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03/06/2021 | FRANCE | N°20PA03582

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 03 juin 2021, 20PA03582


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Paris de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat statuant sur son pourvoi formé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 avril 2019, d'annuler la décision du 23 mars 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des

préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par jugement n° 1708288/3-2 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Paris de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil d'Etat statuant sur son pourvoi formé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 avril 2019, d'annuler la décision du 23 mars 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire et de condamner l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par jugement n° 1708288/3-2 du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 novembre 2020 et les 8 et 2 avril 2021, Mme F..., représentée par Me E..., demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement n° 1708288/3-2 du 11 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre chargée du travail du 23 mars 2017 ;

2°) d'annuler la décision du 23 mars 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire ;

3°) de mettre la somme de 1 500 euros à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des faits ;

- l'absence dans les visas de la décision du ministre du 23 mars 2017 du mandat de salarié protégé exercé par Mme F... entache d'irrégularité cette décision ;

- la décision du ministre du 23 mars 2017 est entachée d'un vice de procédure dès lors que la ministre n'a procédé à aucune enquête contradictoire préalable ;

- la décision du ministre du 23 mars 2017 est insuffisamment motivée ;

- la demande d'autorisation de licenciement n'a pas été transmise au comité d'entreprise ;

- la société Lancel Sogédi l'a intentionnellement mise dans l'impossibilité de se rendre à son entretien préalable compte tenu de son inaptitude physique et de l'absence de prise en charge des frais de transport ;

- l'absence de réponse aux propositions de reclassement ne peut être qualifiée de faute et a fortiori la faute qui lui est reprochée n'est pas suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

- la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec son mandat syndical ;

- les conditions permettant d'opposer l'autorité de la chose jugée ne sont pas remplies.

Par deux mémoires en intervention, enregistrés les 16 février et 2 avril 2021, M. B... A..., représenté par Me E..., demande que la Cour fasse droit aux conclusions de la requête de Mme F... et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il déclare s'associer aux moyens de la requête de Mme F... et que les conditions permettant d'opposer l'autorité de la chose jugée ne sont pas remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2021, la société Lancel Sogédi, représentée par Mes Marceau et Geissmann, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme F... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors que le Conseil d'État par la décision n° 436040 du 4 novembre 2020 n'a pas admis le pourvoi formé par Mme F... contre l'arrêt n° 17PA02382 de la Cour administrative d'appel de Paris du 16 avril 2019, cet arrêt est devenu définitif, l'autorité de la chose jugée entraîne l'irrecevabilité de la requête d'appel de Mme F... ;

- l'intervention de M. A... ne peut pas être admise ;

- à titre subsidiaire, la décision de la ministre du travail du 23 mars 2017 est légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut à ce que la Cour constate qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de Mme F... et au rejet de sa requête.

Par ordonnance du 7 avril 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 avril 2021 à 12h.

Mme F... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 7 septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me E..., avocat de Mme F... et de M. A...,

- et les observations de Me Geissmann, avocat de la société Lancel Sogédi.

Considérant ce qui suit :

1. Mme F... a été recrutée en contrat à durée indéterminée par la société Lancel Sogédi à compter du 1er septembre 2010 en qualité de vendeuse. Elle a été élue, le 4 février 2015, déléguée du personnel suppléant. Suite à un accident du travail, l'intéressée a été placée en arrêt maladie du 16 janvier 2015 au 1er mars 2016. Le stand Lancel dans lequel Mme F... exerçait ses fonctions depuis le 24 novembre 2014 au sein des Galeries Lafayette de Nice devant être fermé, la société Lancel Sogédi a adressé à la salariée deux propositions de changement de lieu de travail, toujours dans le même secteur géographique. A la suite à plusieurs courriers de relance et en l'absence de réponse de l'intéressée, la société Lancel Sogédi a considéré que l'absence de réponse équivalait à un refus et que ce refus était fautif. Par courrier du 1er avril 2016, la société Lancel Sogédi a convoqué Mme F... à un entretien préalable à son licenciement puis, par courrier du 25 avril 2016, a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier la salariée pour faute. Par une décision du 1er août 2016, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement demandé. Le 26 septembre 2016, Mme F... a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Une décision implicite de rejet du recours hiérarchique est née du silence gardé par la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social dans un délai de quatre mois. Par une décision expresse du 23 mars 2017, la ministre chargée du travail a retiré sa décision implicite de rejet, annulé la décision de l'inspecteur du travail du 1er août 2016 pour vice de procédure et autorisé le licenciement de Mme F.... Par jugement du 16 mai 2017 rendu sous le n° 1617094, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de Mme F... tendant notamment à l'annulation de la décision de la ministre chargée du travail du 23 mars 2017 et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 50 000 euros au titre des préjudices qu'elle a subis. Par un arrêt rendu le 16 avril 2019 sous le n° 17PA02382, la Cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel interjeté par Mme F... contre ce jugement. Mme F... a demandé, par requête distincte à la première ayant donné lieu au jugement et à l'arrêt précité au tribunal administratif de Paris, l'annulation de la décision de la ministre chargée du travail du 23 mars 2017 et la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 100 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette décision. Par jugement n° 1708288/3-2 du 11 décembre 2019, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Mme F... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à l'annulation de la décision de la ministre chargée du travail du 23 mars 2017.

