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13/04/2021 | FRANCE | N°20PA01997

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 13 avril 2021, 20PA01997


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020 sous le n° 20PA01997 et des mémoires, enregistrés le 21 octobre 2020 et le 13 janvier 2021, l'association Le 14 avenue Parmentier et Mme E... C..., représentées par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 26 février 2020, par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté son recours dirigé contre la décision du 30 septembre 2019 par laquelle la Commission départementale d'aménagement cinématographique a accordé à la société Etoile C

inémas Voltaire l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissemen...

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2020 sous le n° 20PA01997 et des mémoires, enregistrés le 21 octobre 2020 et le 13 janvier 2021, l'association Le 14 avenue Parmentier et Mme E... C..., représentées par Me D..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 26 février 2020, par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté son recours dirigé contre la décision du 30 septembre 2019 par laquelle la Commission départementale d'aménagement cinématographique a accordé à la société Etoile Cinémas Voltaire l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissement cinématographique de 5 salles et 505 places à l'enseigne " Etoile Voltaire " au 14 avenue Parmentier à Paris 11e, ainsi que cette décision ;

2°) de mettre à la charge de la Commission nationale d'aménagement cinématographique la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association Le 14 avenue Parmentier et Mme C... soutiennent que :

- leur requête est recevable ; elles ont notamment intérêt à agir ;

- la décision attaquée est insuffisamment motivée dès lors que la CNAC n'a pas statué sur l'ensemble des moyens dont elle était saisie, notamment les moyens tirés de l'existence de doutes quant à la légalité, l'effectivité et l'existence du label Art et Essai, quant à la préservation du bâti existant et au respect du critère de la qualité environnementale et quant à la problématique de sécurité publique ;

- l'article R. 212-7-29 du Code du cinéma et de l'image animée a été méconnu, l'avis du ministre chargé de la culture n'ayant été ni recueilli, ni exposé par le commissaire du gouvernement ;

- l'article R. 212-7-26 du Code du cinéma et de l'image animée a été méconnu, dès lors qu'il n'est pas démontré que la commission a bien délibéré en présence d'au moins cinq de ses membres ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu des effets potentiels du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs de la zone d'influence cinématographique, sur l'aménagement culturel du territoire et sur la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme ;

- le projet méconnaît les dispositions du plan local d'urbanisme de la ville de Paris.

Par des mémoires enregistrés les 1er et 28 octobre 2020, la société Etoile Cinémas Voltaire, représentée par Me G... et Me A..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge des requérantes une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une amende de 10 000 euros pour recours abusif.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, les requérantes n'ayant pas d'intérêt à agir contre une autorisation d'exploitation cinématographique ;

- le recours est abusif.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 janvier 2021, la Commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par Me I..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association " Le 14 avenue Parmentier " et de Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La Commission nationale d'aménagement cinématographique fait valoir que :

- la requête est irrecevable, l'objet statutaire de l'association " Le 14 avenue Parmentier " n'étant pas en lien avec l'activité cinématographique et la qualité de voisine de Mme C... ne constitue pas un intérêt à agir contre une autorisation d'aménagement cinématographique ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 septembre 2019 de la commission départementale d'aménagement cinématographique de Paris ne sont pas recevables, dès lors que la décision du 26 février 2020 de la Commission nationale d'aménagement cinématographique s'y est substituée.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 20 août 2020 et le 18 septembre 2020, sous le n° 20PA02346, la société MK2 Opérations 2, représentées par la SCP Boutet-Hourdeaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler la décision du 26 février 2020, par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a accordé à la société Etoile Cinémas Voltaire l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissement cinématographique de 5 salles et 505 places à l'enseigne " Etoile Voltaire " au 14 avenue Parmentier à Paris 11e ;

2°) de mettre à la charge de la société Etoile Cinémas Voltaire la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

- elle a intérêt à agir ;

- il n'est pas établi que les membres de la commission ont été régulièrement convoqués et ont été destinataires des dossiers d'instruction pour la séance du 26 février 2020 ;

- il n'est pas établi que la commission a régulièrement délibéré et que 5 membres au moins étaient présents ;

