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30/11/2021 | FRANCE | N°21PA00282

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 30 novembre 2021, 21PA00282


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande qui a été analysée comme tendant à ce que cette juridiction transmette au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionalité soulevées, fasse application de la circulaire du 21 juin 2013 du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, et de celle du 14 septembre 2016 du ministre de l'économie et des finances et du secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics, annule l

a saisine de la commission des infractions fiscales en date du 24 juillet 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande qui a été analysée comme tendant à ce que cette juridiction transmette au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionalité soulevées, fasse application de la circulaire du 21 juin 2013 du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, et de celle du 14 septembre 2016 du ministre de l'économie et des finances et du secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics, annule la saisine de la commission des infractions fiscales en date du 24 juillet 2018, l'avis de la commission des infractions fiscales favorable aux poursuites et la plainte déposée à la suite de cet avis, fasse injonction à l'administration fiscale de retirer sa plainte, en assortissant ce retrait de celui des pièces et documents transmis au procureur de la République.

Par une ordonnance n° 2012514/1-1 du 8 janvier 2021, la présidente de la première section du Tribunal administratif de Paris, après avoir jugé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité posées par M. B..., a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 18 janvier 2021 et le 22 juin 2021, M. A... B..., représenté par Me Losappio, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 2012514/1-1 du 8 janvier 2021 de la présidente de la première section du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision implicite rejetant la demande qu'il a présentée le 9 juin 2020 tendant au bénéfice des dispositions des circulaires du 21 juin 2013 et du 14 septembre 2016 ;

3°) d'annuler la procédure pénale mise en œuvre par 1' administration fiscale concernant les faits du dossier de régularisation des avoirs non déclarés à l'étranger qu'il a déposé dans le cadre du guichet ouvert par la circulaire du 21 juin 2013 ;

4°) d'annuler la saisine de la commission des infractions fiscales ;

5°) d'annuler 1' avis de la commission des infractions fiscales favorable aux poursuites ;

6°) d'annuler la plainte de l'administration déposée à la suite de cet avis ;

7°) de faire injonction à l'administration de retirer sa plainte en assortissant ce retrait de celui des pièces et documents transmis au procureur de la République ;

8°) de transmettre au Conseil d'Etat les deux questions prioritaires de constitutionnalité qui font l'objet d'un mémoire distinct et motivé dont il est fait appel du refus de transmission ;

9°) de mettre à la charge de l''Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a introduit en première instance un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'une décision administrative et non une demande d'injonction à titre principal, comme l'a jugé à tort l'auteur de l'ordonnance attaquée ;

- le juge administratif est compétent pour annuler la procédure pénale pour fraude fiscale mise en œuvre dès lors qu'il s'agit en l'espèce d'assurer le respect des engagements de l'Etat à l'égard du contribuable de ne pas poursuivre pénalement les régularisations des avoirs à l'étranger dans le cadre de la circulaire du 21 juin 2013 ;

- il a droit au bénéfice de la transaction prévue par cette circulaire, modifiée par celle du 14 septembre 2016 dès lors que sa régularisation est spontanée et porte sur la totalité de ses comptes, avoirs et revenus ;

- la procédure pénale pour fraude fiscale concernant les faits du dossier de régularisation des avoirs non déclarés à l'étranger doit être annulée comme contraire aux engagements pris par l'Etat dans le cadre de ces circulaires.

Par des mémoires distincts, enregistrés les 18 janvier 2021 et 22 juin 2021, M. B... demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, d'annuler l'ordonnance du 8 janvier 2021 en tant que la présidente de la première section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 228 et L. 229 du livre des procédures fiscales et 1741 du code général des impôts et de transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.

