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21/03/2022 | FRANCE | N°21PA00362

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 8ème chambre, 21 mars 2022, 21PA00362


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

3 avril 2018 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, n'a agréé que partiellement son recours administratif préalable contre sa notation établie au titre de l'année 2017.

Par jugement n°1809078/5-3 du 18 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregi

strés les 21 janvier et 29 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Chastel, demande à la Cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du

3 avril 2018 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, n'a agréé que partiellement son recours administratif préalable contre sa notation établie au titre de l'année 2017.

Par jugement n°1809078/5-3 du 18 novembre 2020, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 janvier et 29 juillet 2021, M. B..., représenté par Me Chastel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1809078/5-3 du 18 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la décision du 3 avril 2018 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, n'a agréé que partiellement son recours administratif préalable contre sa notation établie au titre de l'année 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer dès lors que le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré de l'erreur de droit dont est entachée la décision du 3 avril 2018 au regard des dispositions de l'article R. 4135-1 du code de la défense en prenant en compte des éléments d'ordre personnel et non en lien avec le service accompli dans un cadre strictement professionnel ;

- la décision du 3 avril 2018 est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 4135-1 et R. 4135-1 du code de la défense en prenant en compte des éléments d'ordre personnel et non en lien avec le service accompli dans un cadre strictement professionnel alors que, par ailleurs, aucun texte légal ou réglementaire impose à un militaire ou à un juriste travaillant pour l'administration française d'informer préalablement sa hiérarchie de l'exercice d'un recours administratif ou contentieux visant à faire valoir ses droits ;

- elle est entachée d'une erreur de droit au regard des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en méconnaissant son droit d'ester en justice ;

- le fait d'obtenir une décision juridictionnelle favorable ne saurait être un motif permettant de fonder une appréciation littérale négative au sein d'un bulletin de notation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'était pas tenu d'informer sa hiérarchie de son recours contentieux, que la notation doit porter sur l'entière période de référence et pas sur un événement ponctuel et que l'administration n'a pas démontré en quoi les recours qu'il a introduits et qui ont donné lieu à l'annulation de la décision qu'il contestait ont altéré la confiance mise en lui plusieurs années après le recours en question ;

- elle est entachée d'une erreur de fait concernant l'absence d'information de sa hiérarchie et sur le fait que le bureau auquel il appartenait n'intervient pas sur la question des permissions planifiées contrairement à ce que soutient l'administration, et qu'il n'a donc pas été amené à se prononcer personnellement sur cette question de sorte qu'il n'a pas eu la moindre volonté de cacher ou de défier le bureau des affaires juridiques et/ou sa hiérarchie à laquelle il a immédiatement transmis la décision du Conseil d'Etat dès qu'il l'a reçue.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 mai 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Collet,

- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Entré en service le 17 novembre 2008, M. A... B..., qui était officier des bases de l'air, a été admis dans le corps des commissaires des armées le 1er septembre 2014 et a été affecté au sein du bureau des affaires juridiques de l'état-major de l'armée de l'air (EMAA) en qualité d'officier expert en droit administratif. Il a bénéficié d'un congé de reconversion à hauteur de

96 jours en 2017 lui permettant de poursuivre une formation universitaire et d'avoir ainsi une présence en service en moyenne de trois jours par semaine avant d'être rayé des contrôles de l'armée active le 29 juillet 2017. Il a formé le 29 août 2017 un recours administratif préalable obligatoire devant la commission des recours des militaires tendant à la suppression dans son bulletin de notation établi au titre de l'année 2017 des mots : " dans l'ensemble ternie in extremis par un comportement de nature à altérer la confiance mise en lui, Avis très défavorable pour la réserve " figurant après la mention littérale " Excellente année " dans le cartouche " Commentaires " de la rubrique " 4. Validation de la notation par le dernier notateur ". Par décision n° 2161 du

3 avril 2018, notifiée le 12 avril 2018, son recours a été partiellement agréé par la ministre des armées et il a ainsi obtenu de cette commission l'effacement de la mention " Avis très défavorable pour la réserve " mais l'autre mention qu'il contestait a été maintenue. Par jugement