- il n'est pas établi que l'avis du ministre chargé de la culture a été recueilli et présenté à a commission, comme le prévoit l'article R. 212-7-29 du Code du cinéma et de l'image animée ;

- l'article R. 212-7-2 du Code du cinéma et de l'image animée a été méconnu, dès lors qu'il n'est pas démontré que la société Etoile Cinémas Voltaire disposait d'un titre de propriété ou d'un titre l'habilitant à exploiter commercialement l'immeuble ;

- le dossier de demande était incomplet, faute de comporter les estimations relatives à l'impact du projet sur les cinémas de la zone d'influence cinématographique et la nature de la programmation ;

- rien n'indique que la programmation du complexe litigieux sera effectivement labellisée " Art et Essai " ;

- la décision méconnaît les critères fixés par l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.

Par un mémoire enregistré le 28 octobre 2020, la société Etoile Cinémas Voltaire, représentée par Me G... et Me A..., demande à la Cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la société requérante une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour l'association Le 14 avenue Parmentier et Mme C... et de Me H... pour la société Etoile Cinéma Voltaire.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 26 septembre 2019, la commission départementale d'aménagement cinématographique de Paris a accordé à la société Etoile Cinémas Voltaire l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissement cinématographique de 5 salles et 505 places à l'enseigne " Etoile Voltaire " au 14 avenue Parmentier à Paris 11e, sur le site d'une ancienne sous-station électrique. L'association Le 14 avenue Parmentier et Mme C..., d'une part, et la société MK2 opérations 2, d'autre part, ont formé un recours contre cette décision devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique (CNACi). Par décision du 26 février 2020, cette dernière a rejeté ces recours et accordé à la société Etoile Cinémas Voltaire l'autorisation en cause.

2. Les requêtes n° 20PA01997 et 20PA02346 étant relatives à la même demande d'autorisation d'exploitation, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions de l'association Le 14 avenue Parmentier et de Mme C... dirigées contre la décision de la commission départementale d'aménagement commercial :

3. Aux termes de l'article L. 212-10-3 du code du cinéma et de l'image animée : " A l'initiative (...) de toute personne ayant intérêt à agir, la décision de la commission départementale d'aménagement cinématographique peut, dans un délai d'un mois, faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique. (...) / La saisine de la Commission nationale d'aménagement cinématographique est un préalable obligatoire à un recours contentieux, à peine d'irrecevabilité de ce dernier (...) ".

4. L'institution par ces dispositions d'un recours administratif, préalable obligatoire à la saisine du juge, a pour effet de laisser à l'autorité compétente pour en connaître le soin d'arrêter définitivement la position de l'administration. Il s'ensuit que la décision prise à la suite du recours se substitue nécessairement à la décision initiale. Par suite, la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique du 26 février 2020 s'est substituée à la décision du 26 septembre 2019 de la Commission départementale d'aménagement commercial de Paris. Les conclusions de l'association Le 14 avenue Parmentier et de Mme C... dirigées contre cette décision de la commission départementale sont donc irrecevables.

Sur la légalité de la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique :

En ce qui concerne la procédure devant la commission :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée : " La Commission nationale d'aménagement cinématographique se réunit sur convocation de son président. Les membres de la commission reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement cinématographique, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, par courriers du 19 février 2020, le secrétariat de la Commission nationale d'aménagement cinématographique a convoqué les membres de cette commission à la séance du 26 février 2020 au cours de laquelle le recours présenté par la société MK2 Opérations 2 a été examiné. Si la société requérante fait valoir que rien ne permet de démontrer que les membres de la commission ont effectivement été destinataires des dossiers d'instruction, elle ne fait état d'aucun élément concret susceptible d'établir que, contrairement à ce qui est indiqué dans les courriers du 19 février 2020, les dossiers d'instructions correspondant à l'ordre du jour de cette réunion n'étaient pas joints. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 212-7-26 précité doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 212-7-26 code du cinéma et de l'image animée : " La Commission nationale d'aménagement cinématographique (...) ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins ".

