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10/06/2021 | FRANCE | N°20PA04308

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ere chambre, 10 juin 2021, 20PA04308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n° 20VE03152, le vice-président de la Cour administrative d'appel de Versailles a renvoyé à la Cour la requête dont la Cour était saisie par M. A... E... à l'encontre du jugement n° 1904007 du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil.

M. E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le maire de Montreuil a refusé de renouveler son autorisation temporaire et précaire d'occupation du domaine public valant a

bonnement sur le marché de la Croix-de-Chavaux pour l'année 2019 et l'a autorisé à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance n° 20VE03152, le vice-président de la Cour administrative d'appel de Versailles a renvoyé à la Cour la requête dont la Cour était saisie par M. A... E... à l'encontre du jugement n° 1904007 du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil.

M. E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 5 février 2019 par lequel le maire de Montreuil a refusé de renouveler son autorisation temporaire et précaire d'occupation du domaine public valant abonnement sur le marché de la Croix-de-Chavaux pour l'année 2019 et l'a autorisé à se présenter au placement à la journée.

Par un jugement n° 1904007 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2020, M. A... E..., représenté par Me F..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1904007 du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 5 février 2019 du maire de Montreuil ;

3°) de renouveler son abonnement à son emplacement d'origine en substitution de la mesure de non-renouvellement de l'arrêté du 5 février 2019 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision a été prise sans procédure contradictoire préalable dès lors qu'il n'a jamais reçu le courrier du 27 décembre 2018 l'informant du projet de ne pas renouveler son autorisation sur le marché de la Croix-de-Chavaux et le conviant à un rendez-vous le 7 janvier suivant ;

- aucun des quatre griefs mentionnés dans la décision n'est établi ;

- la décision est entachée d'erreur de qualification juridique en ce que l'usage de faux en écriture et l'accusation mensongère qui lui sont reprochés ne constituent pas des manquements prévus par le règlement des marchés de la ville de Montreuil ;

- ces griefs méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines ;

- la décision méconnait son droit à sa liberté d'expression ;

- la sanction est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2021, la commune de Montreuil, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. E... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

- l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du même jour portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif, notamment son article 5.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique,

- et les observations de Me F..., avocat, pour M. E....

Une note en délibéré a été produite pour M. E... le 1er juin 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 février 2019, le maire de Montreuil a décidé de ne pas renouveler, pour l'année 2019, l'autorisation temporaire et précaire d'occupation du domaine public dont M. E... bénéficiait, sous la forme d'un abonnement, en qualité de marchand de chaussures sur le marché de la Croix-de-Chavaux. Le même arrêté l'a autorisé à se présenter au placement à la journée. M. E... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1904007 du 29 septembre 2020 dont il est fait appel, le tribunal a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". Aux termes de l'article 15 du règlement intérieur des marchés forains de la Ville de Montreuil : " Durée d'abonnement - résiliation. (...). Sur le marché de la Croix-de-Chavaux : Des abonnements de commerçants non alimentaires ont été délivrés pour une durée d'une année civile et ne sont pas renouvelables par tacite reconduction. Au plus tard le 30 septembre, un dossier complet de renouvellement (...) doit obligatoirement être présenté auprès de la Ville pour l'année suivante (...). ".

3. Si M. E... soutient que la décision constitue une sanction qui a été prise sans la procédure contradictoire préalable prévue par les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration, il ressort cependant de ses termes mêmes qu'elle a été prise suite à la demande de renouvellement qu'il a formulée le 1er octobre 2018. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration ne peut donc qu'être écarté.

4. La décision contestée ne constituant pas une sanction, M. E... ne peut utilement invoquer le principe de légalité des délits et des peines.

5. Pour prendre la décision contestée, le maire de Montreuil s'est fondé sur quatre motifs tirés d'une infraction au règlement des marchés suite à un abandon de déchet, de la réalisation d'un faux en écriture, d'une accusation mensongère adressée au responsable du service commerce et de menaces proférées à l'encontre d'un agent municipal.

