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09/12/2021 | FRANCE | N°20PA02433

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 09 décembre 2021, 20PA02433


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 mai 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à adjoindre à son nom " B... " celui de " D... ".

Par un jugement n° 1812043/4-2 du 2 juillet 2020 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 août 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 29 octobre 2021, Mme A... B..., rep

résentée par Me Maillet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 juillet 2020 par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B..., a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 29 mai 2018 par laquelle la garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à adjoindre à son nom " B... " celui de " D... ".

Par un jugement n° 1812043/4-2 du 2 juillet 2020 le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 25 août 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 29 octobre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Maillet, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;

2°) d'annuler la décision du 29 mai 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande tendant à adjoindre à son nom celui de " D... " ;

3°) de dire et juger qu'il convient de faire droit à sa requête et de la rétablir dans son identité d'origine ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

5) d'écarter le mémoire produit par le garde des sceaux, ministre de la justice.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un motif légitime et de circonstances exceptionnelles pour reprendre son nom d'enfance, d'une part, parce qu'en méconnaissance du principe d'unité familiale, il existe une discordance entre son état civil et celui de son frère, lequel a pu reprendre son nom de naissance, d'autre part, parce que la perte de son patronyme ancestral porte atteinte à sa personnalité et entraîne une perte identitaire ; la circonstance que la décision judiciaire qui a abouti à la perte de son nom d'origine soit définitive ne fait pas obstacle à ce qu'elle demande à changer de nom ;

- l'injustice qu'elle subie est à l'origine d'une importante souffrance ;

- le mémoire produit par le garde des sceaux, ministre de la justice après la clôture d'instruction prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, doit être écarté comme étant tardif.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renaudin,

- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., a demandé son changement de nom pour pouvoir porter celui de sa naissance, soit " B... D... ". Par décision du 29 mai 2018, le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation de cette décision, qui par un jugement du 2 juillet 2020, dont elle relève appel, l'a rejetée.

2. Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication sauf réouverture de l'instruction ". Si, par une ordonnance en date du 14 septembre 2021, la clôture de l'instruction avait été fixée au 15 octobre 2021, la communication du mémoire en défense produit par le garde des sceaux, ministre de la justice le 26 octobre 2021, soit postérieurement à la date de cette clôture, à Mme B..., laquelle y a d'ailleurs répliqué par un mémoire du 29 octobre 2021, a eu pour effet de réouvrir l'instruction, laquelle s'est trouvée clôse trois jours francs avant l'audience en vertu des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative. Par suite, il n'y a pas lieu, ainsi que le demande la requérante, d'écarter du débat, parce que produit tardivement, le mémoire en défense du ministre.

Sur la légalité de la décision litigieuse :

3. Il est constant que, par décision du 3 juillet 1952, la Cour d'appel de Poitiers, a fait droit à la demande de M. C..., tendant à ce qu'il soit interdit aux parents de Mme B..., et à leur descendance de porter le nom de " D... " et a prescrit que celui-ci soit supprimé de leur état civil. Mme B..., née en 1945, a donc perdu à cette date son nom patronymique de naissance " B... D... ". Son frère, Jacques B... a toutefois obtenu par décision du 30 mai 1973 de la Cour d'appel de Poitiers, sur son action en tierce opposition, que cette décision ne lui soit pas rendue opposable, la cour ayant admis le défaut d'intérêt à agir initial de M. C..., dont le nom n'est pas identique à celui D... ", cet arrêt ayant été confirmé par la Cour de cassation le 7 janvier 1975. Le frère de l'appelante et ses descendants portent donc à nouveau le patronyme de " B... D... ".

4. Aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. (...) ".

5. La décision de la Cour d'appel de Poitiers du 3 juillet 1952, à l'encontre de laquelle Mme B... n'a pas introduit une procédure en tierce opposition, ainsi que lui en était ouverte la possibilité pendant un délai de trente ans, et qui est ainsi revêtue à son égard de l'autorité défintive de la chose jugée, n'est pas de nature à faire obstacle à ce que Mme B... revendique le bénéfice des dispositions précitées de l'article 61 du code civil aux fins de recouvrer le patronyme d'Arbellot D....

6. Mme B... fait valoir qu'elle souhaite changer de nom, afin, d'une part, qu'elle se voit rétablie dans le nom originel de sa famille et que soit ainsi assurée l'unité du patronyme au sein de sa famille et, d'autre part, afin de recouvrer l'identité dont elle a été privée. Mme B..., dans les circonstances particulières de l'espèce, doit être regardée comme justifiant d'intérêt légitime au sens des dispositions précitées de l'article 61 du code civil.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a donc lieu pour la Cour, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, de prononcer l'annulation, tant du jugement attaqué que de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice du 29 mai 2018.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " Le juge administratif doit statuer sur les conclusions à fin d'injonction présentées sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision.

9. Mme B... demande à la Cour de dire et juger qu'il convient de faire droit à sa requête et de la rétablir dans son identité d'origine, ces conclusions doivent être regardées comme tendant à ce qu'il soit enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de présenter au Premier ministre un projet de décret autorisant son changement de nom, au demeurant il appartiendrait, le cas échéant, au juge, après qu'il en ait informé les parties, de se prononcer d'office sur une telle injonction. Eu égard au motif d'annulation de la décision du 29 mai 2018 du garde des sceaux, ministre de la justice, retenu ci-dessus, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que celui-ci, présente au Premier ministre un projet de décret autorisant le changement de nom de Mme B... en " B... D... ", dans un délai trois mois à compter de sa notification.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 800 euros à verser à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Paris est annulé, ensemble la décision du 29 mai 2018 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande de changement de nom de Mme B....

Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de présenter au Premier ministre, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, un projet de décret autorisant le changement de nom de Mme B... en " B... D... ".

Article 3 : L'Etat versera à Mme B..., une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 18 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, premier vice-président,

- M. Diémert, président-assesseur,

- Mme Renaudin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 décembre 2021.

La rapporteure,

M. RENAUDINLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20PA02433


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20PA02433
Date de la décision : 09/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

26-01-03 Droits civils et individuels. - État des personnes. - Changement de nom patronymique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: Mme GUILLOTEAU
Avocat(s) : MAILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-09;20pa02433 ?
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