Il soutient que :

- les articles L. 228 et suivants du livre des procédures fiscales et l'article 1741 du code général des impôts s'appliquent au litige ;

- l'article L. 228 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction antérieure au 23 octobre 2018, l'article L. 229 du livre des procédures fiscales et l'article 1741 du code général des impôts portent une atteinte grave aux libertés publiques et aux droits et libertés garanties par la Constitution et par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ses articles 2 (liberté, sécurité, sûreté et résistance à l'oppression), 6 (égalité devant la loi), 7 (refus de l'arbitraire), 8 (légalité des peines), 16 (garanties des droits de la défense) ;

- les questions posées n'ont jamais donné lieu à une décision du Conseil constitutionnel et elles présentent un caractère sérieux.

Par des mémoires distincts, enregistrés les 18 janvier 2021 et 22 juin 2021, M. B... demande à la Cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, d'annuler l'ordonnance du 8 janvier 2021 en tant que la présidente de la première section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 228 et suivants du livre des procédures fiscales et 1741 du code général des impôts et de transmettre au Conseil d'Etat cette question prioritaire de constitutionnalité.

Il soutient que :

- les articles L. 228 et suivants du livre des procédures fiscales et l'article 1741 du code général des impôts s'appliquent au litige ;

- les articles L. 228, L. 229 et L. 230 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction antérieure au 23 octobre 2018 et l'article 1741 du code général des impôts portent atteinte au principe constitutionnel de l'application immédiate de la loi pénale moins sévère qui découle des articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- les questions posées n'ont jamais donné lieu à une décision du Conseil constitutionnel et elles présentent un caractère sérieux.

Par des mémoires en réponse aux questions prioritaires de constitutionnalité, enregistrés les 29 et 30 avril 2021 et le 26 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet des conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance du 8 janvier 2021 en tant que la présidente de la première section du Tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 228 et suivants du livre des procédures fiscales et 1741 du code général des impôts et au rejet des demandes de transmission au Conseil d'Etat, en vue de la saisine du Conseil constitutionnel, des deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par M. B....

Il soutient, en ce qui concerne les deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par M. B..., que les conditions prévues à l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel modifiée par la loi organique n° 2009- 1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ne sont pas remplies.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 mai 2021 et le 21 juillet 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le recours pour excès de pouvoir que M. B... soutient avoir présenté n'est pas recevable ;

- M. B... a présenté des conclusions à fin d'injonction à titre principal qui ne sont pas recevables ;

- le juge administratif n'est pas compétent pour annuler des poursuites pénales ;

- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 5 octobre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 octobre 2021 à 12h.

Un mémoire complémentaire, présenté pour M. B..., a été enregistré le 8 novembre 2021, postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 9 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

- le code de procédure pénale ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jurin,

- les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

- et les observations de Me Losappio, avocat de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Par une lettre du 30 décembre 2016, M. B... a adressé une demande au service de traitement des déclarations rectificatives en vue de régulariser sa situation fiscale en matière d'impôt sur le revenu, de contributions sociales et d'impôt de solidarité sur la fortune à raison d'avoirs détenus à l'étranger non déclarés de 2006 à 2016, puis il a produit des déclarations rectificatives le 19 mai 2017 et a procédé aux paiements correspondants. Le 7 juin 2017 M. B... a été informé qu'il allait faire l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle pour la période 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. La direction nationale des vérifications de situations fiscales a adressé à M. B... le 18 décembre 2017 une proposition de rectification portant sur les années 2014 à 2016. Par un courrier qui lui a été adressé le 17 octobre 2017, M. B... a été informé du montant des impositions supplémentaires et pénalités résultant du dépôt des déclarations rectificatives pour les autres années. En parallèle, l'administration fiscale a saisi la commission des infractions fiscales qui a émis un avis favorable aux poursuites le 21 décembre 2018. Puis l'administration a déposé une plainte pénale pour fraude fiscale le 7 février 2019. Enfin, par un courrier du 9 juin 2020, reçu le 11 juin, M. B... a demandé à l'administration, d'une part, de faire application en sa faveur de la circulaire du 21 juin 2013 du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, relative au traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger et de celle du 14 septembre 2016 du ministre de l'économie et des finances et du secrétaire d'Etat chargé du budget et des comptes publics ayant le même objet, d'autre part, d'annuler la procédure administrative ayant conduit au dépôt de la plainte le concernant. Cette demande ayant été implicitement rejetée, M. B... a saisi le Tribunal administratif de Paris d'une demande qu'a rejetée la présidente de la première section du Tribunal administratif de Paris, par une ordonnance du 8 janvier 2021 dont il relève appel.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. M. B... conteste la régularité de la procédure pénale mise en œuvre par 1'administration fiscale concernant les faits du dossier de régularisation qu'il a déposé dans le cadre du guichet de régularisation ouvert par la circulaire du 21 juin 2013 en faisant valoir que l'Etat s'était engagé à ne pas poursuivre les contribuables ayant régularisé leur situation. A ce titre, il demande l'annulation de la saisine de la commission des infractions fiscales, de 1' avis de la commission des infractions fiscales favorable aux poursuites et de la plainte de l'administration déposée suite à l'avis favorable de la commission des infractions fiscales ainsi que le retrait de la plainte de l'administration fiscale et des pièces et documents transmis par l'administration au parquet concernant son dossier de régularisation. Toutefois l'ensemble de ces actes, et notamment la saisine de la commission des infractions fiscales, sont des actes préalables et nécessaires à la mise en mouvement de l'action publique et ne sont pas détachables de celle-ci. Ainsi, les conclusions présentées à ce titre par M. B..., relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire et ne sont donc pas de celles qui ressortissent à la compétence du juge administratif, comme l'a jugé à bon droit l'ordonnance attaquée.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté la demande de M. B... comme entachée d'une irrecevabilité manifeste :

