 2016 sous le n° 1600983 :

1°) d'annuler le compte-rendu d'entretien professionnel réalisé au titre de l'année 2015, la décision en date du 20 janvier 2016 par laquelle le maire d'Ivry-sur-Seine a refusé de modifier le contenu de ce compte-rendu d'évaluation professionnelle, ainsi que la décision du 4 février 2016 de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Ivry-sur-Seine une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement no 1600953-1600983 du 21 février 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif, enregistrés les 23 avril 2019 et 21 juin 2019, Mme F..., représentée par Me C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1600953-1600983 du 21 février 2019 du Tribunal administratif de Melun en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision du 10 décembre 2015 du maire d'Ivry-sur-Seine de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée au-delà de son échéance fixée au 31 mars 2016, et contre la décision du 4 février 2016 de rejet de son recours gracieux ;

2°) d'annuler la décision du 10 décembre 2015 par laquelle le maire d'Ivry-sur-Seine a décidé de ne pas renouveler son contrat à durée déterminée au-delà de son échéance fixée au 31 mars 2016, ainsi que la décision du 4 février 2016 de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune d'Ivry-sur-Seine de tirer les conséquences de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Seine-Saint-Denis du 13 juin 2015 et, revenant sur son refus de modifier son contrat afin de prendre les mesures lui permettant de bénéficier des dispositions de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984.

Elle soutient que le refus de renouveler son contrat à durée déterminée méconnaît les dispositions de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article L. 323-3 du code du travail, devenu l'article L. 5212-13 du code du travail, car la commune était tenue de modifier, à compter du 11 février 2015, son contrat de travail pour tenir compte de sa qualité de travailleur handicapé, reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Seine-Saint-Denis sur la période du 11 février 2015 au 10 février 2020.

Par un mémoire en défense enregistré, le 19 février 2020, la commune d'Ivry-sur-Seine, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune oppose une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la requête en raison de la méconnaissance de l'article R. 414-3 du code de justice administrative et de la jurisprudence en ce que le signet intitulé " Pièce n° 7, 8 et 9 : Productions requérante 1 à 57 " ne désigne pas de manière exhaustive et précise le contenu des documents auxquels il se réfère et soutient que la requête n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;

- le décret n° 96-1087 du 10 décembre 1996 ;

- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Lescaut, rapporteur public,

- les observations de Me C..., pour Mme F..., et celles de Me B..., pour la commune d'Ivry-sur-Seine.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... a été recrutée, par la commune d'Ivry-sur-Seine, en application de plusieurs contrats à durée déterminée (CDD), à partir du 1er avril 2010, pour pourvoir un poste vacant d'ingénieur territorial dans l'attente du recrutement d'un fonctionnaire. Son dernier CDD daté du 20 mars 2015 arrivait à échéance le 31 mars 2016. Par un courrier du 10 août 2015, Mme F... a demandé au maire d'Ivry-sur-Seine de modifier son CDD à compter du 11 février 2015 pour tenir compte de sa qualité de travailleur handicapé reconnue sur la période du 11 février 2015 au 10 février 2020 par une décision du 29 juin 2015 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de Seine-Saint-Denis et de la placer en stage en vue de sa titularisation dans le cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux. Par une décision du 10 décembre 2015, confirmée le 4 février 2016, le maire de la commune d'Ivry-sur-Seine a décidé de ne pas renouveler le contrat de Mme F... au-delà de son échéance du 31 mars 2016. Le 18 décembre 2015, le maire d'Ivry-sur-Seine a informé Mme F... qu'il ne donnerait pas suite à sa demande de modification de son contrat de travail du fait de son non-renouvellement. Le 4 février 2016, le maire d'Ivry-sur-Seine a rejeté le recours gracieux exercé par la requérante contre sa décision du 20 janvier 2016 de ne pas réviser son compte-rendu d'évaluation professionnelle du 19 novembre 2015 au titre de l'année 2015. Par une première requête, enregistrée sous le n° 1600953, Mme F... a demandé au Tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 10 décembre 2015 de non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, ainsi que le rejet du 4 février 2016 de son recours gracieux. Par une seconde requête, enregistrée sous le n° 1600983, Mme F... a demandé à ce même tribunal d'annuler son compte-rendu d'évaluation professionnelle du 19 novembre 2015, la décision du 20 janvier 2016 de rejet de sa demande de révision de son évaluation professionnelle et la décision du 4 février 2016 de rejet de son recours gracieux contre le refus de révision de son évaluation professionnelle. Par un jugement no 1600953-1600983 du 21 février 2019, le Tribunal administratif de Melun a rejeté l'ensemble des demandes de Mme F.... Cette dernière fait appel de ce jugement en tant qu'il rejette ses conclusions dirigées contre la décision du 10 décembre 2015 du maire d'Ivry-sur-Seine de ne pas renouveler son CDD au-delà de son échéance fixée au 31 mars 2016, ainsi que la décision du 4 février 2016 de rejet de son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes, d'une part, de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version en vigueur jusqu'au 22 avril 2016 : " Par dérogation à l'article 36, les fonctionnaires peuvent être recrutés sans concours : a) En application de la législation sur les emplois réservés ; (...). / Les personnes mentionnées aux 1° (...) de l'article L. 323-3 du code du travail peuvent être recrutées en qualité d'agent contractuel dans les emplois de catégories A, B et C pendant une période correspondant à la durée de stage prévue par le statut particulier du cadre d'emplois dans lequel elles ont vocation à être titularisées. Lorsque le recrutement est opéré dans un cadre d'emplois nécessitant l'accomplissement d'une scolarité dans les conditions prévues à l'article 45, la durée du contrat correspond à la durée de cette scolarité augmentée de la durée du stage prévue par le statut particulier du cadre d'emplois dans lequel les intéressés ont vocation à être titularisés. Le contrat est renouvelable, pour une durée qui ne peut excéder la durée initiale du contrat. A l'issue de cette période, les intéressés sont titularisés sous réserve qu'ils remplissent les conditions d'aptitude pour l'exercice de la fonction / Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application de l'alinéa précédent, notamment les conditions minimales de diplôme exigées pour le recrutement en qualité d'agent contractuel en catégories A et B, les modalités de vérification de l'aptitude préalable au recrutement en catégorie C, les conditions du renouvellement éventuel du contrat, les modalités d'appréciation, avant la titularisation, de l'aptitude à exercer les fonctions. Ce mode de recrutement n'est pas ouvert aux personnes qui ont la qualité de fonctionnaire. ". Aux termes, d'autre part, de l'article 1er du décret du 10 décembre 1996 relatif au recrutement des travailleurs handicapés dans la fonction publique : " I. - Les bénéficiaires de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 323-2 du code du travail peuvent, en application du septième alinéa de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, être recrutés en qualité d'agent contractuel lorsque leur handicap a été jugé compatible avec l'emploi postulé en application des dispositions du 5° de l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et des articles 10 à 13 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Les candidats qui remplissent les conditions fixées aux articles ci-dessus peuvent être recrutés par contrat pour la période prévue au septième alinéa de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. ".