8. Il ressort du procès-verbal de la réunion de la Commission nationale d'aménagement cinématographique du 26 février 2020 qu'elle a délibéré en présence de 8 membres. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code du cinéma et de l'image animée doit être écarté comme manquant en fait.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 212-7-29 du code du cinéma et de l'image animée : " Le commissaire du Gouvernement recueille l'avis du ministre chargé de la culture, qu'il présente à la Commission nationale d'aménagement cinématographique. Il donne son avis sur les demandes examinées par la commission au regard des auditions effectuées ".

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'instruction devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique, que l'avis du ministre de la culture a été recueilli et présenté à la commission. Il ressort également de la décision attaquée que l'avis rendu par le commissaire du gouvernement a été entendu lors de la séance de la commission du 26 février 2020. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 212-7-29 doit par suite être écarté.

En ce qui concerne la motivation de la décision attaquée :

11. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ". Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement cinématographique, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables ni de répondre à chacun des arguments soulevés devant elle par les parties.

12. Il ressort des termes mêmes de la décision du 26 février 2020 que la Commission nationale d'aménagement cinématographique a visé le code du cinéma et de l'image animée, notamment ses articles L. 212-6 à L. 212-13, L. 212-19 à L. 212-26 et R. 212-6 à R. 212-8, et exposé les motifs de fait pour lesquels elle a estimé que le projet répond aux exigences combinées de diversité de l'offre cinématographique et d'aménagement culturel équilibré du territoire énoncées par les dispositions de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée. La décision attaquée énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde pour accorder à la société Etoile Cinémas Voltaire l'autorisation requise pour la création d'un établissement de spectacles cinématographiques de 5 salles et 505 places au 14 avenu Parmentier à Paris 11e. Elle est, dès lors, suffisamment motivée, quand bien même il n'est pas répondu aux arguments invoqués par l'association Le 14 avenue Parmentier et par Mme C... dans le cadre de leur recours.

En ce qui concerne la composition du dossier :

13. En premier lieu, aux termes de l'article R 212-7-2 du code du cinéma et de l'image animée : " La demande d'autorisation d'aménagement cinématographique est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain ou à exploiter commercialement l'immeuble ".

14. Il ressort des pièces du dossier que, lors du conseil de Paris des 7, 8 et 9 novembre 2016, la Ville de Paris, propriétaire du terrain d'assiette du projet, a autorisé la SAS Etoile Cinémas Voltaire à déposer toute demande d'autorisation administrative nécessaire à la réalisation de son projet pour le site de la sous-station électrique située au 14 avenue Parmentier à Paris 11e. Le moyen tiré de ce que la SAS Etoile Cinémas Voltaire n'était pas habilitée à déposer la demande d'autorisation en litige doit donc être écarté comme manquant en fait.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article A. 212-7-3-1 du code du cinéma et de l'image animée : " La demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique est accompagnée des renseignements et documents suivants : (...)10° Une liste des établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique précisant, pour chacun, le nombre de salles et de places de spectateurs ainsi que leur éventuelle appartenance à une entente ou à un groupement de programmation (...) 12° Une étude destinée à permettre d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 212-9 et justifiant du respect des principes posés par l'article L. 212-6. Cette étude comporte : / a) Les éléments permettant d'apprécier l'effet potentiel du projet sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs en indiquant : / - le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques en évaluant son apport à la diversité de l'offre cinématographique dans la zone d'influence cinématographique au regard de la fréquentation cinématographique globale escomptée ; ce projet comporte une estimation du pourcentage de séances consacrées respectivement aux oeuvres cinématographiques d'art et d'essai en général, aux oeuvres cinématographiques d'art et d'essai faisant l'objet d'un plan de sortie en salles de spectacles cinématographiques sur plus de 150 copies, aux oeuvres cinématographiques d'art et d'essai dites jeune public, aux oeuvres cinématographiques d'art et d'essai dites de patrimoine et aux oeuvres cinématographiques diffusées en version originale ; / - le type de programmation observé dans les établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique, au regard de la fréquentation cinématographique globale constatée dans cette zone ; / - le cas échéant, les difficultés rencontrées par le demandeur pour l'accès aux oeuvres cinématographiques (...) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la société requérante, le dossier de demande d'autorisation comportait un projet de programmation détaillé et précisait les effets attendus du projet en cause sur les cinémas de la zone d'influence cinématographique définie. Le moyen tiré d'une incomplétude du dossier de demande au regard des renseignements et documents listés à l'article A. 212-7-3-1 du code du cinéma manque ainsi en fait.