3. D'une part, le premier juge a regardé M. B... comme demandant au tribunal à titre principal d'enjoindre à l'administration de faire application de la circulaire du 21 juin 2013, modifiée par la circulaire du 14 septembre 2016 et a rejeté cette demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste. Toutefois, il ressort du contenu des écritures de M. B... soumises au premier juge qu'il avait intitulé sa demande " recours pour excès de pouvoir " et faisait référence à la jurisprudence ayant admis que le refus de conclure une transaction était susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Il pouvait par suite être regardé comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle l'administration a rejeté sa demande formée le 9 juin 2020 tendant au bénéfice des circulaires des 21 juin 2013 et 14 septembre 2016.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales : " L'administration peut accorder sur la demande du contribuable ; 1° Des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence ; / 2° Des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives ; 2° bis Des remises totales ou partielles des frais de poursuites mentionnés à l'article 1912 du code général des impôts et des intérêts moratoires prévus à l'article L. 209 du présent livre ; / 3° Par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-1 du code de justice administrative : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu'elle n'aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. / Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort : (...) /5° Sur les requêtes contestant les décisions prises en matière fiscale sur des demandes de remise gracieuse ; ". Aux termes de l'article R. 351-2 du même code : " Lorsqu'une cour administrative d'appel (...) est saisie de conclusions qu'il estime relever de la compétence du Conseil d'Etat, son président transmet sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui poursuit l'instruction de l'affaire ".

5. Il résulte des dispositions précitées de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales que lorsque le contribuable demande le bénéfice d'une transaction, une telle demande présente un caractère gracieux et que la décision par laquelle l'administration fiscale rejette une demande de transaction présentée par un contribuable ne peut être contestée que par la voie d'un recours pour excès de pouvoir.

6. En application des dispositions précitées de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, la demande dont M. B... a saisi l'administration le 9 juin 2020 présentait un caractère gracieux. Ainsi, la décision rejetant implicitement cette demande, qui présente un caractère distinct et détachable de la procédure d'imposition mise en œuvre à l'encontre de M. B..., ne peut donc être contestée que par la voie d'un recours pour excès de pouvoir. Toutefois, en application des dispositions précitées du 5° de l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le litige, compte tenu de son objet, est au nombre de ceux sur lequel le tribunal statue en premier et dernier ressort et en conséquence l'ordonnance attaquée n'est susceptible d'être contestée sur ce point que par un pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'Etat. Il y a lieu, dès lors, en application des dispositions précitées de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, de transmettre au Conseil d'Etat les conclusions présentées à tort devant la Cour.