Sur l'intervention de M. A... :

2. Si M. A... soutient, à l'appui de sa demande d'intervention, qu'il a la qualité de représentant syndical au sein de la société Lancel Sogédi, toutefois comme en première instance, il ne l'établit pas. Par suite, il ne justifie pas d'un intérêt suffisant à l'annulation de la décision attaquée et à la condamnation de l'Etat à indemniser Mme F.... Il s'ensuit que l'intervention de M. A... n'est pas recevable.

Sur l'exception de chose jugée :

3. D'une part, par jugement n° 1617094/3-3 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a rejeté la requête de Mme F... tendant notamment à l'annulation de la décision de la ministre chargée du travail du 23 mars 2017. Ce jugement a été confirmé par l'arrêt n° 17PA02382 rendu le 16 avril 2019 par la Cour administrative d'appel de Paris. Par décision n° 436040 du 4 novembre 2020, le Conseil d'Etat n'a pas admis le pourvoi de Mme F... formé contre l'arrêt précité n° 17PA02382.

4. D'autre part, par ailleurs, par le jugement n° 1708288/3-2 du 11 décembre 2019 en litige, le tribunal administratif de Paris a rejeté le recours de Mme F... dirigé contre la même décision du 23 mars 2017 de la ministre chargée du travail et tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis. A la date de l'enregistrement de la requête ci-dessus visée de Mme F... tendant à l'annulation de ce jugement, soit le 26 novembre 2020, l'arrêt n° 17PA02382 rendu le 16 avril 2019 par la Cour administrative d'appel de Paris était devenu définitif.

5. Or, comme le soulève la société Lancel Sogédi en défense, les conclusions de la requête d'appel de Mme F..., tendant à l'annulation de la décision du 23 mars 2017 de la ministre chargée du travail, sont appuyées de moyens se rattachant aux mêmes causes juridiques que ceux soulevés dans les instances ayant donné lieu au jugement du 16 mai 2017 du tribunal administratif et à l'arrêt du 16 avril 2019 de la Cour précités. Par suite, dès lors qu'en outre ces instances et la présente instance ont le même objet, à savoir la décision de la ministre chargée du travail du 23 mars 2017, et opposent les mêmes parties, l'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à l'arrêt précité n° 17PA02382 de la Cour administrative d'appel de Paris s'oppose à ce que la Cour se prononce à nouveau sur la légalité de la décision de la ministre chargée du travail du 23 mars 2017.

6. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requête d'appel de Mme F... tendant à l'annulation du jugement n° 1708288/3-2 du 11 décembre 2019 du tribunal administratif de Paris et de la décision du 23 mars 2017 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a autorisé son licenciement pour motif disciplinaire, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Lancel Sogédi, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à Mme F... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme F..., par application des mêmes dispositions, le versement à la société Lancel Sogédi de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de M. A... n'est pas admise.

Article 2 : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la société Lancel Sogédi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F..., à la société Lancel Sogédi, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 17 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente,

- Mme D..., première conseillère,

- Mme G..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2021.

La rapporteure,

A. D...

La présidente,

H. VINOT

La greffière,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20PA03582


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 20PA03582
Date de la décision : 03/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Questions communes - Pouvoirs du juge fiscal - Autorité de la chose jugée.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : HARDOUIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-03;20pa03582 ?
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