En ce qui concerne la délimitation de la zone d'influence cinématographique :

17. Aux termes de l'article R. 212-7-1 du code du cinéma et de l'image animée : " Pour l'application des dispositions de l'article L. 212-9, la zone d'influence cinématographique d'un projet d'aménagement cinématographique correspond à l'aire géographique au sein de laquelle l'établissement de spectacles cinématographiques faisant l'objet d'une demande d'autorisation exerce une attraction sur les spectateurs. / Cette zone est délimitée en tenant compte notamment de la nature et de la taille de l'établissement envisagé, des temps de déplacement nécessaires pour y accéder, de la présence d'éventuelles barrières géographiques ou psychologiques, de la localisation et du pouvoir d'attraction des établissements de spectacles cinématographiques existants ainsi que de la localisation des établissements exploités sous la même enseigne que celle de l'établissement concerné ".

18. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'instruction de la commission nationale d'aménagement cinématographique, que la société Etoile Cinémas Voltaire a défini une zone d'influence cinématographique à partir d'un périmètre défini selon un temps de trajet maximal de 20 minutes à pied ou en transport en commun, tenant également compte de frontières naturelles, à savoir le cimetière du Père Lachaise et le fort dénivelé topographique entre l'avenue Parmentier et la place Gambetta, et de l'environnement concurrentiel lié à la présence d'autres multiplexes à Bastille, Gambetta, Nation et Gare de Lyon. Elle a ensuite divisé cette zone en deux sous-zones, une sous-zone primaire englobant un public de proximité résidant à moins de 10 minutes de temps de trajet en transport en commun ou à pied et une sous-zone secondaire correspondant au reste de la zone d'influence cinématographique précédemment définie.

19. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société MK2 Opérations 2, les dispositions précitées de l'article R. 212-7-1 du code du cinéma et de l'image animée ne s'oppose pas à ce que, pour affiner l'analyse, la zone d'influence cinématographique soit scindée en sous-zones.

20. En deuxième lieu, la circonstance que la zone d'influence cinématographique et la sous-zone primaire aient été définies par référence au temps de trajet à pied ou en transport en commun et non en vélo ne suffit pas à établir que la délimitation de la zone par le pétitionnaire aurait été erronée et que cette délimitation aurait été de nature à fausser l'appréciation portée par la Commission nationale d'aménagement cinématographique, alors d'ailleurs que la société Etoile Cinémas Voltaire fait valoir que les temps de trajet à vélo ne tiennent pas compte de la durée nécessaire pour stationner le vélo.

21. En troisième lieu, la société MK2 Opérations 2 soutient que la zone d'influence cinématographique devait intégrer les établissements " MK2 Nation " et " MK2 Gambetta ", compte tenu des temps de trajet en transport en commun inférieurs à 20 minutes depuis l'adresse du projet, ainsi que les établissements " MK2 Quai de Seine ", " MK2 Quai de Loire " et " MK2 Beaubourg " situés à moins de 20 minutes en transport en commun d'adresses situées à la périphérie de la zone d'influence cinématographique. Toutefois, en se bornant à constater un temps de trajet, la requérante ne conteste pas sérieusement que, compte tenu notamment de la nature et de la taille du projet ainsi que de la localisation et du pouvoir d'attraction des établissements susmentionnés, ils ne remplissaient pas les critères prévus à l'article R. 212-7-1 du code du cinéma et de l'image animée pour être intégré à la zone d'influence cinématographique du projet. Dans ces conditions, la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas commis d'erreur d'appréciation en n'intégrant pas ces établissements dans la zone d'influence cinématographique.