Sur le refus de transmission au Conseil d'Etat des questions prioritaires de constitutionnalité posées par M. B... :

7. Aux termes de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article ".

8. L'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, modifiée par la loi organique du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, dispose que : " Devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat (...), le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé. (...) ". En vertu de l'article 23-2 de la même ordonnance : " La juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat ou à la Cour de cassation. Il est procédé à cette transmission si les conditions suivantes sont remplies : / 1° La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ; / 2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ; / 3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux. / (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que le président d'une formation de jugement d'un tribunal administratif, saisi d'un moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, présenté dans un écrit distinct et motivé, statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat et procède à cette transmission si est remplie la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

10. M. B... soutient d'une part que l'article L. 228 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction antérieure au 23 octobre 2018, l'article L. 229 du livre des procédures fiscales et l'article 1741 du code général des impôts portent une atteinte grave aux libertés publiques et aux droits et libertés garanties par la Constitution et par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en ses articles 2, 6, 7, 8 et 16 et, d'autre part, que les articles L. 228, L. 229 et L. 230 du livre des procédures fiscales dans leur rédaction antérieure au 23 octobre 2018 et l'article 1741 du code général des impôts portent atteinte au principe constitutionnel de l'application immédiate de la loi pénale moins sévère qui découle des articles 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutefois, ainsi qu'il a été jugé au point 2 du présent arrêt, les conclusions présentées par M. B... tendant à contester la régularité de la procédure pénale mise en œuvre par 1'administration fiscale concernant les faits du dossier de régularisation qu'il a déposé dans le cadre du guichet de régularisation ouvert par la circulaire du 21 juin 2013 et tendant notamment à l'annulation de la saisine de la commission des infractions fiscales, de 1' avis de la commission des infractions fiscales favorable aux poursuites et de la plainte de l'administration déposée suite à l'avis favorable de la commission des infractions fiscales ainsi que le retrait de la plainte de l'administration fiscale et des pièces et documents transmis par l'administration au parquet concernant son dossier de régularisation, ne ressortissent pas à la compétence du juge administratif. Or, les deux questions prioritaires de constitutionnalité posées par M. B... sont posées au soutien de ses conclusions tendant à la contestation de la régularité de la procédure pénale mise en œuvre par l'administration fiscale et, par conséquent, le juge administratif est également incompétent pour connaître de ces questions prioritaires de constitutionnalité. Ainsi, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a refusé de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité en débat. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à sa demande en ce sens renouvelée en appel.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de l'ordonnance attaqué en tant qu'elle a rejeté sa demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste doivent être transmises au Conseil d'Etat et d'autre part, que le surplus des conclusions de la requête d'appel doit être rejeté.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. D'une part, en ce qui concerne les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et accessoires à sa demande tendant à contester la régularité de la procédure pénale mise en œuvre par 1' administration fiscale et pour lesquelles la juridiction administrative n'est pas compétente, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas pour ces conclusions la partie perdante.

13. D'autre part, le jugement des conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et accessoires aux conclusions de sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 2012652/1-1 du 8 janvier 2021 de la présidente de la première section du Tribunal administratif de Paris en tant qu'elle a rejeté sa demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste, doivent être transmises au Conseil d'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 2012652/1-1 du 8 janvier 2021 de la présidente de la première section du Tribunal administratif de Paris en tant qu'elle a rejeté sa demande comme entachée d'une irrecevabilité manifeste ainsi que les conclusions accessoires présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont transmises au Conseil d'Etat

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée à l'administrateur général en charge de la direction des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- Mme Jurin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

La rapporteure,

E. JURINLe président de chambre,

C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21PA00282


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00282
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-02-01-01 Contributions et taxes. - Règles de procédure contentieuse spéciales. - Questions communes. - Compétence juridictionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. JARDIN
Rapporteur ?: Mme Elodie JURIN
Rapporteur public ?: M. SEGRETAIN
Avocat(s) : LOSAPPIO

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-11-30;21pa00282 ?
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