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06/12/2021 | FRANCE | N°21PA01307

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 06 décembre 2021, 21PA01307


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 septembre 2019 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée au profit de sa fille.

Par un jugement n° 1911102 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 et 29 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Gafsia, demande à la Cour

:

1°) d'annuler le jugement n° 1911102 du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Melun...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 septembre 2019 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a rejeté la demande de regroupement familial qu'elle a présentée au profit de sa fille.

Par un jugement n° 1911102 du 31 décembre 2020, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 et 29 mars 2021, Mme B..., représentée par Me Gafsia, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1911102 du 31 décembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 25 septembre 2019 du préfet du Val-de-Marne rejetant sa demande de regroupement familial ;

3°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne d'accorder le bénéfice du regroupement familial au profit de sa fille ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de regroupement familial dans un délai de huit jours sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet du Val-de-Marne n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- sa fille n'était pas majeure à la date du dépôt de sa demande de regroupement familial le 2 octobre 2017 ; dès lors, le préfet du Val-de-Marne n'était pas en situation de compétence liée pour rejeter sa demande ; l'Office français de l'immigration et de l'intégration a demandé un complément d'information le 5 octobre 2018 alors que sa fille était devenue majeure ; le retard dans le traitement du dossier de sa fille ne saurait lui être imputé ;

- elle remplit la condition de ressources prévue par l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que sa fille, née en France, n'a pas pu revenir de Turquie du fait de l'opposition de son père et malgré le jugement du 2 juillet 2014 du juge aux affaires familiales lui accordant l'autorité parentale exclusive sur l'enfant ; sa fille est isolée en Turquie ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les observations de Me Gafsia, avocate de Mme B... et les observations de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante turque, née le 10 octobre 1980 à Tomaza, a sollicité le bénéfice du regroupement familial pour sa fille. Par une décision du 25 septembre 2019, le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande au motif que l'intéressée ne disposait pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de son enfant. Mme B... relève appel du jugement du 31 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du point 3 du jugement attaqué que le tribunal a jugé que le préfet du Val-de-Marne était tenu de refuser de faire droit à la demande de Mme B..., dont la fille majeure n'était pas éligible au bénéfice du regroupement familial, en application de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, par suite, les moyens soulevés par Mme B... ne pouvaient qu'être écartés. Il s'ensuit que les premiers juges n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales mais ont estimé que ce moyen était inopérant. Dans ces conditions, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 434-2 de ce code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans ". Aux termes de l'article R. 411-3 du même code dont les dispositions sont désormais reprises à l'article R. 434-3 de ce code : " L'âge du conjoint et des enfants pouvant bénéficier du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande ".

4. Aux termes de l'article L. 421-4 du même code, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité administrative statue sur la demande dans un délai de six mois à compter du dépôt par l'étranger du dossier complet de cette demande. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-4 du même code dans sa version alors en vigueur : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : / 1° Les pièces justificatives de l'état civil des membres de la famille : l'acte de mariage ainsi que les actes de naissance du demandeur, de son conjoint et des enfants du couple comportant l'établissement du lien de filiation ; (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ; 4° Les documents relatifs au logement prévu pour l'accueil de la famille tels que : titre de propriété, bail de location, promesse de vente ou tout autre document de nature à établir que le demandeur disposera d'un logement à la date qu'il précise. (...) " et aux termes de l'article R. 421-8 du même code, dont les dispositions sont désormais reprises à R. 434-12 de ce code : " Au vu du dossier complet, (...) " les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration délivrent " sans délai une attestation de dépôt de dossier qui fait courir le délai de six mois prévu à l'article L. 421-4 ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de demande de regroupement familial, seule la présentation d'un dossier complet permet la délivrance par l'administration de l'attestation de dépôt de cette demande et détermine la date à laquelle doit être apprécié l'âge des enfants pouvant bénéficier du regroupement.

6. Il ressort des pièces du dossier que, saisi le 2 octobre 2017 d'une demande de regroupement familial en faveur de la fille de Mme B..., née le 10 avril 2000, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), chargé de son instruction, a demandé le

5 octobre 2018 à Mme B... de compléter son dossier dans le délai d'un mois en produisant les pièces suivantes : " la photocopie du dernier avis d'imposition, les photocopies des bulletins de salaire de septembre 2017 à septembre 2018, les photocopies des pages du contrat de location et la photocopie de la dernière quittance de loyer ". Il n'est pas contesté que cette demande de l'OFII portait sur des documents qu'un ressortissant étranger est tenu de présenter à l'appui de sa demande de regroupement familial en vertu de l'article R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, à la date du dépôt de la demande de regroupement familial de Mme B... le 2 octobre 2017, le dossier présenté à l'OFII n'était pas complet, les pièces permettant notamment d'apprécier si les conditions de ressources et de logement étaient remplies par l'intéressée n'étant pas jointes à la demande. Il ressort de l'attestation de dépôt de la demande de regroupement familial de Mme B... qu'elle a adressé à l'OFII un dossier complet le 19 novembre 2018, date à laquelle il convient d'apprécier l'âge de sa fille compte tenu de ce qui a été dit au point 5. Le retard de l'OFII à solliciter les pièces permettant de compléter le dossier de Mme B... est, dans les conditions mentionnées ci-dessus, sans incidence sur cette appréciation. Or, à la date du 19 novembre 2018, la fille A... la requérante était devenue majeure et ne pouvait plus, en conséquence, bénéficier du regroupement familial. Dans ces conditions, c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le préfet du Val-de-Marne, qui a procédé à l'examen de la situation de Mme B..., était tenu de rejeter sa demande. Il s'ensuit que la requérante ne peut utilement soutenir qu'elle remplit la condition de ressources prévue par l'article L 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Si le préfet est en droit de rejeter une demande de regroupement familial au motif que l'étranger ne remplirait pas l'une ou l'autre des conditions légales requises, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu de rejeter la demande en pareil cas s'il est porté une atteinte excessive au droit de l'étranger de mener une vie familiale normale, tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Toutefois, eu égard au motif qui la fonde, et dont il résulte que la fille A... la requérante ne relève pas de la procédure du regroupement familial, la décision en litige, qui ne fait pas obstacle à ce que cette dernière sollicite pour elle-même un titre de séjour sur le fondement adéquat, n'a pas porté au droit de Mme B... à une vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise.

10. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le préfet de police a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de Mme B....

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 décembre 2021.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA01307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01307
Date de la décision : 06/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : GAFSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-06;21pa01307 ?
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