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22/12/2021 | FRANCE | N°21PA00314

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 22 décembre 2021, 21PA00314


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1802542, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du

2 août 2017 autorisant son licenciement pour motif économique et la décision implicite de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion rejetant son recours hiérarchique formé le

29 septembre 2017 contre cette décision.

Par une demande enregistrée sous le n° 1805839, M. A... a demandé au tribunal administratif de M

elun d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une demande enregistrée sous le n° 1802542, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du

2 août 2017 autorisant son licenciement pour motif économique et la décision implicite de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion rejetant son recours hiérarchique formé le

29 septembre 2017 contre cette décision.

Par une demande enregistrée sous le n° 1805839, M. A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du 25 mai 2018 par laquelle la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a retiré sa décision implicite rejetant son recours hiérarchique, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 2 août 2017 et a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par un jugement n° 1802542-1805839 du 20 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 2 août 2017 et de la décision implicite de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion rejetant le recours hiérarchique formé contre cette décision et a rejeté le surplus des conclusions de M. A....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 19 janvier et 25 juin 2021, M. A..., représenté par Me Brihi, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802542-1805839 du 20 novembre 2020 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail du 2 août 2017, la décision implicite rejetant son recours hiérarchique formé contre cette décision et la décision du

25 mai 2018 de la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du 25 mai 2018 est insuffisamment motivée ;

- la ministre chargée du travail n'a pas procédé à un contrôle approfondi du secteur d'activité du groupe M6 à prendre en considération pour appréhender la réalité du motif économique du licenciement, de la menace pesant sur la compétitivité de la société Home Shopping Service, de la réalité de la suppression de son poste, de l'obligation de reclassement de l'employeur et du lien entre la mesure de licenciement et ses mandats ;

- elle a commis une erreur d'appréciation quant à la détermination du secteur d'activité du groupe auquel appartient la société Home Shopping Service ;

- la réalité du motif économique tiré de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité du groupe M6 auquel appartient la société Home Shopping Service n'est pas établie ;

- son poste n'a pas été supprimé dès lors notamment que son employeur a recruté deux régisseurs adjoints sur son ancien poste de travail ;

- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

- la ministre du travail a commis une erreur de droit en estimant que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement en lui proposant quatre offres de reclassement le 21 avril 2017 alors que le respect par l'employeur de son obligation de reclassement doit être appréciée à la date de la demande d'autorisation de licenciement ;

- il existe un lien entre la mesure de licenciement et ses mandats.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2021, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.

Elle s'en rapporte à ses observations de première instance.

Par des mémoires enregistrés les 25 mars et 29 juillet 2021, la société Home Shopping Service, représentée par Me Carrie, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

et les observations de Me Ouanson, avocate de M. A..., et de Me Dodet, avocate de la société Home Shopping Service.

Considérant ce qui suit :

1. La société Home Shopping Service (HSS), qui exerce une activité de vente à distance dans le cadre d'émissions télévisées de télé-achat, est une filiale du groupe M6. Le 13 mars 2017, elle a obtenu de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) d'Ile-de-France, la validation de l'accord collectif majoritaire donnant lieu à la mise en œuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi qui prévoyait notamment la suppression de 20 postes et la modification de 4 contrats de travail sur un total de 210 salariés permanents. Le 1er juin 2017, la société HSS a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. A..., recruté le 3 mai 2010, qui exerçait en dernier lieu les fonctions de régisseur adjoint et détenait les mandats de délégué du personnel, de membre titulaire du comité d'entreprise et de délégué syndical depuis 2014. Par une décision du

2 août 2017, l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation sollicitée. Par une décision implicite née le 30 janvier 2018, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion a rejeté le recours hiérarchique formé par M. A... contre cette décision. Par une décision du 25 mai 2018, elle a retiré sa décision implicite, annulé la décision du 2 août 2017 de l'inspectrice du travail et autorisé le licenciement de M. A.... Par un jugement du

20 novembre 2020, le tribunal administratif de Melun a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 août 2017 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite de la ministre chargée du travail rejetant le recours hiérarchique de M. A... et a rejeté les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 mai 2018 de la ministre chargée du travail. M. A... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision du 25 mai 2018 de la ministre chargée du travail :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes des articles R. 2421-5 et R. 2421-12 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée. (...) ".

3. La décision contestée vise le code du travail, notamment son article L. 2411-1. Elle mentionne les éléments d'appréciation sur lesquels la ministre du travail a fait porter son contrôle, s'agissant du secteur d'activité du groupe M6 à prendre en considération pour appréhender la réalité du motif économique du licenciement, de la menace pesant sur la compétitivité de la société HSS et ainsi de la réalité du motif économique, de la réalité de la suppression du poste du salarié à raison de ce motif économique, des offres de reclassement qui lui ont été proposées et qui sont mentionnées de manière détaillée et enfin de l'absence de lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats détenus par le salarié. La décision contestée comporte ainsi les éléments de droit et les considérations de fait sur lesquels elle se fonde. La ministre du travail, qui n'était pas tenue de reprendre l'ensemble des arguments présentés par M. A..., a suffisamment motivé sa décision. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés protégés, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière.