6. Le maire de Montreuil s'est d'abord fondé sur la circonstance que M. E..., en infraction au règlement intérieur des marchés forains de la Ville de Montreuil, avait, le 2 juin 2017, abandonné des déchets à l'emplacement de son étal. Si le maire se fonde sur deux photographies montrant des déchets abandonnés ainsi qu'une boite de chaussures " La Bottine souriante ", il n'établit ni que ces photographies ont été prises près de l'étal de M. E... ni que le constat a été effectué par des agents assermentés.

7. Le maire fait aussi grief à M. E... d'avoir réalisé un faux en écriture en imitant, dans un courrier de soutien rédigé au nom de l'association des commerçants du marché de la Croix-de-Chavaux et adressé le 12 janvier 2018 à l'adjoint délégué aux finances et à la tranquillité publique, la signature de M. B..., président de cette association. Si M. B... a certifié, le 17 mai 2018, ne pas l'avoir rédigé, il avait cependant, le 30 juillet 2017, signé la pétition de soutien à M. E.... Dans ces circonstances, aucune pièce du dossier ne permet d'établir que ce courrier serait un faux rédigé par M. E....

8. Si la décision est aussi fondée sur la circonstance que le 28 janvier 2019, lors de son entretien à la mairie, M. E... a accusé à tort le responsable du service commerce, la commune de Montreuil n'apporte aucun élément de nature à établit la matérialité de ces faits que M. E... conteste. Ce motif n'étant pas établi, le requérant n'est pas fondé à se prévaloir de la méconnaissance de sa liberté d'expression.

9. La décision est enfin fondée sur le motif tiré de ce que le 23 juin 2017, M. E... a menacé un agent municipal, M. C..., venu lui remettre des documents. Si M E... conteste ces faits, il ressort toutefois des pièces du dossier que la teneur des menaces proférées, telles qu'elles figurent dans le dépôt de plainte de M. C... du 23 juin 2017 auprès du commissariat de police de Montreuil qui mentionne que M E... lui a déclaré " je vais te mettre une équipe ", est confirmée par l'attestation établie le 8 septembre 2017, quelques semaines après les faits, par MM. Young et Afallah, régisseurs placiers de la société Géraud, qui l'accompagnaient et selon qui M. E... a déclaré " je vais t'envoyer une équipe ". Ni la circonstance que la plainte a été classée sans suite ni celle que l'attestation ne respecterait pas les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile ni le courrier de soutien de l'association des commerçants du marché de la Croix-de-Chavaux du 12 janvier 2018 ne sont de nature à remettre en cause la matérialité des faits relatés.

10. Aux termes de l'article 15 du règlement intérieur des marchés forains de la Ville de Montreuil : " Ne sont pas renouvelés (...) les commerçants ayant effectué des infractions répétées au présent règlement ou une infraction grave ". L'annexe 1 au règlement mentionne, parmi les infractions, les " insultes et menaces graves envers un agent de l'administration ou son représentant (agent de police, régisseur...) ". Compte tenu de la gravité des menaces proférées par M. E... à l'encontre d'un agent municipal, le maire de Montreuil pouvait, pour ce seul dernier motif, et sans méconnaitre les dispositions précitées ni commettre d'erreur d'appréciation, refuser de renouveler son abonnement annuel, la même décision l'autorisant au demeurant à se présenter au placement à la journée sur le même marché.

11. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. La commune de Montreuil n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. E... tendant au versement d'une somme au titre des dispositions précitées doivent, en tout état de cause, être rejetées.

13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Montreuil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à la commune de Montreuil.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président,

- M. G..., premier conseiller,

- M. Doré, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 juin 2021.

Le rapporteur,

J.-F. G...Le président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

A. LOUNIS

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

2

N° 20PA04308


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ere chambre
Numéro d'arrêt : 20PA04308
Date de la décision : 10/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exces de pouvoir

Analyses

24-01-02-01 Domaine. Domaine public. Régime. Occupation.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-Francois GOBEILL
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : CABINET BOULAY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-10;20pa04308 ?
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