En ce qui concerne l'appréciation de la commission :

22. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des oeuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts ". Aux termes de l'article L. 212-9 du même code : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des oeuvres cinématographiques aux salles et des salles aux oeuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; /c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; /e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme./ Lorsqu'une autorisation s'appuie notamment sur le projet de programmation cinématographique, ce projet fait l'objet d'un engagement de programmation cinématographique souscrit en application du 3° de l'article L. 212-23. /(...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement cinématographique ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. A ce titre, il appartient à la CNACi, lorsqu'elle se prononce sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.

23. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans la zone d'influence cinématographique du projet, le taux de fréquentation par personne (3,06 entrés par habitant et par an) est légèrement inférieur à la moyenne nationale (3,13) et très inférieur à la moyenne parisienne (10,15) et que le projet permettra de rééquilibrer l'offre cinématographique au sein de la ville de Paris et de la zone d'influence cinématographique. Il en ressort également que la société Etoile Cinémas Voltaire, dont le projet consiste à créer un établissement de 5 salles et 505 places, envisage de proposer, au cours de 10 000 séances, une offre de 250 films par an dont 110 films inédits, avec une programmation " essentiellement axée sur des films Art et Essai en VO, des films de patrimoine et des films jeune public, des courts et des moyen-métrages, des documentaires et seulement quelques films plus grand public ". Si la société MK2 Opérations 2 fait valoir que les établissements Majestic Bastille et MK2 Bastille Saint Antoine proposent déjà une offre essentiellement axée sur les films art et essai, il ressort du rapport de la direction régionale des affaires culturelles que " l'offre locale souffre d'un déficit d'offre sur le créneau Art et Essai au regard des ratios moyens constatés dans Paris ". Dans ces conditions, la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas fait une appréciation erronée du projet en estimant qu'il serait de nature à améliorer la diversité de l'offre cinématographique, nonobstant d'éventuelles difficultés d'accès aux oeuvres cinématographiques Art et Essai les plus porteuses pour les établissements de spectacles cinématographiques existants, en particulier l'établissement Majestic Bastille, relevées par la direction régionale des affaires culturelles. A cet égard, la société MK2 Opérations 2 n'apporte aucun élément précis de nature à contredire les affirmations de la société Etoile Cinémas Voltaire qui a présenté, dans le cadre de son mémoire devant la Commission nationale d'aménagement cinématographique, une étude relative aux cinémas Art et Essai de la ville de Lyon tendant à montrer que l'augmentation du nombre d'écrans a des conséquences globales positives sur l'accès aux copies. Enfin, la circonstance que la société Etoile Cinémas Voltaire pourrait ne pas obtenir le label Art et Essai est sans influence sur la décision de la commission qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été prise.

24. En deuxième lieu, la société MK2 fait valoir que la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas tenu compte des doutes existant sur la pérennité, voir même la faisabilité, du projet compte tenu d'une surestimation de la fréquentation attendue et d'un budget de construction sous-estimé. Ce moyen doit toutefois être écarté comme inopérant dès lors qu'il ne s'agit pas d'un critère que la commission peut prendre en compte.

25. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit, outre la création de 5 salles de cinéma participant à l'amélioration de l'offre cinématographique, des espaces de convivialité (kiosque, comptoir bar, espace d'exposition...), un restaurant gastronomique et des bureaux destinés à des associations et organisations professionnelles dans le domaine cinématographique, ainsi que l'organisation d'évènements culturels (cycles, festivals, projections-débats...), notamment à destination des jeunes publics. La société MK2 Opérations n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause la réalité du projet de la société pétitionnaire. En outre, contrairement à ce que soutiennent l'association Le 14 avenue Parmentier et Mme C..., les circonstances qu'une partie des espaces créés soient privatifs et que le projet prévoit un restaurant haut de gamme ne sont pas de nature à remettre en cause l'apport du projet à l'animation culturelle de la zone d'influence cinématographique et du 11ème arrondissement de Paris dans son ensemble. Dans ces conditions, la Commission nationale d'aménagement cinématographique n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que le projet ne portait pas atteinte à l'objectif d'aménagement culturel du territoire.

