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17/03/2022 | FRANCE | N°21PA01270

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 17 mars 2022, 21PA01270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2003094 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la

Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2021, ainsi que deux mémoires aux fins de produc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 2003094 du 5 novembre 2020, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 11 mars 2021, ainsi que deux mémoires aux fins de production de pièces, enregistrés le 11 février 2022, qui n'ont pas été communiqués, Mme A..., représentée par la SELARL Aequaea, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2003094 du 5 novembre 2020 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de renouvellement de son titre de séjour :

- le refus de titre est insuffisamment motivé, ce qui révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet de

la Seine-Saint-Denis n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation notamment au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'obligation de quitter le territoire est entachée de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet de

la Seine-Saint-Denis s'est estimé en situation de compétence liée ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le délai de départ volontaire :

- la décision fixant le délai de départ volontaire est entachée de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays d'éloignement :

- elle est entachée de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

La requête a été communiquée au préfet de Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 janvier 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Gausseres, pour Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 4 août 1998 à Djerba (Tunisie), a sollicité, le 14 mai 2019, la délivrance d'une carte de séjour temporaire, en application des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement du 5 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2020 par lequel le préfet de

la Seine-Saint-Denis a rejeté a demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français, dans un délai un trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'issue de ce délai.

Sur les conclusions dirigées contre la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. L'arrêté du 12 février 2020 vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier l'article L. 313-14 sur le fondement duquel le refus de titre de séjour a été pris, ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en particulier son article 8. Il est mentionné que Mme A... ne justifie ni de l'intensité, ni de l'ancienneté et de la stabilité de ses liens personnels en France, et que célibataire et sans charge de famille, elle ne justifie pas de la nécessité de rester auprès des membres de sa famille en France. Ainsi, la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, qui n'avait pas à faire état de l'ensemble des éléments caractérisant la situation de l'intéressé, comporte l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, il ne ressort des pièces du dossier que le préfet de

la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à l'examen particulier de la situation de Mme A... avant de prendre sa décision, s'agissant en particulier des éléments relatifs à ses liens familiaux en France et à sa scolarité. Le moyen tiré d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé doit donc être écarté.

5. En troisième lieu, si Mme A... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis dispose toujours d'une faculté, discrétionnaire, de régularisation de la situation d'un étranger, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce dernier, qui a procédé à un examen particulier de la situation familiale et personnelle de l'intéressée, se serait cru, à tort, en situation de compétence liée pour rejeter sa demande. Il en résulte que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 ".

7. Mme A..., entrée en France le 23 août 2015, à l'âge de 17 ans, fait valoir qu'elle est hébergée par son père avec son frère mineur et qu'elle poursuit avec succès son parcours scolaire et universitaire. Toutefois, l'intéressée, célibataire et sans charge de famille, n'établit pas l'intensité des liens familiaux qu'elle allègue. Elle n'établit pas non plus, ni même n'allègue, qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans et où réside sa mère. L'attestation du 24 février 2016, produite au dossier de l'instance, selon laquelle cette dernière autorise son mari à prendre toutes les décisions concernant leur fille, ne suffit pas à établir que Mme A... n'aurait plus depuis six ans de contacts avec sa mère, comme elle le prétend, alors au demeurant qu'elle est devenue majeure. Si elle se prévaut d'une scolarité sérieuse, avec l'obtention, d'une part, d'un diplôme d'études en langue française (DELF B1) puis, d'autre part, du diplôme du baccalauréat général avec mention, suivi d'une inscription à l'université, elle ne fait valoir aucun autre élément d'insertion dans la société française susceptible de constituer une considération humanitaire ou un motif exceptionnel au sens des dispositions précitées alors codifiées à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.

Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur manifeste d'appréciation et méconnu ces dispositions. Le moyen doit donc être écarté.

8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... aurait également présenté une demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions alors codifiées au 7° de l'article L. 313-11. Il en résulte qu'elle n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis aurait été prise en méconnaissance de ces dispositions.

9. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Ainsi qu'il a été dit a point 7, Mme A..., qui est célibataire et sans charges de famille en France, n'établit pas ni même n'allègue qu'elle serait dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 17 ans et où réside sa mère. Par suite, alors même qu'elle réside en France chez son père avec son frère, la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté à la vie privée et familiale de Mme A... une atteinte disproportionnée à son but. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur les conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire :

11. En premier lieu, en l'absence d'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.

12. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de

la Seine-Saint-Denis n'aurait pas examiné la situation personnelle de Mme A... et se serait cru en situation de compétence liée pour l'obliger à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de la Seine-Saint-Denis doit être écarté.

13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 10, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté, de même que celui tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur la situation de la requérante.

Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire :

14. En premier lieu, en l'absence d'illégalité entachant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision fixant le délai de départ volontaire ne peut qu'être écarté.

15. En second lieu, les moyens tirés de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme A... doivent être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 10.

Sur les conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination :

16. En l'absence d'illégalité entachant le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision fixant le pays de destination, ne peut qu'être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation doivent être rejetées de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 17 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- Mme Cécile Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.

La rapporteure,

C. B... La présidente,

H. VINOT

La greffière,

F. DUBUY-THIAM

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA01270 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA01270
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme LESCAUT
Avocat(s) : SELARL AEQUAE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-17;21pa01270 ?
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