n°1809078/5-3 du 18 novembre 2020, dont il relève appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 3 avril 2018 en tant que le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, n'a agréé que partiellement son recours administratif préalable contre sa notation établie au titre de l'année 2017.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 4135-1 du code de la défense, " Les militaires sont notés au moins une fois par an. / La notation est traduite par des notes et des appréciations qui sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. / A l'occasion de la notation, le chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs son appréciation sur sa manière de servir. /Les conditions d'application du présent article, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être dérogé au caractère annuel de la notation, sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". Selon l'article R. 4135-1 du même code, " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le bulletin de notation de M. B... établi au titre de l'année 2017 comporte les commentaires suivants du dernier notateur datés du 7 juin 2017 : " excellente année dans l'ensemble ternie in extremis par un comportement de nature à altérer la confiance mise en lui ". Cette mention fait référence comme le confirment les écritures de la ministre des armées en défense aux recours contentieux introduits le 9 décembre 2016 par l'intéressé auprès du Conseil d'État contre la décision n° 7624/DEF/CC4/NP du 17 août 2016 du ministre de la défense fixant le nombre de taux journaliers de l'indemnité pour temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires attribués à certains militaires qui a donné lieu à une ordonnance de référé du 21 décembre 2016, dont copie a été adressée au ministre de la défense et à une décision du 11 mai 2017 annulant la décision n° 7624/DEF/CC4/NP du 17 août 2016. Or, d'une part, comme l'établit M. B..., qui était affecté le 9 décembre 2016, date d'introduction des recours précités, au sein du bureau des affaires juridiques de l'EMAA, ce dernier a adressé le 22 novembre 2016 au chef de bureau des affaires juridiques par intérim remplaçant son supérieur hiérarchique habituel M. C..., alors absent, un courriel relatif à son argumentation citant une jurisprudence relative à l'appréciation de la condition d'urgence pour le prononcé d'une mesure de suspension, la décision n° 7624/DEF/CC4/NP du 17 août 2016 et évoquant comme argument " le temps nécessaire à l'instruction de la requête en excès de pouvoir dirigée contre ladite décision ". Ces éléments sont sans aucune ambiguïté sur son intention de former un recours contre la décision n° 7624/DEF/CC4/NP du 17 août 2016, information que M. B... a donc bien portée à la connaissance de sa hiérarchie préalablement à l'introduction des recours contentieux précités quand bien même cette information n'a pas ensuite été transmise à son supérieur hiérarchique habituel et au notateur final le général de division aérienne. D'autre part, si la ministre des armées fait valoir en défense que cette démarche contentieuse sans en informer sa hiérarchie est de nature à altérer la confiance de sa hiérarchie à son égard et fait valoir en défense que le bureau des affaires juridiques au sein duquel M. B... était en service, a " été consulté pour avis par la direction des ressources humaines de l'armée de l'air sur deux projets de correspondances signés par le major général de l'armée de l'air les 26 septembre 2016 et 27 janvier 2017 " et qu'il " a dû examiner et donner un avis juridique sur le décret annulé par le Conseil d'État, en service, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions ", elle ne produit aucune pièce à l'appui de ses allégations et notamment pas les avis qui auraient été formulées par ce dernier alors que M. B... soutient, quant à lui, qu'il n'a jamais été personnellement consulté ni eu connaissance de demande de consultation du bureau des affaires juridiques à ce sujet alors qu'en plus, il n'était pas présent à plein temps bénéficiant du congé de reconversion précité. Il résulte ainsi de ce qui précède que, dans les circonstances de l'espèce, M. B... peut être regardé comme ayant exercé, sans en abuser, ces voies de recours, et qu'il n'a ainsi fait qu'user de ses droits, de sorte qu'il ne pouvait en être légalement tenu compte, comme élément négatif, dans sa notation. Par suite, en se fondant sur un tel motif évoqué en filigrane par la mention " ternie in extremis par un comportement de nature à altérer la confiance mise en lui ", la décision du 3 avril 2018 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, n'a agréé que partiellement son recours administratif préalable contre sa notation établie au titre de l'année 2017 et a donc maintenu la mention précitée succédant à celle indiquait " excellente année dans l'ensemble " est entachée d'une erreur de droit au regard des dispositions des articles L. 4135-1 et R. 4135-1 du code de la défense.

4. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de M. B..., ce dernier est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il s'en suit que M. B... est fondé à demander l'annulation du jugement n°1809078/5-3 du 18 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris et de la décision du 3 avril 2018 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, n'a agréé que partiellement son recours administratif préalable contre sa notation établie au titre de l'année 2017 en laissant subsister la mention " dans l'ensemble ternie in extremis par un comportement de nature à altérer la confiance mise en lui ".

Sur les frais liés à l'instance :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros à verser à M. B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°1809078/5-3 du 18 novembre 2020 du Tribunal administratif de Paris et la décision du 3 avril 2018 par laquelle le ministre de la défense, après avis de la commission des recours des militaires, n'a agréé que partiellement son recours administratif préalable contre sa notation établie au titre de l'année 2017 en tant qu'elle maintient la mention " dans l'ensemble ternie in extremis par un comportement de nature à altérer la confiance mise en lui " sont annulés.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. B... la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Ho Si Fat, président de la formation de jugement,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2022.

La rapporteure,

A. COLLETLe président,

F. HO SI FAT

La greffière,

N. COUTY La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA00362


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA00362
Date de la décision : 21/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

08-01-01-04 Armées et défense. - Personnels militaires et civils de la défense. - Questions communes à l'ensemble des personnels militaires. - Notation.


Composition du Tribunal
Président : M. HO SI FAT
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : CHASTEL

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2022-03-21;21pa00362 ?
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