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25/06/2021 | FRANCE | N°19PA01014

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 25 juin 2021, 19PA01014


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation à caractère dérogatoire.

Par un jugement n° 18017815-1 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 décembre 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement

;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il souti...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation à caractère dérogatoire.

Par un jugement n° 18017815-1 du 14 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 décembre 2017.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2019, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- les circonstances invoquées par M. D... au soutien de sa demande de mutation dérogatoire ne peuvent être regardées comme graves ou exceptionnelles au sens de l'article 47 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale ;

- M. D... n'établit pas que sa mère se trouverait dans une situation de dépendance rendant impérative la présence d'une tierce personne à ses côtés, condition exigée par l'instruction du 31 décembre 2012 pour bénéficier d'une mutation dérogatoire au titre de l'aide à ascendant ; la décision du conseil départemental des Pyrénées-Orientales du 19 février 2018, refusant la demande d'allocation personnalisée d'autonomie de la mère de M. D..., confirme que cette dernière ne remplissait pas cette condition ;

- le juge exerce un contrôle restreint sur les décisions en matière de mutation ;

- la décision attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- M. D... n'établit pas que ses fonctions de major de police lui donneraient davantage de disponibilité que sa soeur pour s'occuper de sa mère au quotidien ;

- l'avis favorable émis par les supérieurs hiérarchiques de M. D... ne porte que sur la compatibilité de la mutation sollicitée avec les nécessités de service mais reste sans incidence sur la décision finale d'accorder ou non la mutation dérogatoire ;

- au regard du nombre des demandes de mutation dérogatoire, l'autorité administrative s'attache à une appréciation rigoureuse du caractère grave ou exceptionnel de la demande, sous peine de banaliser cette procédure d'exception.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 30 mai 2019 et le 24 février 2020, M. D..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'intérieur de statuer à nouveau sur sa demande de mutation à titre dérogatoire, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les observations de M. Baronnet, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. D....

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., entré dans la police nationale le 1er février 1996, promu major de police le 1er janvier 2018 et chef de sous-groupe à la brigade anti criminalité du Val-de-Marne, a fait, le 13 mai 2017, une demande de mutation dérogatoire pour aide à ascendant, aux fins de se

rapprocher de sa mère résidente à Perpignan (Pyrénées-Orientales), qui a été refusée par le ministre de l'intérieur le 7 juillet 2017. Une seconde demande de M. D... ayant le même objet, en date du 21 octobre 2017, a été également refusée par la même autorité par décision du 12 décembre 2017. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 14 février 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cette dernière décision.

En ce qui concerne la légalité de la décision du 12 décembre 2017 :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif :

2. Aux termes du quatrième alinéa de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles, aux fonctionnaires séparés pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel ils sont liés par un pacte civil de solidarité lorsqu'ils produisent la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts, aux fonctionnaires handicapés (...) et aux fonctionnaires qui exercent leurs fonctions... dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles (...) ". Et aux termes de l'article 47 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale : " Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 60, alinéa 4, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, les fonctionnaires de police peuvent obtenir, après avis de la commission administrative paritaire et dans la mesure compatible avec les nécessités du service, des mutations dérogeant aux règles d'établissement des tableaux périodiques de mutation, pour raisons de santé ou autres circonstances graves ou exceptionnelles ".

3. Pour annuler la décision du 12 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de mutation à caractère dérogatoire, fondée sur les dispositions précitées de l'article 47 du décret du 9 mai 1995, de M. D..., le Tribunal administratif de Paris a retenu deux motifs tirés de ce que, du fait de la précarité de l'état de santé de sa mère souffrant notamment de plusieurs affections dont une pathologie cardiaque liée à un infarctus survenu en 2012 et une pathologie dépressive depuis le décès de son époux en 2000, M. D... justifiait de circonstances graves, au sens de ces dispositions, et de ce qu'il avait reçu un avis favorable à sa demande de la part de ses supérieurs hiérarchiques.

