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19/11/2021 | FRANCE | N°21PA01785

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 19 novembre 2021, 21PA01785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Val-de-Marne sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 22 juillet 2019, d'autre part, l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a confirmé ce refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n°

1911222, 2005679 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a joint les deux de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler, d'une part, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet du Val-de-Marne sur sa demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée le 22 juillet 2019, d'autre part, l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a confirmé ce refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné.

Par un jugement n° 1911222, 2005679 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a joint les deux demandes, annulé l'arrête litigieux et enjoint à l'Etat de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête n° 21PA01785 et un mémoire complémentaire, enregistrés respectivement le 7 avril et le 9 juin 2021, le préfet du Val-de-Marne demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911222, 2005679 du tribunal administratif de Melun en date du 4 mars 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... ;

3°) de remettre à sa charge la somme accordée par les premiers juges sur le fondement de l'article L. 761 -1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen retenu par les premiers juges et tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de sa décision sur la vie personnelle de M. A... n'est pas fondé au regard des informations dont le demandeur a fait état pour obtenir son admission exceptionnelle au séjour ;

- les autres moyens articulés en première instance ne sont pas davantage fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2021, M. A..., représenté par Me Odin, conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 2 500 euros lui soit versée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que le moyen soulevé n'est pas fondé, et reprend les moyens qu'il avait soulevés en première instance.

II. Par une requête n° 21PA05125, enregistrée le 17 septembre 2021, le préfet du

Val-de-Marne demande à la Cour de surseoir à exécuter le jugement n° 1911222, 2005679 du tribunal administratif de Melun en date du 4 mars 2021.

Il soutient que les conditions énoncées à l'article R. 811-15 du code de justice administrative sont remplies.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Odin, conclut au rejet de la requête, par les mêmes moyens que sous la requête n° 21PA01785.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Soyez,

- les observations de Me Zanjantchi, substituant Me Odin, pour M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision implicite de rejet, puis par un arrêté du 25 juin 2020, le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande d'admission exceptionnelle au séjour de M. A..., ressortissant chinois, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination à destination duquel il sera éloigné. Par un jugement n° 1911222, 2005679 du 4 mars 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrête litigieux, et enjoint au préfet de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification de cette décision.

2. Pour annuler l'arrêté litigieux, les premiers juges ont estimé que l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation de ses conséquences sur la vie personnelle de M. A.... À cet effet, ils ont relevé la durée de son séjour en France, la progression de ses études en économie et en finance, leur sérieux, les diverses expériences professionnelles, parfois en lien avec ces études, et l'intensité de ses liens personnels en France, notamment sa vie commune avec M. B..., ressortissant français, depuis 2014. Toutefois, comme le fait valoir le préfet du Val-de-Marne, M. A... s'est déclaré célibataire lors de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour, le 22 juillet 2019 et n'a pas, à l'occasion de sa demande, fait état de sa relation avec M. B... ou, ultérieurement lors de l'instruction de cette dernière, d'éléments tendant à justifier l'existence d'une vie commune avec l'intéressé. Ainsi, alors même que l'intimé verse au dossier des pièces tendant à corroborer la réalité de cette vie commune, l'auteur de l'arrêté attaqué ne pouvait statuer que sur des circonstances de fait qui avaient été portées à sa connaissance. Par ailleurs, s'il ressort du dossier que M. A... a résidé régulièrement en France entre le 10 octobre 2010 et le 19 avril 2018, et qu'il a fait preuve de sérieux et d'assiduité dans ses études d'économie et de gestion, ses études ayant été sanctionnées par l'obtention de deux diplômes de master ou MBA en 2014 et 2015, il ne justifie pas de la soutenance d'une thèse qu'il indique avoir entamée en qualité de doctorant entre 2015 et 2018. En outre, si, contrairement à ce que soutient le préfet du Val-de-Marne, il a acquis une expérience professionnelle d'administration de restaurant, au cours d'un stage à l'OCDE en 2013, et comme vendeur aux Galeries Lafayette pour la maison Balenciaga en 2015, ces expériences, déjà anciennes, ne sont pas, à elles seules, de nature à établir l'existence de circonstances exceptionnelles, tenant à l'existence d'une activité professionnelle, justifiant que le préfet l'admette au séjour au titre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. Il en va de même de la circonstance qu'il a repris des études en 2020, au demeurant en l'absence de toute autorisation lui permettant de séjourner régulièrement en qualité d'étudiant. Enfin, compte tenu de l'âge auquel l'intimé, né en 1987, a quitté son pays, de la présence en Chine de sa famille qui subvient à ses besoins, et de l'absence de toute mention de liens affectifs en France à la date de la décision attaquée, l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation. C'est donc à tort que les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler l'arrêté litigieux.

3. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de l'ensemble du litige, d'examiner les autres moyens de la demande.

Sur le refus de titre de séjour :

4. En premier lieu, l'arrêté n° 2019-4106 du 20 décembre 2019, régulièrement publié au bulletin des actes administratifs de la préfecture, qui est une publication opposable aux administrés, a donné délégation, en cas d'absence ou d'empêchement, à Mme C..., directrice des migrations et l'intégration, à l'effet de signer les décisions portant refus de titre de séjour et éloignement des ressortissants étrangers. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-de-Marne n'aurait pas été absent ou empêché, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté litigieux manque donc en fait.

5. En deuxième lieu, en vertu des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " est accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants. Il ressort de la demande de titre renseignée par M. A... le 22 juillet 2019 qu'il sollicitait exclusivement son admission exceptionnelle au séjour. De plus, si M. A... soutient n'avoir pu obtenir un rendez-vous par internet, il n'établit ni n'allègue s'être rendu au bureau des étrangers avant l'expiration de son dernier titre de séjour en qualité d'étudiant. Il ne saurait donc valablement se prévaloir de la prétendue défaillance des services préfectoraux pour justifier l'absence de demande de renouvellement de ce titre, dont il est constant qu'il était expiré depuis huit mois lorsqu'il a entrepris de régulariser son séjour en France. Le préfet du Val-de-Marne n'était dès lors pas tenu d'examiner si l'intéressé justifiait la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiant. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-7 du code mentionné ci-dessus ne peut donc qu'être écarté.

6. En troisième lieu, la circonstance non contestée que M. A... a séjourné en France régulièrement entre 2010 et 2018, ne saurait à elle seule donner un caractère exceptionnel à son séjour. De même, pour les motifs exposés au paragraphe 2, ni son cursus d'études, ni ses différentes expériences professionnelles ne revêtent un tel caractère. Enfin, compte tenu d'une part de l'âge auquel il a quitté la Chine et de la présence dans ce pays de ses parents, d'autre part, de son célibat déclaré, ainsi qu'il a été dit au même paragraphe, sa demande ne justifiait pas une admission pour motif humanitaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En quatrième lieu, en vertu des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, chacun a droit au respect de sa vie privée. Il ressort de ce qui a été dit au paragraphe 2 qu'au vu des seules informations que M. A... avait portées à la connaissance du préfet du Val-de-Marne, ce dernier n'a pas porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale en lui refusant de l'admettre au séjour et n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle. Ainsi, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention mentionnée ci-dessus et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent également être écartés.

Sur la décision d'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. ".

9. En deuxième lieu, la décision portant refus de titre de séjour étant suffisamment motivée, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire ne peut qu'être écarté en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

10. En troisième lieu, cette même décision de refus de titre de séjour n'étant pas illégale, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement est dépourvue de base légale manque en fait.

11. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux paragraphes 2 et 7, les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de M. A... et de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés.

12. En cinquième lieu, en vertu des stipulations de l'article 3 de cette convention, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou à des traitements inhumains ou dégradants. M. A... ne saurait utilement se prévaloir du risque de mauvais traitements au sens de cet article 3 à l'encontre d'une mesure qui ne lui fait pas, par elle-même, obligation de retourner en Chine.

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. En premier lieu, la décision d'obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale manque en fait.

14. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Faute de toute précision relative à sa situation personnelle, M. A... n'établit pas les menaces qu'il encourrait en Chine en raison de son orientation sexuelle. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par la décision lui fixant un pays destination, des stipulations de l'article 3 de la convention déjà mentionnée, et de l'article L. 513-2 alinéa 2 du code précité, doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, le préfet du Val-de-Marne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 25 juin 2020, et, d'autre part, et par voie de conséquence, que sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement est devenue sans objet. Il n'y dès lors pas lieu de statuer sur cette dernière requête.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à M. A... une somme au titre des frais exposés par M. A... en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1911222, 2005679 du tribunal administratif de Melun en date du 4 mars 2021 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 21PA05125 du préfet du Val-de-Marne tendant à ce qu'il soit sursis à exécuter le jugement n° 1911222, 2005679 du tribunal administratif de Melun en date du 4 mars 2021.

Article 3 : Les conclusions de M. A... tendant l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D... A....

Copie en sera adressée au préfet du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 19 novembre 2021.

Le rapporteur,

J.-E. SOYEZLe président,

S. CARRERELe greffier,

C. DABERT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

7

N° 21PA01785, 21PA005125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01785
Date de la décision : 19/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Jean-Eric SOYEZ
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS ALAIN LEVY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 30/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-19;21pa01785 ?
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