26. En quatrième lieu, s'agissant de la protection de l'environnement, le développement durable et la performance énergétique du bâtiment ne sont pas au nombre des critères d'appréciation de la qualité environnementale des cinémas prévus aux points c) et d) du 2° de l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée et n'ont, contrairement à ce que soutiennent l'association Le 14 avenue Parmentier et Mme C..., pas été mentionnés dans les motifs de la décision attaquée. Par suite, l'association Le 14 avenue Parmentier et Mme C... ne peuvent pas utilement se plaindre que la société Etoile Cinémas Voltaire ne produirait aucune étude sérieuse sur ces points. Alors qu'il n'est pas contesté que, comme l'a relevé la commission nationale d'aménagement cinématographique, le projet bénéficiera d'une " desserte excellente en transports en commun et en modes doux ", la décision attaquée ne méconnait pas l'objectif de protection de l'environnement.

27. En dernier lieu, s'agissant de la localisation du projet et de son insertion dans son environnement, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d'instruction devant la commission nationale d'aménagement cinématographique, que le projet, lauréat d'un appel à projet lancé par la Ville de Paris, entend conserver la façade de l'ancienne sous-station électrique Voltaire dans laquelle il doit être implanté et respecter la qualité spatiale des espaces contenus dans le bâtiment. La circonstance que le projet prévoit une surélévation du bâtiment n'est pas suffisante pour démontrer sa mauvaise insertion dans l'environnement existant, notamment au sein du site patrimonial composé par la sous-station électrique Voltaire, alors que la direction régionale des affaires culturelles a émis un avis favorable au projet et relevé notamment que le service de l'architecture et le service métropolitain de l'architecture et du patrimoine devront être consultés pour avis avant le dépôt du dossier de demande de permis de construire. Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris doit être écarté, dès lors qu'il se rapporte à l'autorisation de construire et non à la décision de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.

28. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées dans le dossier n° 19PA01997, que l'association Le 14 avenue Parmentier, Mme C... et la société MK2 Opérations 2 ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision du 26 février 2020, par laquelle la Commission nationale d'aménagement cinématographique a accordé à la société Etoile Cinémas Voltaire l'autorisation préalable requise pour la création d'un établissement cinématographique de 5 salles et 505 places à l'enseigne " Etoile Voltaire " au 14 avenue Parmentier à Paris 11e.

Sur les conclusions à fin d'infliction d'une amende pour recours abusif :

29. La faculté d'infliger au requérant une amende pour recours abusif, prévue par les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, constitue un pouvoir propre du juge. Par suite, sont irrecevables les conclusions tendant à la condamnation des requérantes à une telle amende. En tout état de cause, il n'y a pas lieu d'infliger d'office une telle amende à l'association Le 14 avenue Parmentier et à Mme C....

Sur les frais liés au litige :

30. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

31. Les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Etoile Cinémas Volaire, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, les sommes que l'association Le 14 avenue Parmentier, Mme C... et la société MK2 Opérations 2 demandent au titre des frais qu'elles ont exposés. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de l'association Le 14 avenue Parmentier et Mme C..., partie perdante, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'Etat (Commission nationale d'aménagement cinématographique) et la même somme au titre des frais exposés par la société Etoile Cinémas Voltaire et de mettre à la charge de la société MK2 Opérations 2 la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Etoile Cinémas Voltaire.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de l'association Le 14 avenue Parmentier et de Mme C... et de la société MK2 Opérations 2 sont rejetées.

Article 2 : L'association Le 14 avenue Parmentier et Mme C... verseront à l'Etat (Commission nationale d'aménagement cinématographique) et à la société Etoile Cinémas Voltaire la somme de 1000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société MK2 opérations 2 versera à la société Etoile Cinémas Voltaire la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Etoile Cinémas Voltaire est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Le 14 avenue Parmentier, à Mme E... C..., à la Commission nationale d'aménagement cinématographique, à la société Etoile Cinémas Voltaire et à la société MK2 Opérations 2.

Délibéré après l'audience du 11 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, 13 avril 2021.

Le président,

J. LAPOUZADE

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 20PA01997...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA01997
Date de la décision : 13/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

09-05-02 Arts et lettres. Cinéma.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. François DORE
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : Cabinet Aldo SEVINO

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-04-13;20pa01997 ?
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