S'agissant de l'examen de la demande d'autorisation de licenciement :

5. Il ressort des pièces du dossier ainsi que des termes de la décision contestée que la ministre du travail a procédé à un examen approfondi de la demande d'autorisation de licenciement de M. A... présentée par la société HSS et a contrôlé la réalité du motif économique du licenciement au regard du secteur d'activité spécifique Produits-Téléachat du groupe M6, comprenant les sociétés HSS France, Home Shopping Service Belgique et Best of TV, et de la menace sur la compétitivité de la société HSS au regard notamment de données économiques et financières précises présentées par la société HSS, comme cela ressort des termes de la décision contestée, la réalité de la suppression du poste du salarié, de l'obligation de reclassement de l'employeur et l'absence de lien entre la demande de licenciement et les mandats détenus par M. A.... Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut d'examen et de contrôle approfondi par la ministre chargée du travail de la demande d'autorisation de licenciement et de la situation de M. A... doit être écarté.

S'agissant du motif économique du licenciement :

6. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment : (...) 3 ° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ; La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise. Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article ". La sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un motif économique, à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe.

7. En premier lieu, le secteur d'activité d'un groupe peut être déterminé en prenant en considération un faisceau d'indices relatifs à la nature des produits, biens ou services délivrés, à la clientèle à laquelle ils s'adressent et, le cas échéant, au mode de distribution mis en œuvre. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la note économique destinée à l'information du comité d'entreprise de la société HSS en vue d'une consultation sur le projet de réorganisation de la chaîne de téléachat 24h M6 Boutique, que le groupe M6, dont la société HSS est une filiale, est structuré autour de trois pôles regroupant respectivement les activités de télévision, les activités de production et de droits audiovisuels et les activités de diversification et que ce troisième pôle, le pôle Diversification, regroupe lui-même quatre pôles, le pôle Interactions, le pôle M6 Web, le pôle Football Club des Girondins de Bordeaux et le pôle de vente à distance dénommé Ventadis. Le pôle Ventadis comprend d'une part, le secteur Produits-Téléachat dans lequel interviennent, d'une part, la société HSS, la société Home Shopping Service Belgique, la société Unité 15 Belgique (U15), la société Best of TV SAS et la société Best of TV Benelux et, d'autre part, le secteur Photos et produits personnalisés dans lequel interviennent les sociétés MonAlbumPhotos et Printic. Si ces deux secteurs d'activité utilisent le même mode de distribution des produits consistant en la vente à distance, la nature des produits qu'ils proposent et les clientèles ciblées sont différentes, le secteur Produits-Téléachat proposant des produits de consommation ayant fait l'objet d'une démonstration audiovisuelle. Dans ces conditions, la ministre chargée du travail, qui a procédé à un examen du secteur d'activité invoqué par l'employeur, a pu légalement prendre en considération, pour apprécier la réalité des difficultés économiques de la société HSS, la situation économique des seules sociétés du groupe M6 exerçant leur activité dans le secteur Produits-Téléachat, et non la situation économique des sociétés du groupe œuvrant dans d'autres secteurs d'activités ou du groupe M6 dans son ensemble.

8. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la note économique destinée à l'information du comité d'entreprise de la société HSS dans le cadre du projet de réorganisation de la chaîne de téléachat 24h M6 Boutique, que les chiffres d'affaires du secteur d'activité Produits-Téléachats du groupe M6 ont été de 136,39 millions d'euros au titre de 2014 et de 117,07 millions d'euros au titre de 2015 et de 118,40 millions d'euros en montant prévisionnel au titre de 2016 et que les résultats nets de ce secteur d'activité étaient en diminution de 21 % en 2015 et de 24 % en 2016. Les raisons de cette situation résident notamment dans le caractère concurrentiel du secteur de téléachat, la très forte baisse des audiences des chaînes de téléachat du fait notamment de l'élargissement du nombre des chaînes gratuites qui a multiplié et diversifié l'offre des programmes disponibles face aux émissions de téléachat, le coût des nombreuses techniques de marketing sur internet et les attentes des clients de plus en plus exigeants en termes de délais de livraison et de promotions permanentes. Sur la période de 2014 à 2016, la société HSS a également connu une baisse constante de son chiffre d'affaires et de ses résultats nets. Ainsi, son chiffre d'affaires qui était de 90,09 millions d'euros en 2014, n'était plus que de 70,40 millions d'euros en montant prévisionnel en 2016 et ses résultats nets qui s'élevaient à 13,53 millions d'euros en 2014 ont diminué à 6,63 millions d'euros en montant prévisionnel en 2016. De même, le chiffre d'affaires de la Chaîne 24 h M6 Boutique exploitée par la société HSS a été en diminution constante de 2012 à 2016 et est ainsi passé de 2012 à 2016 de 9,24 millions d'euros à 6,51 millions d'euros. Les pertes récurrentes de la Chaîne 24 h M6 Boutique s'expliquent par une faible audience et des coûts de production élevés. Dans ces conditions, et même si la demande d'autorisation de licenciement du salarié est intervenue en 2017 alors même que le chiffre d'affaires du secteur d'activité Produits-Téléachats du groupe M6 avait augmenté en 2016 par rapport à l'année précédente, la société HSS établit l'existence d'une menace sérieuse pesant sur sa compétitivité et la nécessité d'y remédier par une réorganisation consistant notamment en une modification de la programmation de la Chaîne 24 h M6 Boutique. La circonstance, d'une part, que le groupe M6 jouirait d'un positionnement concurrentiel croissant après avoir notamment acquis le pôle radio RTL France en 2017 et, d'autre part, que le chiffre d'affaires du pôle Ventadis du groupe M6 aurait progressé à compter de 2016 ne peut avoir d'incidence sur cette appréciation dès lors que, comme il a déjà été dit, la réalité du motif économique invoqué par la société HSS s'apprécie au regard de la situation économique des seules sociétés du groupe M6 exerçant leur activité dans le secteur Produits-Téléachat. Par suite, alors qu'il n'est pas établi qu'elle n'aurait pas eu les informations économiques précises et nécessaires pour se prononcer en toute connaissance de cause, la ministre chargée du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la réalité du motif économique de la société HSS était établie.

S'agissant de la suppression du poste de M. A... :

9. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la note économique destinée à l'information du comité d'entreprise de la société HSS en vue d'une consultation sur le projet de réorganisation de la chaîne de téléachat 24h M6 Boutique et de l'accord sur le plan de sauvegarde de l'emploi de la société HSS, que la réorganisation de la société consiste à arrêter la production et la réalisation des émissions de téléachat tournées en direct et dédiées à la Chaîne 24h M6 Boutique ainsi que le référencement des produits dédiés exclusivement à ces émissions et de simplifier la programmation et d'automatiser la conduite de l'antenne, la Chaîne 24h M6 Boutique devenant ainsi majoritairement un simple canal de rediffusion de l'émission M6 Boutique diffusée sur la chaîne M6. Cette réorganisation a conduit à la suppression de trois des sept postes de la catégorie professionnelle " accessoiriste /régisseur adjoint/ adjoint de services généraux " au sein de la société HSS. Si M. A..., régisseur adjoint, soutient que son poste n'a pas été supprimé dès lors qu'il n'exerçait pas les fonctions de régisseur adjoint dans le cadre des seules émissions de la Chaîne 24h M6 mais qu'il travaillait également pour l'émission M6 Boutique nationale ainsi que pour des directs événementiels, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause la suppression de ce poste au sein de la société HSS. En outre, M. A... soutient qu'à la suite de son licenciement, ses fonctions ont été confiées à une pigiste qui occupait le poste de régisseur depuis sept ans et qui intervenait en cas de surcharge de travail ainsi qu'à un nouveau pigiste, recruté après son licenciement. Il ressort des pièces du dossier que deux pigistes, titulaires de contrats de durée déterminée d'usage et qui exerçaient les fonctions d'assistant de production adjoint ou d'assistant chef magasinier au sein du service de logistique, ont été amenés à exercer de manière très ponctuelle certaines fonctions anciennement dévolues à M. A.... Ainsi, postérieurement au licenciement de M. A..., pendant la période comprise entre septembre 2017 et mai 2018, la première pigiste a travaillé entre 5 et 12 jours par mois alors que le second pigiste, recruté en février 2017, a travaillé dix jours pour l'ensemble de la période comprise entre septembre et novembre 2017 et n'a réalisé aucune pige en 2018. Ces éléments, eu égard notamment au faible volume horaire des activités exercées par ces pigistes, sont insuffisants pour établir que le poste de M. A... n'aurait pas été supprimé à la suite de la réorganisation de la société HSS. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin de solliciter la communication du registre unique d'entrée et de sortie du personnel, le moyen tiré de ce que le poste de M. A... n'aurait pas été supprimé à la suite de la réorganisation de la société HSS doit être écarté.