4. Pour juger que M. D... était fondé à soutenir qu'il justifiait de circonstances graves au sens de l'article 47 du décret du 9 mai 1995 susvisé, les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que l'état de santé de sa mère, Mme D..., qui avait été victime d'une fracture du col du fémur en février 2017 suivie d'une rééducation longue et qui souffrait de dépression, requérait la présence de son fils pour lui apporter son soutien, que celle-ci souffrait de plusieurs affections, notamment une pathologie cardiaque et une pathologie dépressive telles que mentionnées au point 3 ainsi que des troubles de l'équilibre, et qu'elle était isolée dès lors que sa fille, résidant à cinquante kilomètres de chez elle ne pouvait, compte tenu de l'état de santé de son époux, lui rendre visite de manière régulière. Toutefois, en premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits, que Mme D... se serait trouvée, à la date de la décision attaquée, dans une situation de dépendance nécessitant la présence indispensable d'une tierce personne, notamment son fils, à ses côtés. Il résulte à cet égard de l'attestation du médecin-chef adjoint de la police nationale, en date du 18 janvier 2019, que celui-ci a émis un avis défavorable à la demande de M. D... dès lors que les pièces médicales produites par ce dernier faisaient apparaître que " la perte d'autonomie évoquée de sa mère n'était pas suffisamment objectivée ", cette dernière présentant " un diabète non insulino-dépendant et une affection cardio-vasculaire bien équilibrés sous traitement médicamenteux léger " et que, par ailleurs, la fracture pertrochantérienne dont avait été victime l'intéressée en février 2017, traitée chirurgicalement, avait dû conduire en principe au " retour à l'autonomie antérieure ". Le médecin-chef adjoint concluait son rapport en mentionnant que Mme D... ne remplissait pas les critères d'évaluation de la dépendance justifiant la présence d'une tierce personne pour pallier sa perte d'autonomie, appréciation corroborée par la décision du 19 février 2018, fondée sur l'état de santé de Mme D... à la date de la décision attaquée, par laquelle la présidente du département des Pyrénées-Orientales a rejeté sa demande d'allocation personnalisée d'autonomie (APA) au motif que l'intéressée, évaluée à la notation 5 sur la grille nationale AGGIR (Autonomie Gérontologique et Groupe Iso Ressources), qui concerne les personnes âgées n'ayant besoin, le cas échéant, que d'une aide ponctuelle pour la toilette et les activités domestiques, ne justifiait pas d'un degré de perte d'autonomie requis pour l'attribution de cette prestation. En second lieu, M. D... n'établit ni même n'allègue que l'aide ponctuelle dont aurait eu besoin, le cas échéant, sa mère pour sa toilette, la préparation des repas ou le ménage, caractéristique des personnes classées en 5 sur la grille AGGIR, n'aurait pu être assurée par une autre personne que lui-même. En troisième lieu, si M. D... invoque la dépression de sa mère, il ressort des pièces du dossier que celle-ci est suivie, depuis 2013, par un psychiatre. Enfin, si la soeur de M. D..., qui réside à cinquante kilomètres du domicile de sa mère, fait état, dans son attestation du 10 mai 2017, de ce qu'elle ne serait plus en mesure de prendre en charge sa mère, compte tenu de l'état de santé de son époux, elle n'apporte aucun élément précis sur les contraintes personnelles et professionnelles qui seraient à l'origine de cette impossibilité et la rendrait moins à même que M. D..., malgré les sujétions inhérentes à ses fonctions de major de police, de l'assister.

5. Il résulte de l'ensemble de ce qui a été dit au point 4 qu'en considérant que M. D... devait être regardé comme justifiant de circonstances graves au sens des dispositions précitées de l'article 47 du décret du 9 mai 1995, les premiers juges ont inexactement qualifié les faits de l'espèce. Ainsi, c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision du ministre de l'intérieur du 12 décembre 2017. Si le tribunal s'est également fondé sur la circonstance que M. D... avait obtenu un avis favorable à sa demande de mutation de la part de ses supérieurs hiérarchiques, ce second motif, subordonné au premier et qui ne portait que sur la compatibilité de la mutation demandée avec les nécessités du service, ne pouvait à lui seul justifier la décision d'annulation.

6. Il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur l'autre moyen invoqué par M. D... en première instance :

7. M. D... invoque le risque psycho-social important auquel il est soumis en raison, d'une part, de l'état de fatigue lié à son travail de nuit depuis 2006 dans un service difficile et, d'autre part, du fait des difficultés rencontrées à propos de sa mère âgée et malade, pour laquelle il doit effectuer de nombreux aller-retours entre son domicile de région parisienne et Perpignan où celle-ci réside, afin de l'assister. Toutefois, pour douloureuses que soient ces circonstances compte tenu de ce qui a été dit au point 4 ainsi que de la faculté de l'intéressé de solliciter sa mutation dans le cadre du mouvement normal de mutation, elles ne sont pas de nature à établir que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 décembre 2017 par laquelle il a rejeté la demande de mutation à caractère dérogatoire de M. D.... Il y a lieu, par voie de conséquence, d'annuler ce jugement et de rejeter la demande de M. D... présentée devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions d'appel aux fins d'injonction, d'astreinte et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801781/5-1 du Tribunal administratif de Paris du 14 février 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... D....

Délibéré après l'audience du 4 juin 2021 à laquelle siégeaient :

- Mme F..., présidente,

- M. B..., premier conseiller,

- Mme C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2021.

Le rapporteur,

P. B...

La présidente,

M. F... La greffière,

S. GASPAR

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 19PA01014


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01014
Date de la décision : 25/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. Positions. Affectation et mutation. Mutation.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : D'ANGELA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-06-25;19pa01014 ?
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