3. Aux termes, par ailleurs, de l'article L. 5212-13 du code du travail " Bénéficient de l'obligation d'emploi instituée par l'article L. 5212-2 : 1° Les travailleurs reconnus handicapés par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées mentionnée à l'article L. 146-9 du code de l'action sociale et des familles ; (...) " et de l'article L. 5212-2 du code du travail : " Tout employeur emploie, dans la proportion de 6 % de l'effectif total de ses salariés, à temps plein ou à temps partiel, des travailleurs handicapés, mutilés de guerre et assimilés, mentionnés à l'article L. 5212-13. ".

4. Pour contester la décision de refus du maire d'Ivry-sur-Seine de renouveler son CDD du 20 mars 2015, échu le 31 mars 2016, Mme F... soutient que le maire était tenu de modifier son contrat pour la faire bénéficier du dispositif de titularisation sans concours prévu par l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984, afin de tenir compte de la décision de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Seine-Saint-Denis du 29 juin 2015 lui reconnaissant la qualité de travailleur handicapé sur la période du 11 février 2015 au 10 février 2020.

5. Les collectivités territoriales disposent de la possibilité de titulariser sans concours des travailleurs handicapés titulaires de diplômes leur permettant l'accès à la fonction publique territoriale à la condition que ces derniers aient été employés par un contrat passé en application des dispositions précitées de l'article 38 de la loi du 26 janvier 1984 et des articles 1er et 5 de son décret d'application du 10 décembre 1996 et qu'ils aient effectué dans le cadre de ce contrat un stage à l'issue duquel leur aptitude à l'exercice des fonctions a été validée. Aucune des dispositions précitées n'impose à une collectivité territoriale l'obligation de modifier l'engagement d'un agent contractuel lorsque celui-ci devient éligible au dispositif de titularisation précité au cours de son contrat passé en application des articles 3 et suivants de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Aussi, pour regrettable que soit le délai écoulé entre la demande de Mme F... au maire d'Ivry-sur-Seine de modifier les clauses de son contrat à durée déterminée et la réponse du maire, la décision de ne pas modifier les stipulations de son contrat pour la faire bénéficier du dispositif de titularisation sans concours n'est pas entachée d'illégalité.

6. Si la requérante a entendu soulever le moyen tiré de ce que le refus de renouveler son contrat serait entaché d'un détournement de pouvoir, elle ne développe pas d'élément probant permettant d'établir que la commune d'Ivry-sur-Seine aurait refusé de renouveler son dernier CDD en raison de son seul handicap. Ainsi, il ressort des pièces du dossier que le contrat de Mme F... a été renouvelé à cinq reprises pour une durée d'un an à la faveur de la vacance du poste de chef de projets informatiques, du fait de la publication infructueuse de cinq avis de vacances de ce poste et que les différentes évaluations professionnelles des années 2011 à 2015 de la requérante font état de difficultés relationnelles avec sa hiérarchie. En outre, la requérante ne conteste plus en appel son évaluation professionnelle de l'année 2015 et n'établit pas que ses évaluations professionnelles antérieures des années 2011 à 2014 ne remettraient pas en cause " la qualité des missions [qu'elle a menées] en collaboration avec le [syndicat intercommunal de l'informatique municipal du Val-de-Marne ]". Or, la manière de servir de Mme F..., de même que la volonté de la commune de recruter un agent titulaire appartenant au cadre d'emploi des ingénieurs territoriaux pouvaient légalement justifier le refus de renouveler le contrat de l'intéressée.

7. Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Ivry-sur-Seine, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Melun a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 10 décembre 2015 du maire d'Ivry-sur-Seine de ne pas renouveler son CDD au-delà de son échéance fixée au 31 mars 2016, ainsi que la décision du 4 février 2016 de rejet de son recours gracieux.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Il résulte de ce qui précède que, pour l'application des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative, le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune d'Ivry-sur-Seine présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête présentée par Mme F... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Ivry-sur-Seine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et à la commune d'Ivry-sur-Seine.

Délibéré après l'audience du 11 février 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Formery, président de chambre,

- M. Platillero, président assesseur,

- Mme D..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mars 2021.

Le rapporteur,

I. D...Le président,

S.-L. FORMERY

La greffière,

C. DABERT

La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01381


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01381
Date de la décision : 04/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-01 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Stagiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. FORMERY
Rapporteur ?: Mme Isabelle MARION
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : VIDAL

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-03-04;19pa01381 ?
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