S'agissant du reclassement :

10. Il ressort des pièces du dossier que le 15 mars 2017, la société HSS a proposé à M. A... une modification de son contrat de travail en lui offrant un poste d'accessoiriste avec maintien de sa rémunération. M. A... a refusé cette modification de son contrat de travail. Il n'est pas contesté que le 21 avril 2017, il a été destinataire d'un courrier l'informant de la possibilité de recevoir des offres de reclassement dans les entreprises du groupe M6 situées à l'étranger et qu'il n'a pas répondu à ce courrier. Le même jour, la société HSS lui a également adressé quatre propositions de postes en contrat à durée indéterminée de niveau maîtrise avec le maintien du statut et de la rémunération dont le poste d'assistant chef magasinier, dont une partie des activités correspondait à celles du poste de régisseur adjoint de M. A... (gestion du flux d'échantillons, gestion de stock, organisation du processus d'alimentation en échantillons, accessoires et consommables et gestion du matériel et entretien de la cuisine) et qui était situé à Rungis comme son ancien poste, et trois postes de vendeur dont deux étaient situés à Paris et à Rosny-sous-Bois. M. A... n'a pas accepté ces offres. Il soutient que le poste de chargé de production aurait dû lui être proposé dans le cadre de ces offres de reclassement. Cependant, à supposer que ce poste ait été vacant à la date de la demande d'autorisation de licenciement de M. A..., il ressort des mentions de la fiche de ce poste, au statut de cadre, que le profil recherché était celui d'un diplômé en licence métiers de l'audiovisuel disposant de bonnes bases en anglais avec des compétences techniques (connaissance en montage, rédiger des offres de casting, rédaction des conducteurs d'émission...) et des compétences organisationnelles (organiser et superviser le tournage, encadrer et coordonner le travail d'une équipe de tournage, scénaristes, accessoiristes, gérer et optimiser un budget, garantir la faisabilité opérationnelle des scénarios proposés de la vente plateau, garantir l'efficacité des tournages, gestion des animateurs pendant les directs...). Or, le requérant, qui a le niveau baccalauréat, ne justifie pas qu'il disposait des compétences requises pour occuper le poste de chargé de production, quand bien même une formation à la prise de poste lui aurait été dispensée. Enfin, contrairement à ce que soutient le requérant, une recherche de postes disponibles a été effectuée par la société au sein des sociétés du groupe M6, notamment au sein du groupe RTL le 8 novembre 2016. Dans ces conditions, alors que l'administration doit apprécier le sérieux des offres de reclassement à la date à laquelle elle statue, la ministre chargée du travail, n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation en estimant que la société HSS avait satisfait à son obligation de reclassement.

S'agissant du lien avec les mandats :

11. Pour démontrer que la demande d'autorisation de licenciement est en lien avec ses mandats, M. A... soutient qu'il a déjà été victime de discrimination syndicale comme le révèlent les sanctions disciplinaires qui lui ont été infligées. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet d'un rappel de ses obligations professionnelles le 21 septembre 2011. Cependant, il n'établit pas que ce rappel n'était pas fondé. En outre, si la société HSS lui a demandé en 2015 de produire les justificatifs concernant une absence d'une journée, il n'établit pas avoir fait l'objet d'une sanction pour absence injustifiée. En l'absence de tout élément au dossier permettant d'établir une discrimination syndicale, la ministre chargée du travail n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que la demande d'autorisation de licenciement de M. A... n'avait pas de lien avec ses mandats représentatifs.

12. Il résulte des points 2 à 11 du présent arrêt que la décision du 25 mai 2018 par laquelle la ministre chargée du travail a retiré sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de M. A..., a annulé la décision du 2 août 2017 de l'inspectrice du travail autorisant son licenciement et a autorisé le licenciement de M. A... n'est pas entachée d'illégalité.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 août 2017 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite de la ministre chargée du travail rejetant le recours hiérarchique de M. A... :

13. La décision implicite par laquelle la ministre chargée du travail a rejeté le recours hiérarchique de M. A... a été retirée par la décision de la ministre du 25 mai 2018 et la décision du 2 août 2017 par laquelle l'inspectrice du travail a accordé l'autorisation de licenciement de M. A... a été annulée par cette même décision. Cette décision n'est pas entachée d'illégalité, ainsi qu'il a été dit au point 13. Il suit de là que les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 2 août 2017 de l'inspectrice du travail et de la décision implicite de la ministre chargée du travail rejetant le recours hiérarchique de M. A... ne peuvent par voie de conséquence et en tout état de cause qu'être rejetées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la société Home Shopping Service.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Le Goff, président,

- M. Ho Si Fat, président assesseur,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 décembre 2021.

La rapporteure,

V. LARSONNIER Le président,

R. LE GOFF

La greffière,

E. VERGNOL

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21PA00314


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00314
Date de la décision : 22/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. - Licenciements. - Autorisation administrative - Salariés protégés. - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. - Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GOFF
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : SOCIETE BRIHI-KOSKAS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2021-12-22;21pa00314 ?
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